Rugby féminin : l'équipe de France réduite à une tombola pour aller au Mondial

Publié le Vendredi 12 Avril 2013
Rugby féminin : l'équipe de France réduite à une tombola pour aller au Mondial
Rugby féminin : l'équipe de France réduite à une tombola pour aller au Mondial
14 000 euros. C’est la somme que doit réunir l’équipe de France féminine de rugby à XIII d'ici une semaine pour espérer participer à la Coupe du monde qui se déroulera en Angleterre à l’été prochain. Faute de budget, la Fédération française de rugby à XIII a en effet suggéré aux joueuses d’organiser une tombola et de trouver elles-mêmes leurs sponsors, alors qu’aucune demande en ce sens n’a été faite à l’équipe masculine qui participera elle aussi à cette compétition. Auteure de l’ouvrage « Le sport, dernier bastion du sexisme ? » (Michalon), Fabienne Broucaret décrypte cette situation déplorable qui illustre parfaitement les différences de traitement entre hommes et femmes dans le sport de haut niveau.
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Terrafemina : La Fédération française de rugby à XIII demande à l’équipe de France féminine d’organiser une tombola pour financer sa participation à la Coupe du monde en Angleterre ? Quelle est votre réaction ?

Fabienne Broucaret : Je suis stupéfaite car cette demande n’a pas été faite à l’équipe masculine qui participera à cette même compétition ; aucun problème ne se pose pour leur participation. Demander aux joueuses de vendre des tickets de tombola et de trouver des sponsors revient à leur demander de se débrouiller seules. On a l’impression de parler de l’organisation de la kermesse de fin d’année d’une école, alors qu’il s’agit bel et bien d’une Coupe du monde, la compétition la plus prestigieuse, quelle que soit la discipline. Il s’agit aussi de l’équipe de France féminine, celle qui représente le pays au niveau international. Un tel fonctionnement à ce niveau est inconcevable et ridicule, d’autant que ces athlètes ne vivent pas de leur sport, elles ne sont pas payées. Elles doivent donc faire de nombreux sacrifices pour concilier leurs responsabilités professionnelles, familiales et leur vie de sportive de haut niveau. De plus, on ne parle pas ici d’une prise en charge à l’autre bout du monde, mais en Angleterre : la proximité géographique ajoute au ridicule de la situation.

Tf : Quels serait les conséquences si, faute de moyens, l’équipe de France féminine ne participait pas à ce mondial ?

F. B. : Que les garçons aillent en Angleterre et que les filles restent en France serait désastreux. D’abord, ce serait dommage car réussir à se qualifier pour une Coupe du monde exige énormément de travail et de sacrifices. Ne pas participer à cette compétition pour des raisons financières et non sportives enverrait un message ô combien négatif aux athlètes féminines accomplies et à celles en devenir : « Il n’y a aucune issue pour vous. Vos efforts sont vains. »
Je suis bien consciente que la fédération de rugby à XIII est une toute petite structure avec un maigre budget ; mais pourquoi avoir tout misé sur les garçons en leur finançant l’intégralité des frais liés à la compétition, plutôt que de couper la poire en deux en demandant aux deux équipes de se mobiliser pour trouver les fonds nécessaires ? Le problème aurait alors été différent. Or, là, il y a très clairement de la discrimination.

Tf : Cette différence de traitement serait certainement passée inaperçue il y a quelques années, mais plus aujourd’hui. Pourquoi ?

F. B. : Effectivement, si cette demande d’organiser une tombola avait été faite il y a une dizaine d’années, peut-être moins, personne n’aurait vu à y redire. Aujourd’hui, Internet et les réseaux sociaux aidant, cette discrimination a été largement relayée, les journalistes s’en sont ensuite emparés et même Le Monde y a consacré un article.
Par ailleurs, il y a désormais une réelle prise de conscience concernant l’inégalité de traitement entre les hommes et les femmes dans le sport. Les sportives osent dénoncer ces inégalités, raconter leur vécu et les associations féministes participent également à cette libération de la parole. Résultat, la population y est de plus en plus sensibilisée. Même le gouvernement a décidé d’agir ; la ministre des Sports et de la Jeunesse, Valérie Fourneyron, a d’ailleurs récemment annoncé des mesures concernant le sport féminin. Le chemin est encore long, mais nous sommes sur la bonne voie.

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