Éric-Jean Garcia : qu'est-ce que le leadership ?

Publié le Jeudi 28 Novembre 2013
Éric-Jean Garcia : qu'est-ce que le leadership ?
Éric-Jean Garcia : qu'est-ce que le leadership ?
Qu'est-ce que le leadership ? Peut-on l'apprendre ? Faut-il forcément avoir du charisme pour être leader ? Tous les managers ont-ils du leadership ? C'est à toutes ces questions qu'Eric-Jean Garcia, chercheur-conseil en sociologie du leadership, a apporté des réponses sans détours dans son livre « Le génie du leadership ». Rencontre.
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Terrafemina : Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?

Eric-Jean Garcia : J'avais déjà écrit un premier ouvrage où j'avais interrogé des dirigeants sur leur conception de l'exercice du pouvoir. Et ils m'ont tous donné des visions très différentes du leadership. Tous ont montré que l'on ne pouvait pas généraliser cette notion, qu'on ne pouvait pas en donner une définition universelle et qu'il existait donc beaucoup de mythes et croyances à ce sujet. Mon deuxième ouvrage s'inscrit dans la continuité du premier. Mais j'ai, cette fois, essayé d'apporter en plus d'une « autopsie » de la situation, un éclairage personnel.

Tf : Qu'avez-vous appris de ces rencontres ? Qu'est-ce qui vous a le plus étonné ?

E.-J.G. : Ce qui m'a le plus étonné en faisant ce livre, c'est la capacité de réflexion des dirigeants autour de ces sujets. Peu de patrons voient le leadership simplement comme un accélérateur de profitabilité. Tous savent qu'ils ont des manières de diriger très différentes, car celles-ci sont, à chaque fois, le résultat d'une alchimie entre une intention personnelle et une force collective. Le leadership, c'est cela. Un espace d'étude, de réflexion et d'actions qui se situe entre un individu et un collectif. Entre eux, une relation spécifique se crée : c'est un phénomène inter-relationnel, une force d'entrainement vers un objectif commun. Et ce dernier doit être, et c'est essentiel, ambitieux et moralement irréprochable.

Tf : Quelle différence faites-vous entre leadership et management ?

E.-J.G. : Le leadership, c'est une des dimensions du management. On ne peut pas être manager sans leadership, ce serait comme une voiture qui aurait un moteur, mais pas de roues. Le patron de Sanofi a ainsi eu cette phrase très juste pour définir ce qu'est un « un bon leadership » : c'est l'inverse du patron omniscient, c'est faire en sorte que les décisions soient prises au plus bas de l'échelle, sans que la pertinence de celles-ci soit remise en cause ».

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Tf : Le leadership peut-il s'apprendre ?

E.-J.G. : Non, il y a une part du leadership qui est lié à notre relation avec les autres. Et celle-ci est très difficile à changer. On peut sensibiliser les individus, on peut faire progresser un potentiel, mais il faut qu'il soit là au départ. C'est très difficile d'apprendre le sens du collectif à 30 ou 40 ans : certains ont des prédispositions, d'autres non. Et c'est d'autant plus difficile à apprendre qu'il n'existe pas de compétences particulières au leadership, si ce n'est une certaine fibre managériale : il faut une capacité à avoir de l'autorité et à être légitime, certes. Mais, comme nous l'avons déjà dit, tous les dirigeants ont des qualités bien différentes en fonction du milieu dans lequel ils évoluent.

Tf : Quels sont les mythes qui persistent autour du leadership ?

E.-J.G. : Le premier mythe, c'est de penser qu'il existe une définition universelle du leadership. Ensuite, c'est de croire que les leaders sont des héros, que les compétences de chacun peuvent être rationalisées ou encore que le charisme est indispensable : on peut être low profile et avoir du leadership ! Derrière tout ça, il y a surtout du travail. Enfin, le dernier mythe, c'est de penser que tout le monde peut être formé à cette notion. Encore une fois, on peut ouvrir des espaces, sensibiliser, mais tout dépend des prédispositions.

Tf : La notion de leadership au féminin a-t-elle un sens pour vous aujourd'hui ?

E.-J.G. : Non, pour moi le genre n'est pas un facteur déterminant dans la notion de leadership. Être femme, ce n'est pas seulement avoir un sexe féminin. On devient femme dans la société. Il y a une part socialement construite du genre. Mais finalement que l'on soit homme ou femme, la construction identitaire ne serait pas la même chez tout le monde. Les femmes, à mon sens, ne dirigent donc pas différemment. En revanche, c'est un scandale de voir si peu de femmes à la tête des entreprises. Il est clair que nous ne sommes pas dans une situation d'égalité. C’est un véritable problème RH, les organisations ne s'imposent pas de créer un vivier de femmes à hauts potentiels ! Deux patronnes que j'ai rencontrées me l'ont d'ailleurs dit : « Si nous avons réussi à atteindre ces postes, ces parce que nous étions dans des entreprises américaines qui portaient plus d'attention aux compétences qu'au sexe. Si nous avions travaillé dans une entreprise française nous n'en serions pas là. »

Le génie du leadership. Mythes et défis de l'action managériale, de Eric-Jean Garcia (éditions Dunod).

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