Cancer du sein : "Ne laissons pas les femmes dans l'attente longue et angoissante d'un diagnostic"

Publié le Jeudi 24 Février 2022
Raccourcir les délais pour le diagnotic du cancer du sein
Raccourcir les délais pour le diagnotic du cancer du sein
Et si on accélérait enfin les délais pour diagnostiquer le cancer du sein ? C'est l'appel que lance le professeur Mahasti Sagatchian, chef du service de cancérologie de l'Hôpital américain de Paris. Car accompagner les femmes malades passe aussi par la diminution du stress de l'attente et une prise en charge rapide. Voici sa tribune.
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Le cancer du sein n'a jamais été aussi bien "connu" du grand public. Les mobilisations et actions de prévention - l'instauration d'Octobre rose notamment - y sont pour beaucoup, notamment en matière de prévention et de dépistage. Un dépistage, encore insuffisant, mais qui permet en France de diagnostiquer un cancer du sein à près de 59 000 femmes chaque année. Diagnostiquer pour agir ! Et la science a fait d'immenses progrès : rappelons que 76 % des femmes survivent à un cancer du sein à 10 ans du diagnostic. La lutte est pour autant loin d'être terminée, avec peut-être encore un angle mort : un diagnostic souvent trop long à obtenir pour les patientes.

Masses dans le sein, écoulements, inflammations : ces symptômes ne sont pas toujours ceux d'un cancer du sein. Mais pourtant, constatés par les patientes, leurs médecins ou leurs radiologues, ils devraient toujours être investigués très rapidement. Car qui dit long diagnostic, signifie aussi des délais de prise en charge allongés, et parfois une perte de chance.

Face à ces grands espoirs et progrès, difficile pourtant en tant que médecin de ne pas se poser plusieurs questions lorsqu'on sait que chaque année 12 000 femmes meurent d'un cancer du sein.

Combien de femmes ont dû faire face à un long temps d'attente avant de voir un spécialiste et de réaliser les examens nécessaires au diagnostic après des symptômes suspects ? Comment gérer cette attente du diagnostic final ? Comment ne pas assimiler ces délais à des éventuelles pertes de chances ? Et si après la mobilisation des femmes en faveur du dépistage, l'enjeu n'était pas aujourd'hui celui de la rapidité du diagnostic dès lors qu'il y a un doute ? Quid de la place majeure de l'annonce des résultats ? Et comment ne pas évoquer le besoin d'accès le plus rapidement possible aux spécialistes de cette maladie complexe ?

Diagnostiquer le cancer du sein
Diagnostiquer le cancer du sein

Certaines patientes nous témoignent tous les jours de l'immense solitude, de la peur qui les assaillent dans l'attente des rendez-vous et des délais pour obtenir les résultats finaux et un diagnostic. Comment réagir également face à un diagnostic difficile, éprouvant, quand l'attente elle-même a été longue, angoissante ? En découle du stress, de l'inquiétude qui ne mettent pas dans des dispositions idéales pour lutter contre la maladie. Les conséquences et les conditions d'annonce d'un diagnostic du cancer sont tout sauf anodines. En tant que professionnels de santé, il est de notre devoir, tant que possible, de pouvoir y répondre, d'écourter au maximum ce délai insoutenable, de mettre nos patientes dans les meilleures conditions pour se battre.

Il est largement démontré que le retard dans le diagnostic et le traitement d'un cancer du sein peut avoir un impact majeur sur la survie. Le traitement d'un cancer du sein diagnostiqué à un stade plus avancé est également associé à une prise en charge plus lourde, en raison d'approches plus agressives en terme de chirurgie ou de chimiothérapie. Ainsi, la réduction de ce délai est une priorité pour assurer la meilleure prise en charge possible.

C'est pourquoi ce moment d'avant diagnostic est essentiel. Il doit être court, le plus court possible, nous devons y remédier pour ne pas laisser les patientes dans l'angoisse et leur proposer le traitement nécessaire rapidement. Car attendre des jours, des semaines, voire des mois, peut avoir un effet délétère sur leur moral et sur leur santé future. Et ce, qu'elles soient malades ou non.


Par Pr Mahasti Sagatchian, chef du service de cancérologie de l'Hôpital américain de Paris.