La "coiffure coronavirus" aide à sensibiliser la population en Afrique de l'est

Publié le Mardi 12 Mai 2020
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
La tendance de la "coiffure corona" en Afrique de l'est
La tendance de la "coiffure corona" en Afrique de l'est
A Nairobi, au Kenya, des petites filles se promènent avec les cheveux tressés en pics sur la tête, et agrémentés de fils parfois colorés. Une coiffure qui ne date pas d'hier, mais qui ressemble étrangement au coronavirus, et incarne une nouvelle façon de sensibiliser la population à ses dangers.
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La tendance revient. Après avoir été largement supplantée par celle des cheveux synthétiques ou réels venus d'Inde ou de Chine, la mode des cheveux tressés et dressés en l'air à l'aide de fils multicolores connaît un nouveau succès en Afrique de l'est. La raison : le coronavirus. D'une part, la coiffure ressemble étrangement à la forme du virus, donc, et de l'autre, la crise économique qui suit le confinement de nombreux pays a forcé les locales à se tourner vers des alternatives esthétiques moins coûteuses, rapporte le Guardian. Et la tête façon Covid-19, c'est bon marché.

Pour Sharon Refa, 24 ans, coiffeuse à Kebara, dans le quartier de Nairobi au Kenya, il s'agit également de sensibiliser la population aux dangers de l'épidémie. Car tout le monde ne la prend pas au sérieux, en encore moins les gestes barrière qui aident à l'endiguer. Chez les plus petit·e·s en revanche, le message semble passer davantage. "Certains adultes ne croient pas que le coronavirus soit réel, mais la plupart des jeunes enfants tiennent à se désinfecter les mains et à porter des masques", raconte-t-elle au média britannique, son masque facial replié sous le menton. "Beaucoup d'adultes ne le font pas, et c'est pourquoi nous avons imaginé la coiffure 'corona'".

Pour Margaret Andeya, une riveraine qui confie avoir du mal à joindre les deux bouts, le compromis est idéal : "Cette coiffure est beaucoup plus abordable pour des gens comme moi qui n'ont pas les moyens de payer les coiffures plus chères qui existent, mais qui veulent quand même que nos enfants aient du style", confie-t-elle au Guardian. Dans les rues de la capitale, la coiffure "corona" vaut un peu moins de 45 centimes d'euros, contre dix fois plus pour les cheveux réels ou synthétiques. "Le Covid-19 a détruit l'économie, nous a enlevé nos emplois, et maintenant l'argent se fait rare", explique une autre mère, cliente du salon. "J'ai donc décidé de faire coiffer mon enfant comme ça, à un prix abordable de 50 shillings, et elle est très belle. La coiffure aide également à communiquer avec le public sur le virus".

En Afrique, le virus pourrait traîner pendant des années selon l'OMS

Si les chiffres sont relativement bas comparés au reste du monde pour l'instant (700 cas confirmés lundi 11 mai), les autorités sanitaires avertissent cependant qu'à défaut de matériel et de tests de masse, les personnes infectées en Afrique pourraient être plus nombreuses, principalement dans les quartiers populaires des grandes villes. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) alerte d'ailleurs sur la potentielle propagation de l'épidémie, rapportant que le bilan pourrait s'élever à 190 000 morts et 10 millions de malades, et que pour chaque million d'habitant·e·s, la plupart des pays du continent ne dispose que de neuf lits de soins intensifs.

"Bien que le Covid-19 ne se répandra probablement pas de manière aussi exponentielle en Afrique qu'ailleurs dans le monde, il couvera probablement dans les points chauds de transmission", déclare le directeur de la région Afrique de l'Organisation mondiale de la santé, le Dr Matshidiso Moeti. "Le virus pourrait devenir un élément incontournable de nos vies au cours des prochaines années, à moins qu'une approche proactive ne soit adoptée par de nombreux gouvernements de la région. Nous devons tester, tracer, isoler et traiter".