Enterrer des slips bio : l'étonnante méthode pour évaluer la qualité des sols

Publié le Jeudi 18 Octobre 2018
Léa Drouelle
Par Léa Drouelle Journaliste
Enterrer des slips pour tester la qualité des sols : l'étonnante méthode inspirée du Canada
Enterrer des slips pour tester la qualité des sols : l'étonnante méthode inspirée du Canada
La Chambre d'agriculture du Var s'est récemment livrée à une expérience surprenante. Elle a enfoui 210 slips en coton bio afin de mesurer la fertilité des terres. Une technique écoagricole déjà expérimentée au Canada.
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Dans le Var, on ne plante pas des choux, mais des slips. C'est à cette expérience pour le moins étrange qu'ont participé plusieurs membres de la chambre agricole du Var. Le principe consistait à enfouir 210 slips fabriqués en coton bio dans les terres agricoles afin de mesurer leur niveau de fertilité ainsi que d'évaluer les effets de traitements chimiques ou biologiques sur l'agriculture.

Les agriculteurs et agricultrices qui ont participé à l'opération ont enterré la lingerie dans trois types de sol différents : un sol sableux cultivé sans labour pendant trois ans, un sol argileux et un sol limon (mélange d'argile et de sable) tous deux cultivés pendant dix ans sans labour. L'exhumation des sous-vêtements a eu lieu début octobre.

Les résultats de l'expérimentation sont étonnants : les slips enfouis dans les sols argileux et limon sont ressortis très endommagés. D'eux, il ne reste que l'élastique et quelques parcelles de coton. À l'inverse, les culottes enfouies dans le sol sableux sont ressorties de la terre en très bon état.

Plus le slip est abîmé, plus le sol est fertile

À première vue, on pourrait déduire de ces résultats que les slips les plus détériorés proviennent des sols les plus contaminés. Mais c'est en fait tout l'inverse : un sous-vêtement abîmé traduit la présence d'une biodiversité riche, et donc d'un sol sain, où les espèces prolifèrent.

C'est la raison pour laquelle les sous-vêtements choisis pour l'expérience étaient tous produits à partir de matières biologiques. Autrement, les espèces dans les sols ne les auraient pas mangés.

"Un sol sableux, n'est pas favorable à la vie des micro-organismes. Le slip est donc ressorti sans être trop mangé. En revanche lors d'un arrêt de labour depuis plusieurs années, et un travail du sol peu profond, les micro-organismes ont créé leur habitat et sont très présents dans le sol, ils se sont donc régalés à manger le slip en coton", explique à Libération la chercheuse Amélie Cardine, à l'origine d'une expérience similaire réalisée en août 2017 avec la chambre agricole du Calvados (Normandie).

"Salissez vos sous-vêtements"

L'idée d'ensevelir de la lingerie sous la terre pour mesurer le niveau de fertilité biologique des sols agricoles n'est toutefois pas nouvelle, puisqu'elle est pratiquée depuis de nombreuses années au Canada.

En avril 2017, le Conseil de conservation des sols du Canada a lancé une campagne nationale symbolisée par le hashtag #SoilYourUndies ("Salissez vos sous-vêtements"), afin à de sensibiliser les gens à l'importance de la conservation des sols par la culture sans labour.

Basée sur la méthode d'agriculture de conservation, la culture sans labour consiste à réduire la main d'oeuvre humaine dans le travail des sols et donner plus d'autonomie aux terres pour se régénérer naturellement, par le biais d'interactions entre les micro-organismes.

Pionnier en la matière, le Canada pratique l'agriculture de conservation depuis les années 70. Aujourd'hui, ce pays d'Amérique du Nord demeure une référence en terme de culture sans labour, technique également connue sous le nom de "semis direct".