Un bout de tissu qui traîne, deux lacets en guise d'élastiques, les alternatives maison aux masques chirurgicaux sont nombreuses. Lisa Gachet, la blogueuse derrière Make My Lemonade, a même partagé la marche à suivre à ses quelques 217 000 abonné·e·s, précisant qu'il s'agissait d'un modèle incomparable à ceux utilisés par les soignant·e·s. "Ce n'est pas un dispositif médical, attention, c'est juste la première barrière qui va vous protéger des projections de gouttelettes et qui va éviter les contacts main-bouche", légende-t-elle sous sa publication. Le but : se protéger soi et les autres du coronavirus sans gâcher les masques réservés au corps médical. Alors, ça marche ?
Un patron tourne sur Twitter depuis quelques jours. Celui du CHU de Grenoble, qui explique comment réaliser son propre masque de sécurité en textile, "pour pallier la pénurie de masques de soin", peut-on lire sur le document. Un objet que l'hôpital destinerait au personnel "ne prenant pas en charge de patients Covid-19". Pour le Dr Stéphane Gayet, médecin infectiologue au CHRU de Strasbourg, le verdict est sans appel : "le tissu est complètement inefficace".
"Ce que l'on attend d'un masque de soins, c'est une filtration microscopique", insiste-t-il auprès du Figaro. "Il doit pouvoir arrêter les microgouttelettes émises par la toux, la parole forte ou un éternuement, dont le diamètre varie entre 5 et 150 millièmes de millimètres." Le médecin propose à la rigueur d'insérer un filtre d'aspirateur HEPA (High efficiency particulate air) ou THE (très haute efficacité) entre deux pièces de tissu, ou "de prendre du [textile] non tissé, par exemple du feutre. Mais une simple pièce d'étoffe, c'est une illusion totale".
Pascal Astagneau, médecin infectiologue à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), indique à France Inter que les masques "doivent être testés : on ne peut pas faire tout et n'importe quoi". De son côté, Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, évoque quant à lui la dangerosité d'en porter quand on ne sait pas l'utiliser. Le CHU de Grenoble le précise : le masque en tissu doit être lavé quotidiennement à 30°C et porté seulement quelques heures.
D'autres experts soulignent cependant la protection existante de l'objet, même si elle reste minime.
C'est en tout cas ce qu'explique le docteur Jean-Paul Hamon, médecin généraliste à Clamart et président de la Fédération des médecins de France, à 20 Minutes. "C'est mieux que rien", assure-t-il. "J'ai même tenté de mobiliser les tricoteuses de ma ville pour qu'elles confectionnent ces masques artisanaux. Vu la défaillance criante de l'administration, on en vient malheureusement à bricoler des solutions qui n'en sont pas vraiment !".
Des propos que deux études soutiennent. La première, datant de 2008 et publiée dans la revue PlosOne, a exposé des volontaires sains à un dispositif émettant des aérosols. Chacun·e portait un masque FFP2, chirurgical ou en tissu. Résultat, si les masques chirurgicaux semblaient deux fois plus efficaces que les modèles en tissus, "tous les types de masques réduisent l'exposition aux aérosols, sont relativement stables dans le temps, ne sont pas affectés par la durée du port ou le type d'activité".
La deuxième, menée en 2013 par des scientifiques britanniques, comparait à son tour les masques en tissus aux masques chirurgicaux. Elle concluait qu'un "masque fait maison ne devrait être considéré qu'en dernier recours pour empêcher la transmission de gouttelettes par des personnes infectées, mais est mieux que pas de protection du tout". Les auteurs attestaient ainsi que "le masque chirurgical s'est avéré 3 fois plus efficace pour bloquer la transmission que le masque fait maison".
Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), une chose est sûre : le port de masque n'est efficace que s'il est ajusté, recouvre le nez et la bouche, et s'associe "à un lavage des mains fréquent avec une solution hydroalcoolique ou à l'eau et au savon".