#MeTooInceste : les annonces du gouvernement après le "tsunami" de témoignages

Publié le Lundi 18 Janvier 2021
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
#MeTooInceste : une abondance de témoignages sur Twitter et une annonce gouvernementale.
#MeTooInceste : une abondance de témoignages sur Twitter et une annonce gouvernementale.
#MeTooInceste. Un hashtag fort, qui dit les choses avec justesse : il est plus que temps de libérer la parole, et surtout, de l'entendre. Alors qu'un "tsunami" de témoignages inonde les réseaux sociaux, le gouvernement s'est lui aussi exprimé sur le tabou de la pédocriminalité.
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Faisant suite à la sortie du livre de Camille Kouchner, La familia grande, accusant son beau-père, le politologue Olivier Duhamel, d'inceste, des milliers de voix se sont fait entendre ce week-end pour appeler à briser l'omerta.

"10 200 tweets pour le mot-clé #MeTooInceste en quelques heures seulement. Et un tsunami de témoignages poignants". La psychiatre Muriel Salmona, présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie, résume bien l'ampleur étourdissante du hashtag #MeTooInceste sur son compte Twitter. Sur les réseaux sociaux, les paroles se sont massivement libérées ce week-end pour dire la prégnance d'un tabou trop longtemps passé sous silence (un·e Français·e sur dix déclare avoir été victime d'inceste), et toutes les violences, agressions, viols, traumatismes, qu'il implique.

Mais après les témoignages des victimes, une exigence : celle des actes. "Et maintenant vous attendez quoi pour en faire une priorité politique ?", a poursuivi la psychiatre en interpellant directement le gouvernement français et Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance. Dans ses publications, Muriel Salmona exige d'en finir avec la culture du viol et celle de l'impunité (des agresseurs), et par-là même avec "la propagande anti-victimaire, le déni, la loi du silence".

Faisant suite à cette avalanche de témoignages aussi accablants et bouleversants, Adrien Taquet a réagi. "L'inceste est un crime sans cadavre. Je salue les victimes pour leur courage. Cette libération de la parole est indispensable, et doit s'accompagner de mesures fortes pour mieux protéger les victimes, mieux les accompagner, mieux réprimer les agresseurs", a affirmé le secrétaire.

Avant de détailler quelques mesures gouvernementales...

"Mettez les moyens sur la table"

Plus précisément ? Le plan de lutte contre les violences faites aux enfants initié en 2019. A savoir, durcir les peines ayant trait à la consultation de sites pédopornographiques et le contrôle des antécédents judiciaires des personnes travaillant au contact des enfants, s'assurer du déploiement des lieux d'accueil et d'écoute d'enfants victimes, du bon suivi de chacun, mais aussi de la généralisation d'un numéro d'écoute et d'orientation psy à destination "des personnes attirées sexuellement par les enfants", énumère Adrien Taquet.

Dans sa publication, le secrétaire d'Etat insiste également sur l'importance de déterminer la teneur du "traumatisme psychologique et physique" vécu par chaque enfant victime, et, en ce sens, d'agir au sein d'une Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles subies pendant l'enfance. Cette instance, lancée il y a un mois à peine et anciennement présidée par Elisabeth Guigou (laquelle vient de démissionner), permettrait d'accompagner cette libération de la parole.

La présomption de non-consentement des mineur·e·s, et notamment le seuil d'âge, est également sujet à débat. Adrien Taquet a ainsi déclaré ce 18 janvier sur France Info : "La députée Alexandra Louis a formulé un certain nombre de propositions il y a de cela un mois. Nous sommes en train d'étudier le sujet. Je pense que nous devons trouver les moyens juridiques, c'est ça qui avait fait obstacle il y a deux ans, à pouvoir évoluer sur cette question-là."

Mais si Adrien Taquet voit là l'expression d'un "combat" mené depuis deux ans au sein du gouvernement, nombreuses sont les militant·e·s à émettre des doutes quant aux effets pragmatiques de ces initiatives.

C'est le cas du collectif féministe Nous Toutes, initié par Caroline De Haas. Sur Twitter, Nous Toutes en appelle à une formation "obligatoire et systématique" des professionnel·le·s au coeur de ce combat afin de détecter les violences, et de les signaler, par exemple. Mais aussi à l'implication d'un budget plus conséquent afin de lutter contre les violences pédocriminelles.

Le mot d'ordre ? "Mettez les moyens sur la table !". A l'unisson, d'autres voix exigent plus d'initiatives, comme la prise en charge globale des victimes "et de leur entourage (frères, soeurs)" dans chaque département, mais aussi la formation des enseignants, des accueillants dans les commissariats, la suppression de l'autorité parentale...

"#Metooinceste concrétise ce que l'on sait déjà : il y a tellement de victimes en France. C'est une bonne nouvelle si elles arrivent à parler, ça veut dire qu'elles se sont senties en sécurité pour affronter le poids du secret. Cela montre aussi que ce sont les personnes les plus saccagées qui se battent, les plus abîmées qui tentent de remettre le monde à l'endroit", décrypte Muriel Salmona dans les pages du Monde. Après les mots, l'action pour enfin faire cesser l'innommable ? Le gouvernement est attendu au tournant sur ce chantier gigantesque et urgent.