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Faire son deuil pour pouvoir avancer
Publié le 1 novembre 2010 à 09:00
Par Fanny Griessmer
Epreuve douloureuse, le deuil est une rupture dans la vie de celui qui doit y faire face. Pascal Dreyer, auteur de « Faut-il faire son deuil ? » partage avec nous sa théorie sur le sujet « pour permettre à chacun, y compris [lui]-même, d’avancer ».
Faire son deuil pour pouvoir avancer Faire son deuil pour pouvoir avancer© iStockphoto / getty images
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Terrafemina- Pourquoi le deuil est-il une expérience aussi difficile ?

Pascal Dreyer : Nous ne sommes jamais préparés à la mort de quelqu’un. Le deuil, c’est l’effort de chacun de nous à transformer nos rapports avec les morts et à leur donner un statut. L’endeuillé transforme le vide absolu de l’absence en creux, creux dans lequel les souvenirs du mort et du passé vont pouvoir redevenir présents. Cela représente un effort colossal, notamment sur le lâcher-prise. La mort de l’autre nous amène à nous poser de nombreuses questions : « vais-je le trahir en refaisant ma vie ? », « suis-je coupable de sa disparition ? » ou tout simplement « pourquoi ? », La mort nous rappelle la fragilité de la vie et le temps qui passe mais nous remet également en cause dans ce que l’on est. C’est une épreuve véritablement, une épreuve qui nous permet de devenir plus humains.

TF- « Faire son deuil » est-il une étape nécessaire ?

P.D. : Le deuil est un ressenti structurant. Pour moi, deux images le représentent. La première est celle du chagrin. C’est une émotion qui lie à la fois corps et l’esprit ; des vagues successives qui vous prennent physiquement et peuvent vous submerger. La seconde est l’image de la spirale. L’endeuillé ne cesse de repasser par les mêmes points ; il se répète beaucoup. Mais à chaque fois qu’il repasse par un point, il change de point de vue, du fait de la répétition. Il le fait naturellement car il lutte désespérément contre l’oubli. Mais cela lui fait du bien.

TF- Est-ce que tout le monde vit son deuil de la même façon ?

P.D. : La façon dont on vit son deuil et sa durée dépendent de l’histoire de chacun. On ne peut assigner de délai au deuil. Quand certains mettront quelques mois, d’autres mettront des années à surmonter une disparition. La capacité au lâcher-prise par rapport à l’angoisse du vide laissé par l’absence de l’autre dépend non seulement de l’intensité de la relation, mais également de la façon dont on est entouré au moment où le décès survient et dans les premières semaines qui suivent. Il dépend aussi de la capacité émotionnelle de chacun à surmonter la perte d’un être cher ; enfin, de la façon dont la société à laquelle on appartient, porte, tolère et accompagne le deuil.

TF-Comment le deuil s’inscrit-il aujourd’hui dans notre société ?

P.D. : En France, le deuil n’est quasiment pas accompagné. Regardez dans les conventions collectives. Les entreprises accordent 3 jours pour la perte d’un enfant, 2 pour celle du conjoint, rien s’il s’agit des grands -parents. On constate qu’avec l’effondrement des cadres religieux, et notamment des rites, le deuil n’est plus vraiment porté collectivement. L’endeuillé n’est plus soutenu ni entouré dans l’épreuve. Pourtant, en étudiant comment le deuil est vécu dans d’autres civilisations et sociétés, je me suis rendu compte à quel point l’être humain pouvait être créatif dans cette période. Nous, Français, nous le sommes beaucoup moins. Le deuil ne fait plus l’objet d’attentions sociales particulières. On estime que le deuil doit être rapide ; la mort devient matérielle si bien que l’on éprouve de plus en plus de difficultés à nous séparer de nos morts.

TF-Quels sont les problèmes qui se posent aujourd’hui ?

P.D. : On assiste à une accélération du temps et une médicalisation des émotions. Si on laisse quelqu’un s’enfermer sans jamais lui permettre de parler, en le laissant dans l’intensité de sa douleur, on ne lui permettra de créer ni de relation avec son mort ni de distance. Beaucoup de psychologues donnent aux endeuillés des médicaments. Mais la souffrance du deuil n’est pas une maladie. Il est normal de réagir très fortement à la perte de quelqu’un qui a beaucoup compté pour vous.

TF-Pourquoi avons-nous aussi peur de la mort ?

P.D. : Aujourd’hui, la jeunesse physique est portée aux nues. La génération du baby-boom qui est aux manettes, impose ses critères, ses valeurs et sa peur de la mort. Elle est la première à avoir bénéficié de l’allongement de la durée de la vie, de progrès scientifiques qui paraissent sans fin, du recul de la douleur… La mort est alors perçue comme un échec. La médecine elle-même la considère comme tel dans le cadre de son travail. Elle ne l’a pas encore intégrée comme un élément inéluctable de la vie.

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