Eugénie Mai-Thé : "On n'est pas obligé d'être un homme pour pouvoir brasser"

Publié le Vendredi 07 Août 2015
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Eugénie Mai-Thé, brasseuse-en-chef chez FrogBeer
Eugénie Mai-Thé, brasseuse-en-chef chez FrogBeer
Il y a quatre ans, Eugénie Mai-Thé a quitté son emploi dans l'agroalimentaire pour se consacrer à la bière artisanale. À 32 ans, elle est aujourd'hui la brasseuse-en-chef de FrogBeer, un laboratoire à bières situé en Seine-Saint-Denis où elle élabore avec son équipe les breuvages houblonnés servis ensuite dans les pubs Frog de la capitale. Rencontre avec une passionnée.
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Lorsqu'on s'imagine le brasseur-en-chef d'une brasserie artisanale réputée, il est aisé de s'imaginer un grand gaillard barbu, qui apporterait son savoir-faire british ou belge pour élaborer des recettes de lager rafraîchissante, d'ale à la rondeur suave ou de stout aux notes torréfiées.

On ne pourrait pas se tromper davantage sur Eugénie Mai-Thé. Depuis deux ans, cette ingénieure agronome de formation est à la tête de FrogBeer, une toute jeune brasserie artisanale qui fournit le pub Frog & Princess, dans le VIe arrondissement, le Frog Revolution près de Bastille et les deux restaurants burger de l'enseigne.

Située dans un ancien hangar aménagé de Saint-Denis, à deux pas du Stade de France, la brasserie FrogBeer tourne à plein régime depuis sa création en 2013. Chaque jour de la semaine, la petite équipe managée par Eugénie prend possession de ce laboratoire. C'est ici que sont brassées et filtrées les recettes imaginées par Eugénie et Charles Board, l'autre brasseur-en-chef du groupe FrogPubs – une douzaine, au total -, puis embouteillées ou mises en fût avant expédition.

Pourtant, malgré les impératifs de production – les 5 cuves de fermentation de 2 500 litres chacune tournent à plein régime -, Eugénie ne se met pas la pression. "Ici, on est très souple, on travaille en fonction des urgences et des besoins. En fait, mes journées sont scindées en plein de petits morceaux : du management, une partie de production pure et enfin une partie développement, où j'imagine la prochaine recette", explique la jeune femme, qui gère d'une main de maître une équipe exclusivement composée d'hommes. "On n'est pas obligé d'être un homme qui fait 1,85 mètre et 90 kilos pour pouvoir brasser ! Je pense que le plus important, c'est de savoir partager son enthousiasme et sa passion pour la bière et de bien communiquer auprès de son équipe. Ça permet de passer outre cette question de l'âge ou du sexe."

Itinéraire d'une passionnée

Si FrogBeer tourne aujourd'hui si bien, c'est parce qu'Eugénie Mai-Thé n'en est pas à sa première expérience dans le domaine de la craft beer. Passionnée par les bioprocédés, la jeune femme a longtemps produit, en parallèle de son activité de conseillère auprès de petites entreprises bio, sa bière homemade. "J'avais mon petit kit de 50 litres avec lequel je faisais mon propre brassin", raconte Eugénie.

Alors qu'elle envisage de revenir vers une activité "plus manuelle, plus concrète", la jeune femme fait la rencontre, en 2011, de Marc Neyret. Ce dernier a alors comme projet de créer une microbrasserie dans le Morvan et est à la recherche de quelqu'un pour l'accompagner sur la partie technique. "J'ai monté la brasserie de Vézelay à ses côtés. Je me suis occupée du chantier-bâtiment, de l'élaboration des recettes, de l'installation des équipements, de leur mise en route, de la formation de l'équipe, et enfin du contrôle de la qualité."

Depuis 2013, elle met à profit cette polyvalence auprès de FrogBeer, après deux années passées dans le Morvan. "Ça a été un projet très global, qui m'a permis de mettre en application tout ce que j'avais pu apprendre de mon côté de façon très empirique et autodidacte", explique Eugénie, qui a aussi contribué à la sortie de terre de FrogBeer.

Quatre bières primées en deux ans

De brasseuse amateur à "brewery manager", Eugénie Mai-Thé n'a pas à rougir du chemin qu'elle a parcouru en une poignée d'années. "Je suis particulièrement fière de tout ce que j'ai appris depuis que j'ai commencé à brasser. Je me souviens qu'au début, je ne comprenais pas certaines problématiques techniques qui aujourd'hui me semblent hyper simples. Je suis très contente de sentir que maintenant, j'ai une certaine maîtrise technique."

Celle-ci a d'ailleurs été récompensée : l'an dernier, la ThaWack !, une Black I.P.A. corsée remportait la médaille d'or au Brussels Beer Challenge. Cette année, c'est la Pale Ale Wham ! et la blanche KerSplat ! qui ont toutes deux reçu une médaille de bronze au Dublin Craft Beer Cup. Quant à la Pearl, une Pale Ale aux notes florales, elle a aussi été primée au Concours général agricole qui a eu lieu cet hiver.

"Ces prix, c'est vraiment bien pour l'équipe, ça récompense deux ans de dur labeur", affirme Eugénie, qui envisage déjà le développement de FrogBeer. "En plus de produire davantage, on va continuer à expérimenter et à proposer toujours de nouvelles idées. J'aimerais aussi faire grandir l'équipe pour faire entrer de nouvelles compétences. Enfin, on va continuer à se professionnaliser, à être toujours plus rigoureux dans nos pratiques pour atteindre la qualité la plus élevée possible."

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