Société
France-Tunisie : la continuité, c'est maintenant ?
Publié le 28 août 2012 à 09:28
Par Sonia Mabrouk | Rédacteur
Sonia Mabrouk, rédactrice spécialisée dans les sujets de société sur le site terrafemina.com
Offensive des extrémistes, agressions, intimidations, annulations de spectacles, tentative de mise au pas des médias, la saison estivale s’achève sur un goût amer en Tunisie. La multiplication de ces signes inquiétants n’a pourtant pas – ou si peu - fait réagir la France si prompte d’habitude à dénoncer les atteintes aux libertés et aux droits de l’Homme partout dans le monde. Ce silence coupable rappelle de mauvais souvenirs. Analyse.
France-Tunisie : la continuité, c'est maintenant ? France-Tunisie : la continuité, c'est maintenant ?© AFP
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« La France, pas plus que d’autres pays, n’avait vu venir les événements ». Cette déclaration de la ministre des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie avait montré, au lendemain de la fuite du président déchu Ben Ali en janvier 2011, combien la diplomatie française était dépassée par la situation en Tunisie. C’était il y a tout juste un an et demi. Aujourd’hui, tout semble avoir changé. En France, le président Hollande soucieux de marquer une rupture avec le passé, promet un renouveau des relations fondé « sur l’équilibre, la confiance et la solidarité ». Les capitales maghrébines, et particulièrement Tunis, ont accueilli avec enthousiasme cette déclaration de la France. Fini les silences, les malentendus et les non-dits qui ont si longtemps épargné le régime de Ben Ali contribuant à son maintien durant des décennies. On ne fermera plus les yeux sur les violations des libertés individuelles et plus généralement sur le non-respect des droits de l’Homme en Tunisie. La page sombre de l’histoire est donc tournée. Vraiment ?

Depuis quelques semaines, le pays vit au rythme des provocations de gangs de fanatiques. De Sidi Bouzid –berceau de la révolution- à Bizerte, en passant par Kairouan et Tunis, ces extrémistes religieux veulent imposer leur loi. Agressions, intimidations, passages à tabac, exactions, tout est fait pour instaurer un climat de peur au sein de la population tunisienne. Bien que peu nombreux dans le pays (environ 10 000 militants), cette minorité fasciste a réussi aujourd’hui à semer le trouble. Agissant comme une véritable police des mœurs, les salafistes entendent remettre dans le droit chemin une société qu’ils jugent « mécréante ». Leur but ultime : la création d’un État islamique.

Face à ces violences répétées, les condamnations sont rares. Le parti au pouvoir Ennahda reste étrangement silencieux, alimentant ainsi la thèse d’une collusion voire d’une complicité entre ce parti islamiste dit « modéré » et des militants d’un autre âge chargés de réaliser la sale besogne.

Silence aussi côté français. Préoccupée par le drame syrien et la contagion au voisin libanais, happée par ses propres problèmes économiques, la France détourne le regard de son plus proche allié maghrébin. « On ne veut pas apparaître dans la posture de donneur de leçons. La Tunisie a eu des élections. Le peuple a librement choisi ses dirigeants. Il faut laisser du temps au temps », nous confie un conseiller au Quai d’Orsay. Mais est-ce vraiment une raison pour ne pas condamner verbalement de telles violences ? Pourquoi ne pas s’inquiéter du sort de citoyens tunisiens agressés tout comme la France s’inquiète aujourd’hui – légitimement -  du sort de la jeune Pakistanaise arrêtée pour blasphème présumé ou encore du devenir des « punkettes » russes, les Pussy Riot condamnées pour avoir chanté une prière anti-Poutine dans une église de Moscou. Dans tous ces cas, comme en Tunisie, il y a violation des libertés et des droits fondamentaux des individus.

Il faut croire que la relation particulière entre la France et la Tunisie complique, comme dans le passé, ce genre de condamnations. Soucieux de ne pas se voir reprocher une attitude paternaliste et néocoloniale, l’État français a décidé de ne pas s’exprimer. Mais depuis quelques jours, la donne a changé. L’agression d’un élu de la République française à Bizerte a jeté une lumière crue sur les méfaits des salafistes. Les médias français ont repris en boucle l’information. « Inacceptable », s’est insurgé le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qui a aussitôt demandé des explications au gouvernement tunisien. Cette protestation de forme est toutefois bien faiblarde quand on sait que les différents ministres comme le président de la République tunisienne se sont contentés de quelques mots d’excuse pour évacuer le sujet. Plus récemment, la suppression de l’émission satirique les Guignols sur la chaîne « Ettounissia TV » ainsi qu’une série de nominations controversées dans les chaînes publiques font craindre un verrouillage de l’espace médiatique. Pourtant, c’est toujours le même refrain entonné : Circulez, il n’y a rien à voir !

Il y a tout juste un an et demi, la classe politique française s’était distinguée par son silence coupable lors de la violente répression opérée par l’ancien régime. Aujourd’hui, l’histoire bégaie. Sous prétexte de laisser la Tunisie faire son « apprentissage » de la démocratie, la France se tait. Condamner les dérives et les atteintes à la liberté ce n’est pas s’ingérer dans les affaires d’un pays souverain, mais c’est être, au contraire, dans la droite ligne des promesses de la France. Celles d’encourager la démocratisation des pays qui se sont libérées du joug de leurs tyrans. Alors le (vrai) changement c’est pour quand ?

Crédit photo : AFP

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