Oui, le "poop shaming" au boulot est un vrai problème

Publié le Vendredi 20 Mai 2022
Louise  Col
Par Louise Col Journaliste
Une nouvelle enquête met l'accent sur les conséquences du "poop shaming" au travail. Autrement dit, la honte ressentie par les femmes à faire la grosse commission.
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Le poop shaming - comprendre "la honte du caca" - est un phénomène notamment décrit par une enquête du New York Times, détaillant pourquoi les femmes éprouvent bien plus de difficultés à utiliser les toilettes sur leur lieu de travail que leurs collègues masculins. Et ce, en partie à cause des stéréotypes et constructions de genre inhérents à la féminité - calme, élégance, pudeur, etc.

Au sein de la société patriarcale les femmes peuvent se retrouver opprimées jusqu'aux cabinets. C'est également ce qu'affirme un récent rapport détaillé de l'Ifop pour Diogène France réalisé auprès d'un échantillon de 1 003 salariés, représentatif de la population française salariée âgée de 18 ans et plus.

Selon cette enquête effectuée du 18 au 21 avril 2022, parmi les 53% de Français·es qui déclarent s'être déjà sentis gênés en déféquant sur leur lieu de travail, l'on dénombrerait pas moins 60% des femmes interrogées. En outre, 53% des femmes se sentent incapables de déféquer sur leur lieu de travail "quand d'autres personnes sont aux WC", contre 30% des hommes.

La nuance est de taille.

Un vrai "gender gap"

Ces chiffres témoignent donc d'un réel "gender gap", autrement dit, d'un écart genré. Selon l'Ifop, 57% des hommes vont directement aux toilettes dès qu'une envie se fait ressentir contre seulement 38% des femmes. Ce qui n'est pas sans incidence : les femmes affichent des taux plus élevés de constipation : 73%, contre 53% des hommes. Ainsi que de troubles de la digestion : 72% des femmes contre 54% des hommes.

Quelles en sont les raisons ? Le fait de considérer les toilettes du lieu de travail comme "sales" (c'est le cas pour 55 % des salariés interrogés) voire "nauséabondes" (pour 42 %) ou bien encore insuffisamment équipées en papier toilette (pour 36% des salariés interrogés). L'odeur entre également en jeu, ainsi que la présence d'autres employés (44% se sont déjà retenus afin que personne n'y soit au même moment).

Mais plus que cette question d'entretien, la gêne vient également de stéréotypes et constructions associés à la féminité. Ce phénomène met en évidence "le poids que les normes de féminité – culturellement associées à la pureté et la propreté – peuvent avoir sur le rapport au corps, la manière dont la pression à la perfection pèse sur les femmes", développe François Kraus, directeur du pôle Genre, Sexualité et Santé Sexuelle à l'Ifop.

Et ce dernier de conclure : "Le poop shaming constitue un phénomène socio-psychologique dont l'ampleur et les conséquences sur la santé peuvent être graves pour la population salariée dans son ensemble et pour les salariées en particulier. Loin d'être un sujet à prendre à la légère, le poop shaming au travail constitue un enjeu qui doit avoir toute sa place, non seulement parce que le confort des WC est un facteur de qualité de vie professionnelle mais aussi parce qu'il est à l'origine d'un véritable trouble d'anxiété sociale".