Deux hommes politiques américains refusent d'être interviewés par une femme

Publié le Vendredi 19 Juillet 2019
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Des hommes politiques refusent d'être intervierwés par une femme journaliste. Getty Images.
Des hommes politiques refusent d'être intervierwés par une femme journaliste. Getty Images.
Politique et respect des femmes ne font pas vraiment bon ménage, et cet énième bad buzz nous le démontre une nouvelle fois.
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"Dans dix ou quinze ans, quelqu'un pourrait m'accuser d'agression et je n'ai aucun témoin pour me protéger". Non, vous ne rêvez pas. C'est bel et bien ce qu'a déclaré le candidat républicain Robert Foster afin d'expliquer son refus d'être interviewé par Larrison Campbell, une journaliste du Mississippi Today. Le risque selon lui ? Se retrouver isolé en compagnie de la reporter.

"Il y aurait de nombreuses occasions de se trouver dans des situations gênantes que je voudrais éviter", déplore le politicien à CNN. Il ajoute même "vouloir simplement rester professionnel". Ce qui en dit long sur le regard que les hommes de pouvoir porte sur les femmes journalistes, et sur les femmes tout court. Malgré la révolution #MeToo.

Robert Foster n'est pas le seul à s'embourber dans son bafouillage macho. Son compère républicain Bill Waller le soutient totalement dans son argumentation, comme le dévoile The Cut. Mais rassurez-vous, Foster n'est pas non plus intransigeant : il accepte que la journaliste le suive... à condition d'être accompagnée d'un collègue masculin. Peut-on imaginer directive plus patriarcale ? Bien loin d'excuser son attitude, le candidat met cette décision sur le compte de sa "foi chrétienne", détaille-t-il sur Twitter. Et en profite même pour fustiger "la gauche libérale".

"Une requête bizarre"

Et Larrison Campbell alors ? Interrogée par la chaîne de télévision américaine, elle se dit "incrédule". "Mon travail consiste avant tout à informer les lecteurs de ce qui se passe dans le Mississippi", déplore-t-elle chez CNN. Avant d'ajouter, à l'adresse de Foster : "Ce que vous suggérez ici, c'est qu'une femme est d'abord un objet sexuel, et ensuite un reporter.". Sur Twitter, elle appuie son indignation et met les choses au clair. Oui, cette "requête bizarre" est bel et bien "du sexisme" à ses yeux. Difficile de lui donner tort.

Mais qu'importe, Foster ne voit là qu'une "situation délicate". Mieux encore, il persiste et signe sur CNN : "A cause du mouvement #MeToo, les hommes sont attaqués tout le temps". De toute façon, lui respecte les femmes. La preuve ? Sa "requête bizarre" naît du fait qu'il accorde "de la valeur à [sa] relation avec [son] épouse" cingle-t-il sur Twitter.

Mais le magazine en ligne The Cut, de son côté, y voit moins une déclaration d'amour conjugale que la perpétuation d'un code "moral" archaïque : la règle de Billy Graham. Dans les années quarante, ce prédicateur évangélique évitait de voyager, de rencontrer et de manger seul avec des femmes "autres que sa femme, Ruth", et ce afin d'éviter "toute situation qui aurait l'apparence d'un compromis ou d'une suspicion". Ou quand la "foi" enlace le sexisme primaire.