La coupe de France de football peut-elle être mixte ?

Publié le Lundi 07 Mai 2018
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Shirley Cruz Trana du PSG et Saki Kumagai de l'Olympique Lyonnais lors de la finale de la Ligue des champions féminine en juin 2017
Shirley Cruz Trana du PSG et Saki Kumagai de l'Olympique Lyonnais lors de la finale de la Ligue des champions féminine en juin 2017
La finale de la coupe de France de football a lieu ce mardi 8 mai. Coupe de France masculine. Si son but est de mélanger tous les clubs de France et tous les niveaux, peut-on poser la question de la mixité de cette compétition ?
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Pour ouvrir le débat il faut rester zen, tant il apporte son flot de remarques misogynes. Tentez de lancer le sujet le dimanche midi ou à la machine à café. Le but de la coupe de France de football étant de mélanger tous les clubs et tous les niveaux, pourrait-elle être mixte ?
Ce mardi, le PSG affronte les Herbiers, club de Nationale, que l'on valorise pour cette performance. Pourquoi il n'en serait pas de même pour un club féminin ? On va essayer de poser les arguments.

Déjà, débarrassons-nous des "il y a des contacts physiques. Ça va crier agressions sexuelles tout les 8 secondes" trouvé sur twitter ou des commentaires du type "je ne discute pas avec les femmes de football. Je le dis parce que c'est mon caractère. C'est comme ça. Qu'elles s'occupent de leurs casseroles et puis ça ira beaucoup mieux", Bernard Lacombe en 2013 sur RMC. Passons maintenant aux arguments construits.

Une équipe de filles bat les garçons

En juin 2017, une tribune dans Libération, écrite par Julien Sorez, historien du sport et Christophe Duchiron, journaliste sportif et réalisateur de documentaire, se demandait clairement "à quand une coupe de France de football mixte ?". Ils écrivaient alors "comment peut-on justifier sportivement de nos jours la participation d'équipes d'amateurs masculins, constituées par de petits clubs de quartiers ou puisées dans la jeunesse des villages, aux effectifs modiques, qui s'entraînent au mieux une fois par semaine et ne pas considérer l'intégration des équipes féminines dont on sait au moins que les 20 meilleures d'entre elles, composées pour les plus riches de professionnelles françaises et étrangères, s'entraînant quotidiennement, mettraient une "pile" à la plupart de ces équipes d'amateurs ?"

L'Olympique Lyonnais a remporté quatre ligues des champions féminine, quinze Championnat de France et neuf coupes de France (de manière assez ironique, la compétition s'appelle la Ligue des champions féminines. La ligue doit être allergique au terme championne. Et leur logo est....rose) Écrasant la concurrence, l'OL ne pourrait-il pas en faire partie ?

Pour aller dans ce sens, en Espagne en 2017, la seule équipe de junior féminine de Catalogne a réussi à gagner la Ligue 2 masculine des 12-14 ans. Ayant tout gagné chez les filles, le directeur du club les a inscrites chez les garçons, "pour pousser ces filles, nous avons pensé qu'elles devaient jouer contre des garçons parce qu'on a besoin d'adversaires forts pour faire de vrais progrès". Il n'est pas le seul à faire ce constat. L'OL fait aussi s'entraîner des filles avec des garçons. Mais la mixité ne serait possible que jusqu'à l'adolescence où les corps s'éloignent et cela expliquerait en partie la différence de niveau.

"On ne peut pas comparer les deux pratiques"

Le résultat des jeunes Espagnoles en cache d'autres. En mai 2016, l'Australie, cinquième meilleure équipe du monde a été battue 7-0 par un club masculin de moins de quinze ans. Pareil pour l'équipe féminine américaine, première mondiale, battue 5-2 par le FC Dallas masculin des moins de 15 ans.

Marinette Pichon, plus grande joueuse de foot française, le dit clairement, pour elle la mixité dans le foot est impossible. Dans une interview à l'émission "C à Vous" diffusée sur France 5 elle explique : "on ne peut pas comparer les deux pratiques des hommes et des femmes. La morphologie est différentes, techniquement c'est un peu moins rapide. Arrêtons de comparer, ça n'a aucun sens. J'ai évolué aux côtés des garçons [jusqu'à 16 ans]. J'ai récupéré quelques repères et quelques gestes techniques et ça m'a aidé à arriver à un pallier différent". En 2013, la sélectionneuse de l'équipe nationale anglaise s'était faite rire au nez quand elle affirmait pouvoir battre l'équipe masculine.

Oui, le niveau entre hommes et femmes est différent. Mais le débat sur la confrontation entre équipes féminines et masculines en pose un autre. En améliorant le vivier de recrutement, il serait possible de dénicher plus de talents. Il y a aujourd'hui seulement 160 000 licenciées pour 2,2 millions de licencié·e·s au total en France. Un nombre qui est tout de même en constante augmentation suite à la visibilisation de ce sport.

Les moyens alloués à l'amélioration du niveau féminin sont insuffisants. Les clubs n'ont parfois tout simplement pas de vestiaires pour les filles. Ce qui poussent nombre d'entre elles a abandonner la pratique faute d'équipe ou d'équipement. À cela s'ajoute une perception déplacée de ce que doit être le corps d'une femme qui ne doit pas être trop musclé. Des filles l'ont intégrée et se limitent dans le sport et la musculation. Elles sont d'ailleurs 45 % a arrêter le sport à l'adolescence contre 35 % des garçons, en partie pour ces raisons. On leur inculque aussi moins que les garçons à avoir l'esprit de compétition et l'encadrement est insuffisamment féminisé.

La question des moyens financiers est également cruciale. Une étude publiée l'été dernier relayée par le site Fifpro mettait par exemple en lumière les différences des primes entre footballeurs et footballeuses. Selon l'étude, les joueuses sont 50 % à ne pas être payées par leur club, 66 % de celles qui évoluent en équipes nationales ne sont pas satisfaites de leurs primes et 35 % ne sont carrément pas payées pour représenter leur pays. Une grande majorité d'entre elles (87%) serait même prête a arrêter.

L'année dernière, les joueuses de l'équipe des États-Unis, championnes du monde, ont dû faire grève pour être payées plus équitablement. L'accord trouvé avait fait dire au président de la Fédération de l'époque, Sunil Gulati, qu'il s'agissait d'"un pas important pour le développement du football féminin aux États-Unis".

Eugénie Le Sommer de l'Olympique Lyonnais soulève la coupe de la Ligue des champions féminine en juin 2017
Eugénie Le Sommer de l'Olympique Lyonnais soulève la coupe de la Ligue des champions féminine en juin 2017

Il existe également un problème de calendrier. Les clubs professionnels ne rentrent qu'en dernière phase de la compétition de la Coupe de France. Plus un club est petit, plus il rentre tôt et a donc moins de chance de rencontrer un gros club. À quel moment faire rentrer les clubs féminins pro ?

Le film "Comme des garçons" sorti le 25 avril raconte la création de la première équipe féminine de football française en 1969. Ce qui n'était au départ qu'une blague se transforme en une sérieuse aventure. Pour Julien Sorez, il faut faire du football un laboratoire contre les inégalités, "il faut laisser de côté les arguments techniques. En terme de projet de société c'est quelque chose de souhaitable ". Et si, pour voir, on se lançait dans la création d'un championnat mixte ?