"Le Loup", la chanson poignante de Mai Lan qui alerte les enfants sur l'inceste

Publié le Mercredi 01 Décembre 2021
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
"Le Loup", la chanson poignante qui alerte les enfants sur l'inceste
"Le Loup", la chanson poignante qui alerte les enfants sur l'inceste
L'artiste Mai Lan a façonné un projet qui aborde le douloureux mais nécessaire sujet des violences sexuelles. Et plus précisément, de l'inceste. "Le loup" s'adresse aux enfants et tiré du vécu de sa créatrice.
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Le Loup, c'est l'histoire de son autrice, Mai Lan. Celle d'une enfant qui subit les violences sexuelles de son grand-père. Qui subit l'inceste, sans savoir le nommer. Parce qu'à cet âge-là, si l'on n'est pas informée, on ne sait pas. On écoute l'adulte, le bourreau. On se terre dans le silence, même lorsqu'on sent bien que quelque chose ne va pas.

"Bah fallait pas venir trop près de moi, maintenant je ne sais plus très bien qui tu es/Sous cet oeil doux, je sais que le loup n'est plus dans la forêt", écrit l'artiste dans une comptine intime, "innocente et grave", qui dépeint ce crime depuis le ressenti d'une petite fille. Le sien.

Le morceau est accompagné d'un clip animé, disponible ce 1er décembre, qui s'adresse elle aussi aux enfants. "Une vidéo pédagogique de de 4 minutes où Miette et Balthazar expliquent aux enfants tout ce qu'ils doivent savoir sur les violences sexuelles", décrit la maison d'édition. Prévention, consentement, qui contacter lorsqu'on est victime... Un guide pour protéger.

Le Loup s'inscrit dans un large projet de prévention contre l'inceste portant le même nom, comportant notamment un livre bouleversant du même nom (sorti en septembre 2021 aux éditions La Martinière) qui retrace, par ses propres coups de crayon, son passé à travers les mêmes personnages.

"C'est un support de prévention mais aussi de dépistage, auprès d'enfants chez qui on aurait des doutes", détaille Mai Lan auprès de La Maison des Maternelles. "J'ai envie de croire aussi que cela puisse être un support dissuasif pour les agresseurs. Car en mettant des mots sur tout ça, l'agression est de moins en moins possible. Je voudrais demander aux gens de s'emparer de ces outils : la vidéo est disponible gratuitement, qu'ils la montrent à tous, que tous les enfants la voient."

"Le sentiment d'être enfermée avec son prédateur"

Ce n'est pas la première fois que Mai Lan s'exprime à ce sujet. Avant même de prendre la parole dans les médias lors de l'émergence du mouvement #MeTooInceste, la jeune femme avait composé un texte, en anglais cette fois, qui traduisait sans qu'elle en soit consciente son traumatisme.

"La chanson How posait beaucoup de questions. Je ne savais pas du tout de quoi je parlais. Je pensais me mettre dans la peau d'une femme battue. C'est des années plus tard que je me suis rendue compte que j'étais en train d'exprimer un sentiment que j'avais ressenti enfant, un sentiment d'insécurité, dans une maison. Le sentiment d'être enfermée avec son prédateur. C'est là que je me suis rendue compte que cette chanson parlait d'inceste. C'est à ce moment là, après des années de thérapie, que j'ai eu envie d'apporter ma pierre à l'édifice de la protection des enfants", explique-t-elle à La Maison des Maternelles.

Dans un entretien avec Le Monde à l'occasion de la sortie du livre, l'artiste explique comment elle a pu guérir de ces blessures. "Un traumatisme, c'est un trou. Ce n'était pas un trou mais un ravin, un précipice. Pour le remplir, il fallait parler vraiment beaucoup.". Avec sa propre mère, et plus tard avec "le loup".

"C'était la mission de ma vie", se souvient-elle dans les colonnes du journal. "Je faisais toujours le même rêve récurrent de cette hypothétique confrontation. Les choses y étaient inversées, il était tout petit et j'étais immense et je gueulais et en face il n'y avait rien. Et j'avais très peur qu'il en soit finalement ainsi". Avant qu'il ne meure, il lui a finalement demandé pardon.