C'est l'histoire d'un trauma.
Enfin non, justement. C'est l'histoire d'une jeune femme, qui subit un trauma. Le raconte. S'y confronte. S'en émancipe. C'est avant tout elle qui importe. Et à travers la voix de cette protagoniste caustique, brillante et tourmentée, celle de son interprète : Eva Victor. Star du web à l'origine, elle est l'actrice principale, la scénariste et la réalisatrice de ce premier film, Sorry, Baby, claque à laquelle vous n'échapperez pas. En tout cas, on vous déconseille fortement de louper le coche.
Sorry, Baby, à voir dès à présent au cinéma, est une oeuvre éclatante d'idées, de subtilité, de sensibilité.
On vous l'accorde, ça fait beaucoup. Mais c'est peu de le dire lorsque l'on sort de cette séance. Agée d'à peine plus de trente ans, Eva Victor porte tout sur ses épaules, quand bien même elle est intelligemment soutenue (notamment par l'excellente Naomi Ackie, que vous avez peut être découvert dans Mickey 17).
Sous couvert de son regard intime, elle raconte une expérience que la moitié de la population a volontiers vécue.
Et le fait sans mélodrame, avec un art de la tragicomédie, de l'humour (grinçant), du décalage, et surtout, de l'acuité, rare, très rare. On s'exerce à vous expliquer pourquoi. Sans spoiler, promis.
Sorry, Baby, va donc nous coller au plus près d'Agnès, notre protagoniste.
Laquelle retrouve sa meilleure amie l'espace d'un weekend chez elle, dans la ville très Emily Brontë où elle réside depuis la fac (forêt, vastes panoramas romantiques, bruit du vent et phare). Contemplatif, léger, le film suggère lors l'increvable amitié qui unit ce couple sororal. Puis bientôt, l'on devine les contours ombrageux du passé d'Agnès. Un chapitre après l'autre, il nous sera révélé.
Et le film d'être dès lors rythmé par les affects paradoxaux et vertigineux de ce personnage aussi attachant que dense : la vanne vache enlace la tendresse, qui elle-même enlace le drame, poignant, lequel s'avère indissociable de ruptures de ton imprévisibles : lorsque la grande maison d'Agnès est plongée dans le noir par exemple, la mise en scène peaufinée érige ce décor en paysage de film d'horreur.
Anxiogène, étouffant, comme un film A24... Qui justement distribue l'oeuvre.
Comédie, thriller, drame, Sorry, Baby se libère des genres, comme sa protagoniste de sa souffrance.
Au vu de son grand sujet, que nous ne révélerons pas, il propose également un regard atypique; étonnant, audacieux, où la sensibilité, l'intime, côtoie un art du plan qui claque, qui fait sens et émeut.
On pense notamment à ces plans si symboliques où Agnès, professeure de lettres, emploie de façon très singulière les feuilles de sa thèse.
Ces plans, on pourrait leur attribuer de multiples significations, et ils comptent énormément dans la lecture de l'oeuvre. Il faut le voir pour comprendre. Ce qui est indéniable, suite à la découverte de ce grand film féministe, c'est qu'une rencontre s'est produite, entre nous, le public, et un nouveau regard, déjà affirmé, et si singulier : celui d'Eva Victor.
Effectivement, cela fait longtemps que l'on avait pas assisté à l'éclosion d'un point de vue si précis et intense, aussi bien du côté du jeu de l'actrice, que de son écriture. Outre atlantique, portraits et Unes se multiplient depuis le passage du film à Cannes pour tenter de cerner la trajectoire et la psychologie de cette effarante touche à tout, qui ne craint pas de désarçonner son audience pour défendre ses propos.
On vous le promet, vous ne regretterez pas ce voyage : c'est un véritable tourbillon émotionnel.