Monde
Cet ado féministe se bat pour l'éducation des filles au Burkina Faso
Publié le 11 octobre 2019 à 10:47
Par Catherine Rochon | Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
Mariages forcés, esclavage, grossesses précoces, violences, déscolarisation... Les filles restent victimes des pires discriminations à travers le monde. Comment changer la donne ? A l'occasion de la Journée internationale des filles ce 11 octobre, rencontre avec Wahabou, jeune activiste du Burkina Faso qui s'engage pleinement pour l'accès à l'éducation des filles.
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Reléguées au ban de la société à cause de leur genre, les filles se trouvent souvent privées des droits les plus fondamentaux. Ainsi, en 2019 encore, 132 millions d'entre elles restent toujours privées d'école, alors même que l'éducation constitue l'un des leviers les plus puissants pour contrer la pauvreté, les mariages d'enfants, les violences et les inégalités filles-garçons, comme le souligne l'ONG Plan International.

Une situation qui ulcère Wahabou. A 18 ans, ce jeune activiste travaille à changer la donne. Dans son pays, le Burkina Faso, moins de 15 % des filles accèdent à l'école secondaire. Et une fille sur deux est mariée avant sa majorité, précipitées dans l'enfer des violences domestiques et de la pauvreté.


Celui qui se revendique haut et fort "garçon féministe" milite au sein de plusieurs organisations de jeunesse en partenariat avec l'ONG Plan International. Son credo : défendre le droit à une éducation inclusive et de qualité. Des forums nationaux et internationaux en passant par le sommet du G7, Wahabou se fait l'infatigable porte-parole des droits des filles.

En cette Journée international des droits des filles, ce jeune partisan de l'égalité de genre, qui a lui-même deux soeurs, s'est confié par mail sur son parcours, la situation des filles dans son pays et sur ses espoirs pour l'avenir.

Terrafemina : Quel a été le déclic pour t'engager ?

Wahabou : Dans notre communauté, les filles n'ont souvent pas les mêmes opportunités que les garçons. Elles restent victimes de discriminations, parfois très graves, comme les mutilations génitales féminines. Elles n'ont de surcroît pas accès à une éducation de qualité. À l'école, elles peuvent subir des violences de genre. Et elles sont surtout victimes de mariages forcés et de grossesses précoces.

Pourquoi est-ce si important que les filles aient accès à l'école ?

W : Si une fille est éduquée, elle pourra décider librement et diriger si elle le souhaite. Elle sera épanouie et pourra se battre dans la vie pour son indépendance et son autonomie. Elle pourra également décider du nombre d'enfants qu'elle souhaite – si elle en veut.

 

Explique-nous la situation dans ton pays, le Burkina Faso, où des milliers d'écoles ont été privées de rentrée à cause du terrorisme cette année.

W : La situation dans mon pays empire : l'insécurité grandit. On compte aujourd'hui plus de 2 024 écoles fermées, ce qui fait plus de 330 000 élèves qui n'ont pas accès l'éducation. Du coup, nous savons que si dans un pays, il y a de l'insécurité, les filles sont plus exposées que les garçons. Résultat : elles se retrouvent privées d'éducation.

Le fait de ne pas aller à l'école accroît les inégalités, puisque s'il y a des violences, à cause de l'insécurité, seuls les garçons se rendent à l'école et les filles demeurent à la maison. Elles restent pour des travaux domestiques ou comme bonnes à tout faire ou comme marchandes de rue ou forcées à se marier. Sauf que si les garçons vont à l'école, les filles doivent y aller aussi, car garçons et filles ont les mêmes droits.

Une écolière en classe à Fada N'gourma au Burkina Faso. © Getty Images
Y a-t-il des situations qui t'ont particulièrement scandalisé ?

W : Beaucoup de situations m'ont choqué. Plus particulièrement, le cas des mutilations génitales féminines. Dans mon pays, le Burkina Faso, au sud-ouest, en janvier 2018, on a remarqué des cas d'excision : 87 filles excisées, et parmi elles, 47 étaient des écolières.

Quand on excise une fille, au-delà de la souffrance physique de la mutilation, on la prive d'éducation le temps de la cicatrisation.

Quand les enseignants ont remarqué ces absences, ils ont rapidement compris que ces filles avaient été excisées et ils ont prévenu la police qui a arrêté les parents et quelques complices. L'excision constitue une pratique traditionnelle néfaste interdite, mais elle demeure, en cachette...

Te considères-tu comme un garçon féministe ?

W : Oui, je suis un garçon féministe ! Je me bats pour l'égalité entre les filles et les garçons, pour leur accès aux mêmes droits : c'est un engagement juste. Le féminisme, selon moi, c'est le fait de se battre pour défendre les droits des filles. C'est refuser et dire "non" à tout ce qui nuit aux filles.

 

Que fais-tu concrètement à ton niveau pour faire changer les choses ?

W : Je milite au sein d'organisations de jeunesse. Nous menons des campagnes de sensibilisation à travers plusieurs stratégies. Le théâtre, par exemple, pour sensibiliser le plus grand nombre. Et ça marche ! Ça marche bien même ! Nous inventons des histoires. Nous appelons cela des "sketchs" d'une durée de 5 à 10 minute. Ce n'est pas forcément "drôle", mais c'est très instructif.

Wahabou, jeune activiste en faveur des droits des filles au Burkina Faso © PLAN International
Quel message souhaiterais-tu faire passer aux garçons de ton âge pour qu'ils soutiennent davantage la cause féministe ?

W : J'aimerais leur dire que nous avons les mêmes droits. La lutte pour un changement positif et durable nous concerne toutes et tous. C'est une lutte commune.

Aux filles, je veux leur dire de ne pas se décourager. Il faut continuer à se battre pour leur leadership, à prendre leur destin en main, à travailler et à ne pas se soumettre à ce que les gens disent.

Comment pouvons-nous vous soutenir ?

W : Il faut impliquer les jeunes dans l'élaboration des politiques publiques visant l'éducation et, plus largement, dans les instances de prises de décision, comme le G7 ou les rencontres internationales.

Il faut aider également au financement des projets des jeunes en matière de lutte pour l'égalité entre les filles et les garçons. Et il faut aussi que les jeunes s'engagent davantage pour le respect des droits des filles. C'est primordial pour faire avancer les choses.

 

Mots clés
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