Mal baisée, okay, mais la faute à qui ?
C'est la question fracassante que pose Ovidie dans l'émission 28 minutes, le JT estampillé Arte, présenté par Elisabeth Quin.
Ovidie, faut-il encore la présenter ?
Ex travailleuse du sexe, sujet qu'elle a largement abordé à l'écrit, comme en images, l'espace de manifestes et de films minutieux, cette réalisatrice et militante féministe pro-sexe est l'un des regards les plus aiguisés, et réjouissants, de la pensée critique, ces 20 dernières années. Elle est l'autrice d'un best seller : La chair est triste hélas. Succès en librairies - du côté des essais féministes - où elle dénonce l'injonction à la sexualité, et plus encore, milite pour une grève du sexe, et de l'hétérosexualité.
La sexualité, au sein d'une société patriarcale et capitaliste, a été érigée en pression quotidienne, en jeu où les femmes sont toujours perdantes. En témoigne une expression : Mal baisée. "Espèce de mal baisée", insulte sexiste sortie par ceux qui souhaitent susciter honte, culpabilité, complexes, chez leur interlocutrice...
Mais que raconte cette insulte absurde ? Sur le plateau de l'émission d'ARTE, Ovidie la passe au crible.
Et c'est réjouissant.
Ovidie sort les gants.
Et règle ses comptes à cette insulte sexiste : Espèce de mal baisée ! En la passant au grill, sur le plateau de la septième chaîne : "Mal baisée ? Bien sûr que je suis une mal baisée ! C'est pour ça que j'ai arrêté le sexe", avec un grand sourire entendu.
Avant de poursuivre : "Et oui, j'ai fermé la boutique, comme dirait Jane Fonda... Mais ce sont les personnes qui baisent mal, justement, qui devraient raser les murs ! Pas moi !". Et par-là, Ovidie entend notamment, on le comprend... Les hommes. Qui sont tout de même en grande partie possesseurs de cette fameuse insulte, qui leur semble définitive, alors qu'elle ne fait que suggérer leurs aptitudes au lit.
"Pour l'autrice féministe Ovidie, ce sont les mauvais amants qui devraient se cacher", ironise non sans taquinerie ARTE.
Ce que raconte Ovidie, en fait, c'est que l'on fait trop peser la charge sexuelle sur les femmes.
Que ces messieurs vouent peu d'attrait au plaisir féminin. Que l'orgasme au féminin est rarement atteint, de part le manque de connaissances, de savoirs, ou de motivation. Et qu'elles soient insultées car jugées "trop sexuelles" (c'est le principe du slut shaming) ou à l'inverse, "trop prudes", les femmes n'en sortent jamais gagnantes.
“Arrêter le sexe avec les hommes, ce n'est pas juste arrêter le coït, c'est arrêter tout ce que cela implique d’être une femme et de constamment lutter pour rester désirable. C'est un boulot à temps plein que d'être un sexe à convoiter, entre le temps qu'on passe à s'épiler, à se faire de la médecine esthétique, à se couvrir les cheveux gris parce qu'on a peur de ne plus être coté à l'argus...c’est un temps infini que moi, j'avais envie de récupérer.”, défendait encore Ovidie sur les ondes de France Culture à propos de son essai, La chair est triste.
Quant à la sexualité, on ne peut nier qu'il existe dans notre société, pour les femmes, comme pour les hommes, une course à la sexualité. C'est ce que nous racontait l'essayiste Tal Madesta sur Terrafemina : "L'impératif sexuel concerne énormément de personnes et fait souffrir énormément, et pas uniquement les personnes qui se revendiquent de l'asexualité."
"on a tendance à surperformer une sexualité forcément désirable, agréable, enthousiasmante... Mais dans les coulisses de l'intimité des gens, tout est beaucoup moins simple."
"La sexualité est un système qui structure idéologiquement, culturellement et légalement la société. C'est aussi une obsession collective dont tout le monde est victime. Je ne voulais donc pas partir d'une notion qui définit encore les personnes de par leur rapport à la sexualité – ce que suppose "asexualité". Je préférais m'attarder sur les différentes façons de faire intimité, comme l'amitié, et privilégier la parole de ceux et celles qui font communauté autrement."