Elle crée une chaise anti-manspreading et remporte un prix

Publié le Vendredi 19 Juillet 2019
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
la chaise anti-manspreading de Laila Laurel
la chaise anti-manspreading de Laila Laurel
La création de la jeune designeuse anglaise Laila Laurel a fait mouche : sa chaise conçue pour prévenir l'"étalement des hommes" a remporté un prix.
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Laila Laurel aurait-elle (enfin) trouvé un remède au fléau du manspreading, ce vieux réflexe qui pousse les hommes à s'asseoir jambes écartées, empiétant sur l'espace du siège adjacent et contraignant les femmes à se ratatiner sur le leur ?

Cette étudiante en design 3D et métier manuel à l'université de Brighton en Angleterre, a décidé de voler au secours de toutes ces femmes recroquevillées en concevant un objet très spécial : une chaise profilée en triangle qui oblige les hommes à fermer les jambes. Toujours dans le cadre de son projet de fin d'année, sobrement intitulé A Solution for Manspreading ("Une solution au manspreading"), la jeune femme de 23 ans a également imaginé une deuxième chaise sur laquelle une petite pièce de bois placée au centre invite les femmes à détendre leurs jambes, les autorisant ainsi à occuper plus d'espace.

Deux sièges dessinés en bois de sycomore et cerisier, à la fois épurés et malicieusement militants. Et qui ont été récompensés par le prix Belmond à Londres, qui couronne les innovations les plus ambitieuses et impertinentes en matière de design.

Si la créatrice admet que son travail n'est pas à prendre trop au sérieux, son message est limpide et éminemment politique : "Donner une réalité physique à un problème que rencontrent les femmes de façon drôle mais littérale."

Laila Laurel confie avoir notamment puisé son inspiration dans le travail féministe de Laura Bates et son Everyday Sexism Project, une plateforme sur laquelle les femmes du monde entier peuvent témoigner du sexisme ordinaire qui s'immisce dans tous les interstices de la société. Et avoir été frappée par toutes les frustrations et les petites luttes quotidiennes qui en découlent. "Je pense qu'encourager les femmes à considérer la façon dont elles se déplacent ou l'espace qu'elles occupent par rapport aux hommes est puissant car c'est un énorme sujet qui n'est pourtant pas très discuté", explique-t-elle à Metro.

Les juges du Belmond Award ne s'y sont pas trompés, saluant sa "conception audacieuse qui explore le rôle important du design d'informer sur les questions d'espace, de comportement et sur les sujets de société actuels".

En effet, si la question de l'"étalement masculin" pouvait faire sourire (jaune) il y a encore une dizaine d'années, de plus en plus de métropoles commencent à prendre conscience de l'insidieux phénomène, qui renvoie aux enjeux de domination dans l'espace public. Suivant l'exemple de New York, ville pionnière dans la lutte contre ce fléau citadin, le service de transports publics de Madrid a installé dès 2017 des panneaux dans toutes ses rames de métro et dans les bus, incitant les utilisateurs à garder leurs jambes raisonnablement fermées. Une campagne de sensibilisation avait également été lancée en 2017 par la Brigade Anti-Sexiste dans le métro parisien.

La création engagée de Laila Laurel lui a (sans surprise) attiré les commentaires masculins outrés : "J'ai reçu beaucoup de messages explicites provenant surtout d'hommes qui avaient l'impression que j'essayais de les castrer et que je détestais tous les hommes- ce qui ne pourrait pas être plus faux". Preuve que le chemin reste encore long avant que certains n'ouvrent leurs oeillères... tout en refermant les jambes.