Gifle, fessée, violences éducatives : "un déni inacceptable"

Publié le Samedi 22 Juin 2013
Gifle, fessée, violences éducatives : "un déni inacceptable"
Gifle, fessée, violences éducatives : "un déni inacceptable"
Moins d'une semaine après l'annonce de la nouvelle campagne de communication de la Fondation pour l'Enfance contre les « violences éducatives ordinaires », le clip choc déjà publié sur Internet va être diffusée sur 16 chaînes de télévision.  L'occasion de revenir sur une opération qui a fait couler beaucoup d'encre ces derniers jours.
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« Il n’y a pas de petite claque, ni de petit coup. Toute violence envers nos enfants peut avoir des conséquences sur leur santé physique et psychologique. » Tel est le message de la nouvelle campagne de communication contre les violences éducatives de la Fondation pour l’Enfance. Deux ans après la première opération sur ce thème, alors axée sur la transmission générationnelle, l’organisme revient à la charge avec un clip choc d’une trentaine seconde, qui sera diffusé à compter de ce samedi sur 16 chaînes de télévision. La vidéo met en scène une mère giflant son fils, excédée par le bruit de ce dernier alors qu'elle est au téléphone. Et pour que le téléspectateur ait conscience de la violence d’une « petite » claque sur le visage d'un enfant, la Fondation pour l’Enfance a fait le choix de filmer la scène au ralenti.

« Les violences faites aux femmes sont interdites. Pourquoi pas celles sur les enfants ? »

« Il était important de déculpabiliser les parents en expliquant que nous sommes parents de l’enfant que nous avons été, et que notre éducation nous amène de manière consciente ou inconsciente à reproduire des pratiques potentiellement dangereuses, tout en pensant au bien de nos enfants », explique le docteur Gilles Lazimi, coordinateur de cette campagne. Pour autant, ce médecin généraliste tient à dénoncer le déni qui entoure ces châtiments corporels qu’il juge inacceptables. « Les violences faites aux femmes, aux hommes et même aux animaux sont interdites. Paradoxalement, elles sont tolérées sur nos enfants », relève-t-il. Psychologue, Jean-Luc Aubert refuse lui aussi de considérer le recours à la fessée ou à la gifle comme une modèle éducatif. « Un parent ne doit jamais se mettre dans un rapport de défiance vis-à-vis de son enfant », prévient ce spécialiste de l’enfance, constatant que « les cultures dont les coutumes éducatives recourent à la violence sont celles qui se lancent le plus facilement dans des conflits armés. À l’inverse, les sociétés qui tentent de bannir la violence à tous les niveaux ont une propension moindre à rentrer dans ces guerres. »

Pourtant, selon La Fondation, 85% des parents français seraient coutumiers des punitions corporelles. « En France, on a d’abord basculé d’une éducation très autoritaire usant de châtiments corporels à une autre, plus égalitaire et davantage basée sur le dialogue. La violence avait en effet été bannie non seulement des foyers mais aussi du système scolaire. Mais au vu du nombre de parents adeptes des claques et autres fessées, il semble que l’on assiste à un retour en arrière. » Une évolution dont Gilles Lazimi rappelle les conséquences. « La gifle d’un adulte de 90 kilos à un enfant pesant la moitié de ce poids peut causer des traumatismes sur les tissus, la peau, les yeux et même le cerveau. Elle provoque par ailleurs une montée de stress, un arrêt momentané de la pensée et, sur le long terme, des troubles psychologiques et des difficultés d'apprentissage », détaille-t-il. Au-delà de ces troubles, ce mode d’éducation « apprend non seulement à l’enfant à supporter la violence, mais aussi qu’il est possible de frapper plus petit que soit ».

« Nos exigences d’obéissance doivent être fonction de l’âge de nos enfants »

Autant de raisons pour lesquelles la Fondation milite pour une loi prohibant les « violences éducatives ordinaires » et pour une éducation non-violente. « Nos exigences d’obéissance doivent être fonction de l’âge de nos enfants. Au Canada, 49% des parents d’enfants de moins de deux ans déclarent avoir eu recours à des punitions corporelles dans les douze derniers mois. Mais que peut-on attendre d’un enfant de deux ans quand on lui met une gifle ?, interroge Gilles Lazimi. Si un enfant de cet âge a tendance à mettre les doigts dans la prise de courant ou à jouer avec les produits domestiques, mieux vaut acheter des cache-prise et mettre les produits dangereux en hauteur, plutôt que de le frapper », insiste-t-il. Plus nuancé, Jean-Luc Aubert veut éviter tout amalgame. « Il ne faut pas culpabiliser le parent qui, sous le coup d’une émotion incontrôlable va mettre une claque à l’enfant désobéissant qui a failli se faire renverser par une voiture », estime-t-il, avant de rappeler toutefois que l’utilisation de la force n’est jamais éducative. « Elle conduit à l’intégration d’une règle de manière inefficace, sur un mode superficiel et sans aucune compréhension du monde », fait-il savoir. Et de conclure : « Le rôle du parent est d’éduquer son enfant. C’est de l’accompagner afin qu’il ne soit jamais un danger, ni pour lui-même ni pour les personnes qui l’entourent, et donc de ne pas en faire un despote familial à l’âge adulte. Dès le plus jeune âge, il est donc important de créer un climat de confiance en privilégiant les explications, la mise en perspective et le dialogue ».

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