Charlotte Gainsbourg est sublime dans cette ode aux daronnes qui "méritent mieux"
On connaît tous et toutes cette histoire. Pour certains, c'est même carrément la nôtre. Un daron maladroit, un brin pathétique, toxique, refuse que son épouse le quitte. Celle-ci sait qu'elle n'est plus amoureuse, qu'une page doit se tourner pour laisser la place au chapitre suivant. Si depuis Balavoine on connaît le désarroi des pères qui "vont tout casser" lors de la séparation, qui se soucie au juste des mères, délaissées, en quête de liberté ?
A sa manière, un film extrêmement touchant, peut être le succès surprise de ce début 2024, dédie aux daronnes la place qu'elles méritent : Nous les Leroy, le premier long de Florent Bernard, alias Flober, trentenaire touche à tout à l'écriture comique redoutable (pour les séries Bloqués, La flamme, Le flambeau) et au podcast-phénomène (le Floodcast, programme très Skyblog qui a fait l'objet de tournées à travers la France !).
Dans cette fiction qu'on imagine volontiers hyper personnelle, Florent Bernard réunit un couple de cinéma joliment improbable - Charlotte Gainsbourg et José Garcia - au service d'une intrigue habile (un père de famille s'autorise un week end familial de la dernière chance avant son divorce). Il nous fait rire, nous fait chialer. Et offre à une grande actrice une magnifique partition.
Les yeux de nos mères
A l'instar d'une toute récente "dramédie", La vie de ma mère, autre road movie réunissant mère et fils (Agnès Jaoui et William Lebghil) sur fond de réconciliation, de non-dits et de grosses chialades, Nous les Leroy est une déclaration d'amour aux daronnes, et à la relation qu'elles entretiennent avec leurs enfants, même et surtout, dans les instants de crise, de conflits. La mère dans la comédie française, paysage blindé de papas "maladroits mais touchants", est cette grande absente trop souvent reléguée au second plan.
Ici, sous les traits de Charlotte Gainsbourg, alias madame Leroy, elle fait écho à tant d'anonymes bien réelles. Qui n'a pas connu ces prises de bec conjugales où "monsieur" décoche à son épouse : "c'est toujours toi qui chiale, et moi le père qui gueule" ? Beaucoup de séquences dans cette chronique conjugale désarmante de sincérité (mais quand même un brin plus fun que Marriage Story rassurez-vous) résonnent, font vibrer la corde sensible. Et ce, entre deux gags absurdes sur... Le Futuroscope, Banksy et le Puy du Fou.
Très drôle (notamment par ses seconds rôles aux petits oignons) et très émouvant (le dernier acte se pose là en terme de mouchoirs dézingués) Nous, les Leroy détonne par sa mélancolie et sa tendresse. Tendresse pour des enfants qui ont "leurs propres problèmes", tendresse malgré tout pour un père au pathétisme extrêmement ordinaire, touchant loser, mais surtout tendresse pour toutes ces héroines que l'on ne connaît que trop bien : nos propres daronnes, mères aimées, épouses silenciées, trop peu écoutées.
C'est une réussite, et c'est à découvrir en salles.
Nous, les Leroy, un film de Florent Bernard. Avec Charlotte Gainsbourg, José Garcia, Hadrien Heaulme, Lily Aubry, Adrien Ménielle, Jérôme Niel... Actuellement en salles.
