Plus de la moitié des jurés du procès Weinstein sont des hommes blancs (et c'est un problème)

Publié le Mardi 21 Janvier 2020
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Le procès du producteur Harvey Weinstein se poursuit.
Le procès du producteur Harvey Weinstein se poursuit.
Dans cette photo : Harvey Weinstein
Depuis l'ouverture du procès d'Harvey Weinstein le 6 janvier dernier, attente et déconvenues se succèdent. Et cela n'est pas vraiment mieux si l'on décide de s'attarder sur la composition du jury...
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Harvey Weinstein nous l'a déjà assuré : le producteur déchu est un pionnier de l'égalité femmes/hommes. Et pourtant, même la composition du jury de son procès - qui s'est ouvert le 6 janvier dernier - n'a rien de paritaire. Une révélation qui a de quoi laisser circonspect. Rappelons que durant ce procès, l'homme d'affaires est accusé de viol par son ancienne assistante de production Mimi Haleyi et une plaignante anonyme. Il risque la prison à perpétuité.

Après l'envoi aux journalistes du fameux fichier Powerpoint "La bonne manière d'aborder le procès Weinstein" et la proposition aux victimes de quelques millions de dollars de "dédommagement" (afin de les faire taire et d'étouffer les poursuites), ce procès poursuit son petit bout de chemin du côté de l'édifiant : comme l'indique CNN, le jury de ce procès historique sera composé d'une minorité de femmes. Plus de la moitié de ces jurés sont effectivement des hommes. Et la défense de l'accusé craint toujours un manque d'impartialité de la part de la gent féminine. Bah voyons.

La question du procès #MeToo

Harvey Weinstein, pionnier de l'égalité femmes-hommes dans l'éternel.
Harvey Weinstein, pionnier de l'égalité femmes-hommes dans l'éternel.
Dans cette photo : Harvey Weinstein

C'est le 17 janvier dernier que s'est finalement décidée la composition de ce jury : sept hommes, cinq femmes. Une relative équité, donc. Mais l'affaire ne fut pas mince, loin de là. La veille encore, aucune femme blanche ne figurait au sein de ce "casting" officiel. Une absence qui a incité la procureure Joan Illuzzi-Osborn à pointer du doigt l'équipe de défense de Weinstein, l'accusant ouvertement d'éliminer "de façon systématique" et volontaire tout profil de ce genre - en l'occurrence, pas moins de cinq profils féminins. Parmi ces profils, détaille le New York Times, on trouve notamment une ancienne mannequin et une femme dont la mère a été victime d'agression sexuelle. Et par "de ce genre", il faut évidemment comprendre : tout profil plus ou moins similaire à celui des présumées victimes.

Pour rappel, cette composition n'éclot pas de rien, mais fait suite à plusieurs processus de présélection, visant à réduire un groupe initial de 140 juré·es potentiel·les. Principalement par le biais de questionnaires portant, entre autres choses, sur le passé et la façon de penser des juré·e·s. Et notamment, sur des questions riches de sens énoncées directement par la défense de Weinstein, telles que : "Pensez-vous qu'il soit possible qu'une personne dise avoir été agressée sexuellement, alors que ce n'était pas vraiment le cas ?". Ou encore : "Êtes-vous d'accord pour dire qu'un individu pourrait avoir des relations sexuelles avec un autre de façon consentante, puis des années plus tard, dire que ce n'était pas le cas ?". Des interrogations qui rappellent les mots de Donna Rotunno, l'avocate d'Harvey Weinstein. No comment, donc.

Le fait que ces profils soient à ce point épluchés nous ramène au coeur du débat, tel que l'exprime le juge du comté de New York, James Burke. A l'écouter, "ce procès n'est pas un référendum sur le mouvement #MeToo, et ce n'est pas un référendum sur le harcèlement sexuel", rapporte CNN.

On le comprend, tout comme la stratégie majeure de l'avocate Donna Rotunno consiste depuis le 6 janvier dernier à démontrer que les relations entre le producteur et ses présumées victimes étaient tout à fait consentantes, l'autre grand argument serait de contester la capacité de jugement du jury en brandissant l'étendard #MeToo. Comme si le colossal retentissement sociétal et médiatique de "l'affaire" l'emportait forcément sur l'impartialité.

Et c'est un peu l'hôpital qui se fout de la charité. Car l'impartialité (et par-là même l'exigence de diversité) ne semble pas être privilégiée dans la composition de ce jury. Comme nous l'apprend Buzzfeed News, une jurée potentielle a carrément été exclue pour avoir posté sur Facebook des photos de la Women's March, organisée il y a deux ans de cela à l'encontre du président Donald Trump. Et l'équipe de défense de Weinstein s'est également fermement opposée à l'inclusion au sein du jury d'une autrice américaine dont les écrits portent (notamment) sur l'égalité des sexes. A croire que ce ne sont pas tant les femmes qui effraient l'équipe du producteur... mais les (présumées) féministes.

Féministes ou pas, certaines interrogations décochées aux juré·es par la défense de Weinstein n'ont eu pour réponse qu'un long silence, nous apprend le New York Times. Et parmi elles, celle-ci, plutôt éloquente : "Y a-t-il quelque chose au sujet de Harvey Weinstein qui vous fait penser qu'il n'y a aucune raison que cet homme soit un violeur ?". La question qui tue.