Mariages forcés en baisse : les femmes enfin maîtresses de leur destin ?

Publié le Jeudi 26 Février 2015
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Mariages forcés en baisse : les femmes enfin maîtresses de leur destin ?
Mariages forcés en baisse : les femmes enfin maîtresses de leur destin ?
Selon un rapport du Département des affaires économiques et sociales de l'ONU, le nombre de mariages forcés aurait tendance à décroître dans le monde depuis quarante ans. Une bonne nouvelle pour les droits des femmes puisque les unions scellées dans l'amour permettent aux jeunes filles d'être scolarisées plus longtemps et donc de décider par elles-mêmes de leur avenir professionnel.
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Pendant longtemps, et dans de nombreux pays à travers le monde, le mariage était considéré comme la pierre angulaire de la féminité : pour se construire et devenir femme puis mère, une jeune fille devait nécessairement être unie à un homme, qu'elle soit majeure ou non. Prédominant dans une large partie du monde, cette image figée de la femme comme épouse et mère de famille tend heureusement à s'estomper, notamment dans les pays en développement.

Selon un rapport réalisé par le Département des affaires économiques et sociales de l'ONU en effet, les jeunes filles se marient aujourd'hui de plus en plus tardivement. Ainsi, alors qu'en 1970, plus de 70% des femmes étaient mariées avant l'âge de 19 ans, elles ne sont plus que 45% aujourd'hui. Il en va de même en Inde, où les mariages précoces et forcés de jeunes filles ont diminué de 56% à 27% depuis 1970. En Tanzanie, ce taux est passé de 50% à 17%, en Indonésie de 32 à 14%.

Globalement, la proportion de jeunes femmes mariées avant l'âge de 18 ans a chuté d'un tiers à un quart depuis 1985, et la proportion de jeunes filles mariées avant leurs 15 ans a diminué de 12 à 8% sur cette même période. À la fin des années 2000 et à l'échelle mondiale, l'âge médian de l'entrée en union des femmes est de 23,7 ans, contre 20,8 ans dans les années 1970.

Une diminution des mariages forcés

Comment expliquer cette forte diminution des mariages précoces dans la plupart des régions du monde ? Pour Gabriela Rubio, économiste à l'Université de Californie, se marier plus tardivement tend à refléter la plus grande liberté qu'ont désormais les jeunes filles pour choisir leur partenaire. Hormis en Inde et au Bangladesh, où les mariages forcés restent un problème endémique, Gabriela Rubio estime à 40% la diminution des mariages arrangés en Asie et en Afrique au cours du XXe siècle.

Elle affirme également que la proportion des mariages forcés diminue à mesure de l'augmentation des taux d'éducation, de l'accès à l'emploi et de l'éducation. Selon la chercheuse, les mariages arrangés ont valeur d'assurance pour les familles : en choisissant un conjoint pour les filles, les parents cherchent aussi à la prémunir contre tout problème financier.

Un meilleur taux de scolarisation des femmes

L'élévation de l'âge à l'entrée en union des femmes est aussi due à l'augmentation de la scolarisation et des attentes professionnelles des femmes. Même quand il porte principalement sur le niveau d'éducation primaire, comme souvent dans les pays les moins développés, l'essor de la scolarisation féminine est un levier puissant pour remettre en cause les mariages précoces et les mariages arrangés. Dans l'Atlas mondial des femmes (Éd. autrement), la chercheuse à l'Ined Véronique Hertrich explique : "L'école permet de se former et de se définir en dehors de l'espace familial, elle contribue au développement de projets personnels, notamment en matière conjugale et professionnelle." Pouvant désormais poursuivre leurs études plutôt que de se consacrer à leur vie maritale, les jeunes femmes sont libres de choisir leur avenir professionnel et sont, de fait, maîtresses de leur destin.

Moins de violences conjugales et de grossesses précoces

Le recul des mariages précoces et arrangés a aussi des conséquences sur la vie privée et la santé des femmes. En se mariant plus tardivement, les femmes sont moins susceptibles d'être victimes de violence de la part de leur partenaire. Elles ont aussi moins de risques d'être infectées par le VIH ou de développer un cancer du col de l'utérus.

Enfin, le développement des mariages d'amour au détriment des mariages arrangés et précoces a une incidence sur la mortalité des femmes et de leurs enfants. Selon un rapport de l'Unicef, le risque de mortalité pour les mères de plus de 19 ans est deux fois moins élevé que pour celles âgées de 15 à 19 ans. Chez ces jeunes mères, le risque de mortalité des nourrissons est de 73%.

Si le développement de l'éducation, l'exode rural et des campagnes de sensibilisation ont permis de faire reculer l'âge moyen du mariage dans plusieurs pays, l'implication des gouvernements pour interdire les mariages précoces est essentielle. En 2010, 52 pays autorisaient encore les filles de moins de 15 à se marier (avec le consentement parental). À titre de comparaison, seuls 23 pays autorisent les garçons à se marier avant leur majorité.

D'après l'ONG Care, "chaque jour, près de 39 000 filles sont mariées de force, soit environ une fille toutes les deux secondes", estime l'ONG Care. Selon les chiffres de l'Unicef, plus 700 millions de filles ont été mariées de force dans le monde avant leurs 18 ans. Plus d'une victime sur trois a été contrainte au mariage avant ses 15 ans, soit 250 millions de jeunes filles à travers le monde.

>> Les droits des femmes dans le monde en une infographie <<