Toutes les chansons parlent de sexe

Publié le Mercredi 04 Septembre 2013
Toutes les chansons parlent de sexe
Toutes les chansons parlent de sexe
Dans cette photo : Rihanna
Cette semaine, notre experte sexo Sophie Bramly s'intéresse à la musique politiquement incorrecte. Celle qui évoque, mime ou glorifie les plaisirs du sexe. Rock'n'roll baby !
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Danser sur une musique lascive dans les bras d'un inconnu comme dans ceux de l'être aimé c'est un doux moment de la vie, et plus encore : la musique (la mélodie comme les paroles de chansons), donnent le la de la ballade amoureuse.

Lorsque dans les années 1950, les Américains dansaient à une distance respectable sur un air de country music, la musique n'avait pas le même effet sur un couple que s'ils avaient choisi de danser sur la version originale (la maison de disque ayant ensuite changé le texte) du sulfureux Tutti Frutti de Little Richard, dont les paroles avaient un double sens licencieux : « Tutti Frutti, good booty / If it don’t fit, don’t force it / You can grease it, make it easy », (qui signifie à peu près : Tutti Frutti, quel beau cul / si ça ne rentre pas, il ne faut pas forcer / Tu peux le lubrifier, rendre ça facile). Les textes de certaines chansons parlaient explicitement des plaisirs de la chair, le rythme faisait onduler les hanches, on était soudainement au plus près de l'acte lui-même : c'était l'arrivée du rock'n'roll, qui sentait si fort le souffre, que le gouvernement américain avait voulu non seulement moraliser, interdire, contraindre, mais également étudier les effets de ces chansons sur la sexualité des jeunes générations. Mais plus le gouvernement et les générations antérieures ont voulu contrôler le cadre de la bienséance, plus les amateurs de pop music ont acheté de disques sexuellement explicites, au point qu'en 1982 le département d’éducation des États-Unis a publié une étude montrant que des années 1950 aux années 1980 la pop music a peu à peu délaissé les aspects émotionnels de l'amour pour ne plus s'intéresser qu'à l’amour physique. Si dans les années 1950, 89% des chansons parlaient d’amour, le pourcentage a vertigineusement chuté dans les décennies suivantes, au point que dans une étude récente faite par des professeurs en psychologie de l’Université d’Albany, aux États-Unis, on constate que 92% des chansons du Top 100 en 2009 contenaient des « messages reproductifs ». Pour le Professeur Gallup, à la tête de cette étude, on peut même dire que si on veut être sûr qu'une chanson soit un succès, il est impératif qu'elle parle de sexe et plus elle parlera de sexe, plus elle aura de chances d'être un succès.

Il semble que, concernant les musiques noires américaines, l'intention était initiale puisque les termes qui servent à définir leurs mouvements musicaux empruntent très explicitement au vocabulaire sexuel : le rock'n'roll – dont le terme vient des clubs du sud – signifiait dès les années 1920 « baiser » (pas sur la bouche, mais l'acte), le boogie vient de « mbugi » qui signifie « diablement bon » en congolais, le jazz vient de « dinza » et veut dire « éjaculer », tandis que funk signifie « transpiration positive ». La pop music blanche, qui a souvent puisé son inspiration dans les musiques noires, n'a cessé de puiser elle aussi - de façon plus ou moins explicite - dans le registre sexuel, au fil des dernières décennies. Au point sans doute d'avoir « déniaisé » moralement des générations entières d'adolescents dont les découvertes sexuelles sont allées de chansons en chansons. Il est même probable, en ce qui concerne les femmes, que Madonna - et d'autres chanteuses par la suite - ait fait plus pour les libérer sexuellement, que les plus grandes féministes toutes réunies.

En France, la tendance à l'explicite, l'évocation de pratiques sulfureuses passe avant tout par la métaphore, peu de chanteurs semblent vanter aussi clairement que Rihanna le goût des pratiques sado-masochistes, le goût des orgies comme Ironik, Elton John et Chipmunk dans « Tiny Dancer », ou se plaindre comme Lily Allen d'un boyfriend mal armé pour la faire bien jouir dans « It's not fair ». Hélas, les études manquent pour savoir si notre différence tient à une préférence pour les subtilités de l'allégorie, à des pratiques sexuelles plus sages ou si une simple méconnaissance de la langue anglaise aura freiné le goût du cru...