Marlène Schiappa annonce une future loi contre les violences sexistes et sexuelles

Publié le Lundi 16 Octobre 2017
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Marlène Schiappa le 17 mai 2017
Marlène Schiappa le 17 mai 2017
Dans un entretien accordé au journal "La Croix", la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes a détaillé son projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, prévue pour le 1er semestre de 2018.
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Alors qu'elle vient de lancer conjointement avec le Premier ministre Édouard Philippe une vaste consultation citoyenne avec Tour de France de l'Égalité, Marlène Schiappa poursuit son action en faveur des droits des femmes en émettant le projet d'une vaste loi contre les violences sexistes et sexuelles à l'encontre des femmes et des mineurs.

Dans un entretien accordé dans l'édition du 16 octobre du journal La Croix, la secrétaire d'État détaille les mesures envisagées dans son projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles "afin d'abaisser le seuil de tolérance de la société", notamment en matière d'actes commis à l'encontre de mineurs. Porté conjointement avec la ministre de la Justice Nicole Belloubet, ce grand projet de loi sera présenté au premier semestre 2018 après qu'ait eu lieu une grande concertation des forces de l'ordre, des magistrats et des associations, ainsi que la consultation citoyenne du Tour de France de l'Égalité.

Définir un âge de consentement à une relation sexuelle

Première mesure-phare du projet de loi : fixer un âge légal pour le consentement sexuel des mineurs. Très attendue, cette mesure fait suite à la décision polémique du tribunal de Pontoise qui avait décidé de poursuivre pour atteinte sexuelle et non pour viol un homme de 28 ans qui avait eu des relations sexuelles avec une fillette de 11 ans. Considérant que la victime était "implicitement consentante", le parquet requalifiait de fait un viol (passible de 20 ans de réclusion) en délit passible de 5 ans de prison. Inadmissible pour les associations féministes, qui avaient demandé au gouvernement de légiférer.

Si elle se refuse à commenter l'affaire "au nom de la séparation des pouvoirs" et "par respect pour la petite fille", Marlène Schiappa souhaite néanmoins un abaissement de l'âge en dessous duquel un.e mineur.e ne peut être considéré.e comme consentant.e à une relation sexuelle. "Considérer qu'un enfant est consentant au motif qu'il ne s'est pas clairement opposé à la relation, c'est faire totalement abstraction de l'état de sidération dans lequel il se trouve, explique Marlène Schiappa. Par ailleurs, un enfant peut tout simplement ne pas deviner ce qu'un adulte va lui faire. Je veux donc qu'on puisse obtenir des condamnations pour viol et non pour atteinte sexuelle en deçà d'un certain âge."

Reste désormais à définir cette limite d'âge. Le Monde rappelle ainsi que politiques et associations n'ont pour le moment pas réussi à se mettre d'accord. Ainsi, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes préconise de l'abaisser à 13 ans quand l'ancienne ministre chargée des droits des femmes Laurence Rossignol souhaite le fixer à 15 ans. Actuellement, le Code Pénal réprime le fait pour un.e majeur.e d'avoir une relation sexuelle consentie avec un.e mineur.e de moins de 15 ans. Qualifiée d'atteinte sexuelle, elle est considérée comme un délit passible de 5 ans d'emprisonnement.

Rallonger les délais de prescription pour les crimes sexuels

Autre grande annonce autour du contenu de ce futur projet de loi : celle d'un volet consacré au rallongement des délais de prescription pour les crimes sexuels pour les mineurs de moins de 15 ans. Alors qu'ils sont actuellement fixés à 20 ans après la majorité de la victime, Marlène Schiappa souhaiterait ouvrir un débat sur l'allongement à 30 ans à compter de la majorité. "Beaucoup de victimes nous expliquent qu'elles ont eu besoin de temps pour aller en justice. Elles témoignent qu'elles ont voulu construire leur vie avant de s'occuper de cela. Qu'elles ont eu besoin de trouver un travail, de construire une famille puis, qu'un jour, parfois quand leurs propres enfants ont atteint l'âge où elles ont été agressées, elles ont eu des réminiscences de ce drame. Mais quand elles ont voulu saisir la justice, c'était trop tard", regrette la secrétaire d'État, qui se prononce en revanche contre l'imprescriptibilité des faits. "D'abord, l'imprescriptibilité est réservée aux crimes contre l'humanité. Je pense qu'on ne passerait pas l'étape du Conseil constitutionnel. Ensuite, certains experts estiment qu'il est bon pour les victimes d'avoir une date butoir. On sait par exemple que certaines personnes retrouvent la mémoire précisément à l'approche de cette échéance." Mais, promet-elle, "s'il ressort des débats que l'imprescriptibilité peut avoir un intérêt, alors nous l'étudierons".

Verbaliser le harcèlement de rue

Enfin, dernière mesure annoncée : celle de la verbalisation du harcèlement de rue. Malgré les vives réserves émises par des associations de défense des droits des femmes sur son efficacité, Marlène Schiappa persiste et signe, rappelant qu'une définition claire de ce qu'est le harcèlement de rue permettra de mieux le condamner. "Le débat que je lance doit servir à préciser les limites. J'ai été frappée par le fait que dans les trois premiers ateliers du tour de France auxquels j'ai assistés, ce sujet arrive en tête des préoccupations des jeunes filles. Il ne faut pas laisser cela devenir une normalité", prévient Marlène Schiappa.

Au programme : la création d'une police de proximité chargée de verbaliser le harcèlement et une meilleure formation des agent.e.s chargé.e.s de recueillir la parole des victimes.

Problème, pour les associations féministes, de telles mesures s'avéreront tout au plus symboliques. Comment, en effet, verbaliser chaque scène de harcèlement alors que seul.e.s 10 000 agent.e.s de proximité supplémentaires vont être déployé.e.s sur tout le territoire. "Il faut que l'agent.e de police voit ou entend le propos (donc qu'il se déroule juste devant lui/elle). On imagine mal les harceleurs attendre le moment où ils seront devant les force de police pour passer à l'acte", notait les associations Paye Ta Shnek et Stop Harcèlement de Rue dans une tribune parue dans L'Express.

Autre problème soulevé : celui d'une possible stigmatisation des populations racisées, vivant généralement dans les quartiers populaires, et qui seront les premières concernées par le déploiement de ces nouveaux agents. Dans une tribune publiée dans Libération le 26 septembre, plusieurs chercheurs mettaient en garde contre une augmentation des contrôles policiers au faciès sous prétexte de vouloir lutter contre les violences sexistes. Une inquiétude que Marlène Schiappa préfère balayer : "Mais que veut dire 'racisé' ? Ce n'est pas le sujet ! L'origine ne doit être ni un facteur aggravant, ni une circonstance atténuante."