Squatt d'artistes racheté par la mairie de Paris et mis à leur disposition, le 59 rue de Rivoli est un lieu étonnant. Il accueillera du 2 au 15 octobre prochain une exposition sur le thème "Des Sexes et des 'Femmes'".
Elle réunira 17 artistes, 5 collectifs et associations mais également 16 intervenant·es qui aborderont lors de rencontres, l'inceste, le viol, les mutilations génitales, le sexisme en médecine, les violences obstétricales et gynécologiques mais aussi l'intersexuation et la transidentités.
Le projet a commencé en mai 2017. Pour le collectif 52, qui lutte pour une meilleure place des femmes dans la société, Juliette Drouar, art-thérapeute, artiste et autrice militante, avait réuni douze artistes pour faire un calendrier féministe 2018. Elles ont chacune illustré les pages du calendrier avec des sexes de femmes. De là, a émergé l'idée de tirer un événement plus large. Aujourd'hui, elles sont 17 à être réunies.
La programmation est riche. Les artistes exposés explorent le sexe féminin sous toutes ses formes. Parmi elles, Tamina Beausoleil, Axelle Remeaud, Cassie Raptor, Vanda Spengler, Louise Dumont, Mila Nijinsky, Aurélie Raidron, Nathalie Tacheau, Romy Alizée, Linda Trime, Olga Laz, Rita Renoir, Louise A. Depaume, Andréa Valienne, Rose Pialat, Nevna M. et Juliette Drouar elle-même.
Dans l'intention de l'exposition, Juliette Drouar tente de répondre à la question : "Qu'est-ce qu'être une femme ? Mais elle souhaite également que les individus ne soient pas constamment réduits et rappelés à leur sexe : "Pourquoi lorsque je vais chercher mon pain on me dit 'Bonjour madame' ? Pourquoi je lis 50 fois par jour le mot "femme" ? Alors que les interactions majoritaires de nos vies sont dépourvues de toutes velléités procréatives, médicales ou même sexuelles."
De là, elle répond : "Parce qu'il s'agit de pouvoir. Parce que toute notre société, notre culture, est fondée sur la domination et non sur la coopération. Le mode domination régit notre intimité tout autant que notre économie capitaliste. Au fondement de ce mode d'être, il y a la création de catégories de dominants et de dominé.e.s, il y a la bipartition : l''homme' et la 'femme' qui se déclinent allègrement en 'blanc'/'noir', 'riche'/'pauvre', 'gros'/'maigre', 'normal'/'handicapé'."
Mais ce ne seront pas les uniques axes de réflexions de l'exposition. Juliette Drouar nous explique : "J'ai voulu évoquer des thématiques qui sont moins abordées, je n'avais pas envie de parler du harcèlement de rue par exemple. Il y a beaucoup de thèmes qui ne sont pas analysés comme l'inceste. C'est peut-être le thème le plus tabou."
Une table-ronde sera organisée autour de ce sujet le mercredi 3 septembre à 19h. L'organisatrice évoque le grand secret de la société face à l'inceste : "Comme dans la culture du viol, ce climat de peur que les hommes provoquent sur les femmes, qui nous poursuit toute notre vie, la sexualité est un outil de domination. Alors l'inceste, c'est un rapport à l'autorité entre un majeur et un mineur. Il y a un redoublement de la culture patriarcale et de l'apprentissage de l'autorité."
Juliette Drouar insiste sur le fait que l'on a du mal à obtenir des chiffres sur l'inceste : "Mais il est important d'aborder le sujet pour que l'on puisse proposer une meilleure prise en charge aux victimes. Cela me tenait à coeur d'en parler."
Parmi les sujets que l'organisatrice a voulu mettre sur le devant, il y a l'intersexuation et la transidentité : "Ça n'est pas grand public". Elle a donc voulu faire sortir ces thématiques hors du secteur communautaire : "Tout cela tourne autour de la dénaturalisation de ce qu'est être une femme. C'est contre l'essentialisation de la femme. Le processus de sexuation est renforcé constamment, on renforce la binarité. En plus de sa vulve, on renforce les caractéristiques biologiques et naturalistes de chaque sexe [par la nourriture ou les habitudes de vie]. La biologie se façonne à l'aune du genre depuis des milliers d'années. Cela fait partie d'une trajectoire".
Pour explorer toutes ces thématiques, la programmation prévoit aussi un atelier d'auto-gynécologie et d'appropriation de son corps pour être moins vulnérables aux violences gynécologiques. La professeuse d'université Anaïs Bohuon interviendra pour raconter "La fabrique médicale des sportives", sur ces tests de féminité imposée dans le sport.
La doctoresse Ghada Hatem de la Maison des femmes de Saint-Denis, mais aussi l'autrice Clémentine de Pontavice et la photographe Louise Oligny, interviendront sur les mutilations génitales et la reconstruction. Parmi les nombreuses autres ateliers prévus, on compte également la projection le mercredi 10 octobre, d'Empower, un film qui fait le portrait de trois travailleuses du sexe.
Pour avoir le programme complet de l'exposition, des tables-rondes et des ateliers, rendez-vous sur la page Facebook de l'événement.
Pour participer aux ateliers il faut s'inscrire à l'adresse suivante : juliette.drouar@gmail.com