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Cannes 2024 : un film choc revient ENFIN sur le calvaire et la vie de Maria Schneider

Publié le Jeudi 23 Mai 2024
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
11 photos
Jeune actrice brillante mais sacrifiée sur l'autel du patriarcat et de ses violences, Maria Schneider a enfin droit à son biopic, présenté à Cannes. Un film qui revient notamment sur son agression sexuelle lors du tournage du "Dernier tango à Paris".
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Maria Schneider a été agressée sexuellement sur le tournage du Dernier tango à Paris. En plus d'être humiliée par le metteur en scène Bernardo Bertolucci, l'actrice a vu son consentement méprisé lors d'une scène impliquant une sodomie et une motte de beurre. Le réalisateur aurait décidé de cette séquence "choc" au dernier moment, en cohésion avec Marlon Brando, et sans prévenir l'actrice. Les cris de Maria Schneider, lors du geste intime impliquant précisément la motte de beurre (attitude qui n'était pas écrite dans le scénario), sont bel et bien réels : sa surprise, et sa terreur, sont authentiques.

Maria Schneider, dont le metteur en scène exigeait qu'elle fut régulièrement dénudée au sein du film, fut aussi victime d'une vaste campagne de "slut shaming" en Italie. Et condamnée à de la prison suite au grand scandale suscité par cette oeuvre "sulfureuse". Tout cela, un livre important en témoigne - Tu t'appelais Maria, de Vanessa Schneider, romancière et cousine de la star. Et aujourd'hui, un biopic l'aborde enfin sur grand écran.

Présenté au Festival de Cannes, le film Maria permet à la cinéaste féministe Jessica Palud de rendre hommage à cette grande actrice sacrifiée sur l'autel du patriarcat et de ses violences. Maria Schneider, qui a pu tourner pour des géants - comme Antonioni - mais fut toujours ramenée à cette glaçante scène du Dernier Tango...

Maria Schneider renaît sous les traits de Anamaria Vartolomei et son histoire fait écho à la révolution #MeToo

Qualifiée de tous les noms à l'international, alors que Bernardo Bertolucci n'a jamais hésité à se vanter des vertus de son propre film, jusqu'à la teneur de la fameuse scène de sodomie, et qu'une star comme Marlon Brando a pu lui aussi poursuivre une carrière prestigieuse, Maria Schneider est une artiste dont la trajectoire dramatique fait écho a bien des enjeux de notre époque. Violences sexuelles, rapports de force dans le milieu du cinéma, sexisme... Venues meurtrir une vie qui sera également très marquée par la drogue.

C'est ce constat-là qui bouleverse aujourd'hui la Croisette en plein émoi post-séance de cette biographie filmée où c'est la jeune comédienne Anamaria Vartolomei, désarçonnante de mimétisme, qui confère ses traits à l'actrice, et fille du célèbre comédien Daniel Gélin - Schneider, dont l'on croisera aussi l'électrisante présence devant les caméras de Jacques Rivette, légende de la Nouvelle Vague, Cyril Collard ou encore Guillaume Nicloux. Anamaria Vartolomei était déjà tout à fait admirable dans L'événement, la transposition choc du récit d'Annie Ernaux sur le droit à l'avortement.

Dans les pages du magazine So Film, la journaliste Marine Bohin salue le geste sororal, celui de dédier un film entier à "l'une des premières comédiennes à dénoncer les abus dans le monde du cinéma" et proposer de manière plus globale "une vraie réflexion sur la fabrication du cinéma et ce que l'on fait parfois en son nom". Pour Marine Bohin, il est important de "réhabiliter la figure de Maria Schneider en 2024".

A l'unisson, malgré les défauts apparents du film, Le Point relève l'engagement de ce récit "d'une tragédie de l'avant-MeToo" : "Alors, oui, même pour qui connaissait déjà l'histoire de Maria Schneider, ce film est un choc. Parce qu'il montre avec franchise ce qui peut se passer au nom de la mise en scène et de la création artistique. Parce qu'il fait ressentir jusqu'au dernier plan ce qu'a vécu cette femme au parcours fracassé".