Comment réagir aux méchants ragots au boulot ?

Publié le Lundi 12 Août 2019
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
"American Psycho" de Mary Harron (2000)
"American Psycho" de Mary Harron (2000)
Hormis les "gossip girls" pour petit écran et les pages de "Voici", l'on porte peu dans son coeur les vilains ragots. Mais ils circulent peut-être en ce moment même autour de votre bureau. Alors voici quelques conseils pour y réagir.
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Malgré la patine policée de la vie de bureau (chemises bien repassées, plannings détaillés, silence cérémonial de l'open space) persiste souvent dans l'univers des adultes responsables une atmosphère venimeuse façon cour de récré. Une ambiance immature. Toxique. Entre autres parce qu'y perdure un art vieux comme le monde : la rumeur.

Des rumeurs qui émergent, discrètement, puis se diffusent, pernicieusement. Jusqu'au point de non-retour. Bêtement affriolantes lorsque l'on en est l'audience lointaine. Insupportables et susceptibles de vous faire péter un câble en pleine réu lorsque vous en êtes le sujet principal. Alors histoire d'éviter le burn-out, voici quelques tips pour échapper au vice de la rumeur.

"Le secret de mon succès", avec Michael J. Fox.
"Le secret de mon succès", avec Michael J. Fox.

L'astuce de la pirouette

Ou comment associer ludisme et bon esprit. C'est le site spécialisé The Muse qui nous offre cette petite astuce de mastermind. La matrice de la rumeur, et de son caractère viral, est toujours la même depuis des décennies : le fameux "je vais te dire quelque chose, mais tu ne dois en parler à personne" décoché au coin de la machine à café. Ironiquement, c'est le feu vert ultime pour faire de cette nouvelle l'info de la journée - moults détails juteux à l'appui. Alors pour éviter toute transmission plus ou moins volontaire, le mieux reste encore de répondre : "Eh bien, tu ne devrais probablement pas me le dire alors - je ne suis pas le/la meilleur·e pour garder des secrets". Une pirouette si saisissante qu'elle devrait être enseignée en cours de gymnastique.

Autre pirouette rhétorique, également suggérée par The Muse : changer de sujet. L'air de rien. Après tout, les conversations alimentées entre collègues sont parfois si légères que vos interlocuteurs·trices n'y verront que du feu. Sans interrompre votre collègue en plein milieu d'une phrase cependant, car il s'agit d'y aller à la cool. Comme Fonzie. Par exemple, si la rumeur concerne l'attitude d'untel à une soirée, cherchez plutôt à savoir ce que l'autre a pensé de ladite soirée : l'ambiance du bar, sa déco, sa bande son...

Apporter la vérité

Tout simplement ! Si elle vous concerne, ou si vous connaissez le fin mot de l'histoire, n'hésitez pas à le faire savoir. La vérité officielle n'est jamais mauvaise à mettre sur le tapis. S'attaquer aux ragots à la source permet d'éviter leur lente et fatale progression vers un état de non-retour. Ce moment où, une fois passé le simple stade du divertissement, les qu'en-dira-t-on déstabilisent les bases de la vie d'entreprise : cordialité, solidarité, esprit d'équipe. Ne pas oublier que derrière l'apparente insouciance de la chose, le ragot est une affaire de luttes de pouvoir. Une histoire de conflits. L'expression certaine d'une violence qui ne dit pas son nom.

Cette idée de "LA" vérité semble naïve, elle ne l'est pas. Dans son billet "Comment les bruits de couloir détruisent la culture de bureau", la manageuse Vartika Kashyap insiste sur l'importance de cette vérité comme fondement de la confiance individuelle et collective. Se jouer de la crédulité d'autrui, fut-ce pour un canular, revient à "détruire" l'estime qu'il vous porte. "Personne ne croit en une personne qui s'est montrée indigne de confiance en propageant des rumeurs et des commérages", déplore l'érudite, pour qui cette "propagation négative" a un impact direct sur le moral des employé·es. Et, logiquement, sur leurs performances...

Nicolas Cage dans "Embrasse moi vampire"
Nicolas Cage dans "Embrasse moi vampire"

Pratiquer la psychologie inversée

C'est l'inestimable site de work culture Business Insider qui nous le suggère : lorsqu'une rumeur affole les foules, rien de tel que de pratiquer la psychologie inversée. Si la rumeur vous concerne et qu'elle est véridique, assumer en mode "oui, et alors ?". L'idéal pour décontenancer ceux et celles qui la jugent accablante. "Soyez plus intelligent·e que votre adversaire !", avance la journaliste Lindsay Dodgson. Bien sûr, cela fonctionne si la rumeur en question n'est pas trop blessante. Si cela concerne un gros fail professionnel, admettez-le, n'hésitez pas à partager votre expérience et tout ce que vous avez pu en tirer depuis. La sincérité déstabilise, c'est bien connu.

Plus que des gestes, c'est tout un état d'esprit qu'il faut alors adopter : la confiance en soi. Privilégier une attitude décomplexée - toutes proportions gardées bien sûr. "Agissez avec confiance, même si vous ne le sentez pas. Si un conflit mineur se produit, ne l'ignorez pas. Vous devez affronter la personne, mais sans être agressif", précise Business Insider. Logique : ce serait bien maladroit d'engendrer de nouvelles rumeurs à votre sujet. Privilégiez les conversations en privé aux grands scandales en public. De quoi baisser le volume de ces assourdissants bruits de couloir.

Soutenir la victime

Et si plutôt que "d'esquiver", vous affrontiez la chose à votre manière ? PDG du réseau Cityparents, Louisa Symington-Mills considère du côté de The Telegraph que les commérages ne doivent pas être ignorés car ils sont "une forme très malveillante d'intimidation" qui peut avoir de réelles conséquences personnelles et professionnelles. Ainsi s'ils concernent un collègue, allez à sa rencontre. Apportez-lui votre soutien. Montrez-lui que vous êtes à ses côtés. Encouragez-le à noter sur papier les abus dont il ou elle fait l'objet. Exigez une réunion privée du personnel ou un face à face avec votre manager pour faire part du climat ambiant.

Car au jeu des rumeurs, il n'y aucun gagnant. Juste une future cible potentielle. Dès que les gossips se propagent, atteste la spécialiste, "vous êtes déjà pris·e au piège" : inutile de jouer au témoin muet ou à la silhouette d'arrière-plan. Lorsque les commérages "sont ciblés et blessants, fermer les yeux et se boucher les oreilles peut faire beaucoup plus de mal que vous ne le pensez", alerte l'entrepreneuse. Raison de plus pour ne pas rester passif·ve, ni face à celui ou celle qui se réjouit de vous abreuver en diffamations, ni face à ses victimes. Un peu d'empathie ne fait jamais de mal.

"The Big Short" d'Adam McKay.
"The Big Short" d'Adam McKay.

Rester spectateur ou spectatrice, c'est justement faire de la rumeur un spectacle. Or, nous rappelle Louisa Symington-Mills, elle est tout sauf cela. L'on a trop tendance à l'oublier, mais de par ses éventuelles conséquences, la rumeur de bureau se rapproche dangereusement du harcèlement, c'est à dire "d'un comportement négatif visant intentionnellement, de manière répétée et persistante un individu". De quoi arrêter de prendre à la légère cette manie toxique que l'on appelle bien trop gentiment "potin".

Optez pour le côté positif de la force

Pour le directeur des ressources humaines Marcel Schwantes, la rumeur n'a rien d'une fatalité. Aux yeux de l'entrepreneur, un éventail de possibilités s'ouvre à vous, toutes détaillées dans ce billet d'INC.com : ignorer le pourvoyeur de potins, rester motus et bouche cousue - autant que faire se peut - sur votre vie privée, privilégier la communication et la transparence au sein de votre équipe...Et puis il y a la méthode américaine : positivez.

L'idée est de propager ce que Schwantes intitule "the positive gossip", la rumeur positive. Allez voir celui ou celle qui raffole des ragots et contrez-le en lui apportent quelques messages et détails positifs sur sa potentielle victime. Cela permet de dévier les commérages négatifs avec l'exact opposé. "Le revers de la médaille", s'enthousiasme l'entrepreneur, qui croit fort en l'apport des remarques optimistes, honnêtes, bienveillantes, comme complément (et finalement remède) aux potions qui empoisonnent. Un idéal presque utopique en soi. Mais qui ne le sera plus si vous en semez les graines dès que l'occasion se présentera.