femmes
"Au début, ma famille n'aimait pas que je joue !" : malgré le sexisme, les filles des quartiers populaires se réapproprient le foot
Publié le 18 juin 2024 à 19:55
Par Terrafemina avec AFP
Quand Ilyana a commencé le foot, il y a 11 ans, les garçons de son équipe ne la prenaient pas au sérieux. "Maintenant, une fille qui fait du foot, c'est banal", assure-t-elle depuis un terrain de...
"Au début, ma famille n'aimait pas que je joue !" : malgré le sexisme, les filles des quartiers populaires se réapproprient le foot
Au cours d'un match de football de la "Coupe du Monde féminine des quartiers", dans le quartier de la Duchère, à Lyon, le 9 juin 2024 "Au début, ma famille n'aimait pas que je joue !" : malgré le sexisme, les filles des quartiers populaires se réapproprient le foot Au cours d'un match de football de la "Coupe du Monde féminine des quartiers", dans le quartier de la Duchère, à Lyon, le 9 juin 2024© AFP, JEAN-PHILIPPE KSIAZEK
La suite après la publicité

Quand Ilyana a commencé le foot, il y a 11 ans, les garçons de son équipe ne la prenaient pas au sérieux. "Maintenant, une fille qui fait du foot, c'est banal", assure-t-elle depuis un terrain de la Duchère, une des grandes cités de Lyon.

Ce soir-là pourtant, quand l'adolescente de 17 ans et ses coéquipières arrivent sur la pelouse, il leur faut s'imposer face à une trentaine d'hommes qui occupent le terrain et le revendiquent bruyamment.

"Ça se passe toujours comme ça, à la longue c'est très usant...", commente l'entraîneur de l'équipe féminine amateur Angelo Salvator Cyiza, lassé par "ces particuliers qui viennent sur le terrain alors que le créneau est réservé aux filles".

Aidés par le rayonnement des joueuses de l'Olympique lyonnais, 17 fois championnes de France, de nombreux clubs féminins ont vu le jour ces dernières années dans la région mais leur développement se heurte à de nombreux obstacles.

Au club de la Duchère, qui revendique 20% de joueuses - au-dessus de la moyenne nationale - M. Cyiza se dit impressionné par la prise de confiance, en l'espace d'une saison, de ses protégées dans l'équipe des moins de 19 ans.

- "Energie" -

"Elles dépensent de l'énergie et se sentent libres, de plus en plus", s'émerveille-t-il.

Des jeunes filles participent à une compétition de football, à Lyon, le 9 juin 2024 © AFP, JEAN-PHILIPPE KSIAZEK

Et selon lui, "ça les sort de leur milieu (...) ça brise des barrières, et pour certaines ça peut les amener très haut". 

Dimanche, l'une de ses équipes qui jouait sous les couleurs de la Thaïlande a fini à la 3e place de la deuxième édition de "la Coupe du monde féminine des quartiers". Cette compétition festive est organisée par l'association "We talk France" pour favoriser l'inclusion des jeunes filles par le sport. Les filles de Givors, qui représentaient le Brésil, sont reparties avec la Coupe.

Sociologue du sport et ancienne handballeuse, Béatrice Barbusse met en garde contre une vision du football comme "ascenseur social de masse". Mais elle est intarissable sur les vertus du sport collectif en termes d'épanouissement personnel: "ça apporte tout un tas de savoir-être qui sont nécessaires pour bien s'en sortir dans la vie".

- "Se salir" -

Au foot, "il faut crier, courir, prendre l'espace, se salir, c'est à l'opposé de ce que l'on reçoit comme éducation en tant que fille", poursuit la chercheuse, qui fut l'une des premières femmes à entraîner une équipe d'hommes.

Match de football féminin à Lyon, le 9 juin 2024 © AFP, JEAN-PHILIPPE KSIAZEK

"Au début, ma famille n'aimait pas que je joue au foot", concède la latérale gauche de la Duchère, Malak, 15 ans, qui ne changerait de sport pour rien au monde. "Le foot, ça m'a fait évoluer mentalement. Sur le terrain, je me sens bien."

Au niveau national, la fédération veut doubler d'ici cinq ans le nombre de licenciées - de 220.000 à 500.000 - une croissance nettement supérieure à celle attendue côté masculin.

Pourtant, même Jean-Michel Aulas, l'ancien patron de l'OL et président de la nouvelle Ligue féminine de football qui doit voir le jour cet été, avoue être conscient d'un "retard conséquent dans la pratique", côté clubs amateurs ou professionnels.

De fait, malgré les grands discours, les filles passent encore souvent après les garçons.

"Une subvention de la mairie a été octroyée, avec une partie dédiée au développement de la section féminine, mais aucun projet n'a été monté, aucun éducateur recruté", explique, sous couvert d'anonymat, un responsable de club.

"On ne voit aucune volonté d'entreprendre dans la section féminine", assène-t-il.

- "Espace privé" -

Dans un contexte d'équipements sportifs insuffisants, a fortiori dans les quartiers très urbains, les filles peinent à gagner du terrain.

Compétition de football féminin à Lyon, le 9 juin 2024 © AFP, JEAN-PHILIPPE KSIAZEK

Faute de moyens, le président de la Duchère, Jean-Christophe Vincent, refuse "450 gamins par an". "On essaie de ne pas refuser des filles" mais "si les accepter c'est refuser tous les gars du quartier", ça ne facilite pas leur acceptation, estime-t-il, plaidant pour "un plan Marshall des équipements sportifs" en banlieue.

Givors, au sud de Lyon, qui compte plus de 400 licenciés masculins, 30 joueuses s'entraînent sur une moitié de stade. Leur entraîneur, Julien Orjollet, espère avoir 40 joueuses l'année prochaine et aimerait pour elles "avoir le grand terrain, comme les garçons".

"Si on ne continue pas à se battre, ça n'avancera pas, ça reculera, et on nous renverra dans notre espace privé", craint Béatrice Barbusse, notant que certaines femmes restent encore sur le banc de touche, notamment celles qui portent le hijab, un, signe religieux interdit sur les terrains de foot.

mlb/chp/sof/cyj

© Agence France-Presse

Mots clés
femmes Société sport
Sur le même thème
"J'aime bien voir les mamies, ça me fait penser à mes parents" : dans les Deux-Sèvres, une résidence réunit personnes âgées et jeunes migrants
immigration
"J'aime bien voir les mamies, ça me fait penser à mes parents" : dans les Deux-Sèvres, une résidence réunit personnes âgées et jeunes migrants
19 juin 2024
Malgré les scandales, les Ehpad veulent bousculer "l'image dégradée" de leurs repas : mais comment ?
budget
Malgré les scandales, les Ehpad veulent bousculer "l'image dégradée" de leurs repas : mais comment ?
7 juin 2024
Les articles similaires
"Des femmes de tous les milieux, de tous les âges ! " : au Maroc, le trafic de pilules abortives perdure
femmes
"Des femmes de tous les milieux, de tous les âges ! " : au Maroc, le trafic de pilules abortives perdure
27 mai 2024
Au Texas, les anti-IVG sont prêts à bloquer des autoroutes entières pour empêcher les femmes d'aller avorter ailleurs
Société
Au Texas, les anti-IVG sont prêts à bloquer des autoroutes entières pour empêcher les femmes d'aller avorter ailleurs
18 juin 2024
Dernières actualités
Gisèle Pélicot bientôt au Panthéon ? play_circle
Sydney Sweeney : tous les secrets forme et beauté de l'actrice, entre Pilates et sucreries play_circle
bien-être
Sydney Sweeney : tous les secrets forme et beauté de l'actrice, entre Pilates et sucreries
23 octobre 2024
La "Carrie" de Stephen King ENFIN incarnée par une femme grosse ? play_circle
Body positive
La "Carrie" de Stephen King ENFIN incarnée par une femme grosse ?
23 octobre 2024
Dernières news