« Les nouveaux parents sont plus angoissés » : interview de JC Kaufmann

Publié le Lundi 05 Septembre 2011
« Les nouveaux parents sont plus angoissés » : interview de JC Kaufmann
« Les nouveaux parents sont plus angoissés » : interview de JC Kaufmann
Premier enfant, ils sont gaga ! Maman poule et papa gâteau en oublient presque qu'ils furent un couple avant d'enfanter. Pourquoi les parents d'aujourd'hui ne ressemblent pas à ceux d'hier ? Réponses du sociologue Jean-Claude Kaufmann dans un essai très éclairant, « Les nouveaux parents » à paraître chez Bayard. Interview.
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Terrafemina : Vous affirmez que la perception de l’enfant par le couple de parents et la place qui lui est accordée a considérablement changé au cours des 40 dernières années. Que s’est–il passé ?

Jean-Claude Kaufmann : Il s’est passé beaucoup de choses, un bouleversement dont nous avons un peu de mal à prendre conscience, car l’évolution a été continue. Mais certains indicateurs le révèlent parfois de façon inattendue. Ainsi, j'ai rédigé la préface d’un livre sur un siècle de photos de famille, et feuilleter ces albums est très instructif. Au début du siècle, c’est tout juste si l’on aperçoit les enfants sur les photos. Les années 50 valorisent les nouvelles petites tribus, parents et enfants confondus. Aujourd’hui, ce sont les parents qui ont presque disparu des photos. Dès que bébé arrive, il n’y en a plus que pour lui, il occupe toute la place dans la maison, dans les esprits… et dans les photos !

TF : Quel portrait brosseriez-vous des « nouveaux parents » ?

J.-C. K. : Ils sont devenus incroyablement compétents et attentifs, s’informant sur tout pour prendre les meilleures décisions, dans tous les domaines, allant de l’alimentation à la pédagogie. Ils lisent des livres, des magazines, surfent sur Internet, participent à des forums, à l’affût de la moindre information. Mais sur beaucoup de points, il n’existe pas de réponse technique évidente, par exemple dans l’équilibre idéal à trouver entre autonomie de l’enfant, et cadre de valeurs et de discipline à lui transmettre. Il y a donc beaucoup d’hésitations et de débats à l’intérieur du couple parental. Très souvent générateurs d’angoisse. Les nouveaux parents sont de plus en plus impliqués. Ils sont aussi de plus en plus angoissés. De peur de mal faire.

TF : Les nouvelles formes de parentalité (monoparentalité, homoparentalité, parents adoptifs, parents d’intention, beaux-parents) font naître de nouveaux schémas familiaux. Ces « nouveaux parents » sont-ils en train de bouleverser les rôles traditionnels du père et de la mère ?

J.-C. K. : Oui ces rôles traditionnels sont en plein bouleversement, notamment autour de la question de l’autorité. Autrefois, c’était le père qui était le chef de famille et le porteur d’autorité, il faisait même parfois peur à l’enfant. « Si tu continues, je vais le dire à ton père ! » Aujourd’hui, nous assistons à une étonnante inversion. Les hommes conservent un certain pouvoir, qui leur permet de garantir un confort personnel (ce sont eux qui tiennent en main la télécommande de la télé), mais ils sont de moins en moins les porteurs d’autorité (et de moins en moins les chefs de famille réels). Contrairement à ce que disent de vieilles théories, cela ne pose pas le moindre problème pour l’équilibre de l’enfant. S’il lui est utile d’identifier deux rôles parentaux contrastés pour se construire, cela n’a aucune importance qu’ils soient occupés par un homme ou une femme. Les nouveaux pères sont volontiers joueurs et blagueurs. Ce qui agace certaines femmes, qui ont l’impression d’avoir affaire à un enfant supplémentaire.

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