Les parents français sont les deuxièmes plus gros donateurs d'argent de poche à leurs enfants en Europe, derrière les Italiens. Le montant moyen versé par semaine : 2 € avant 5 ans, 5 € entre 5 et 10 ans, 10 € entre 10 et 15 ans et 20 € au-delà, selon une étude Ipsos, menée pour ING. Quelle attitude adopter ? Donner quelques piécettes à son enfant est-il un bonne chose ? La pédopsychiatre Florence Millot, auteure de l'ouvrage "Il y a des monstres sous mon lit ! (Aider votre enfant à vaincre ses peurs)" et du blog pedagogieinnovante.com, nous apporte son éclairage.
Florence Millot : Beaucoup de parents le font. Il faut dire que nous évoluons dans une société de surconsommation et que tout devient payant. Cela dit, il n'y a là, évidemment, aucune obligation. Tout dépend de ce que les parents ont envie d'inculquer à leur progéniture. Parfois, on s'y refuse parce que qu'on est dans une logique d'anti-consommation, ou parce qu'on a envie que l'enfant reste enfant et n'ait pas ces notions d'argent trop tôt. Il y a aussi ce désir pour certains parents que l'enfant se réjouisse de l'effet de surprise lorsqu'il reçoit un cadeau sans l'avoir forcément choisi. C'est une façon de lui apprendre à recevoir sans forcément demander ni, le cas échéant, exactement ce qu'il avait demandé. Même si cette façon de faire est de plus en plus rare, elle n'en reste pas moins bonne.
F.M : Quel que soit l'âge de l'enfant, l'argent de poche ne doit surtout pas constituer une forme de chantage du type 'si tu travailles bien à l'école, tu auras de l'argent' ou encore 'si tu effectues les tâches ménagères, tu auras de l'argent' au risque que l'enfant n'associe quelque chose qui est fondamental pour lui – bien travailler à l'école et y prendre du plaisir – à l'argent. Souvent, on veut leur inculquer ça en pensant à leur futur. Pourtant, de notre côté, il nous arrive d'être ronchons, absents, peu motivés au travail et on est toujours payés. Cela n'a donc pas de sens d'apprendre à l'enfant, sous prétexte de le préparer à l'avenir, à évoluer déjà dans cette notion de pouvoir.
Concernant les tâches ménagères, il y a de grandes chances que l'enfant se refuse ensuite à faire quoi que ce soit s'il ne reçoit pas d'argent en retour car les enfants sont très malins pour retourner contre eux le chantage que les parents leur font.
Il est de plus en plus fréquent que les rêves ou les choix de métiers des adolescents se fassent en fonction de l'argent. 'Je veux gagner beaucoup d'argent', sous-entendu 'pour m'acheter ce que je veux'. Ils associent ainsi travail, argent et bonheur. Ce qui est intéressant alors dans la décision de donner de l'argent de poche, c'est que cela va éviter aux parents de trop parler aux enfants d'argent et leur répéter en permanence 'c'est trop cher', 'on n'a pas d'argent' car dès leur plus jeune âge, ils intègrent cette notion-là qui leur fait peur leur conférant une vision négative de la vie.
Les enfants recevant de l'argent de poche vont alors pouvoir gérer eux-mêmes leurs dépenses et décider si oui ou non, c'est trop cher. C'est aussi l'occasion de leur apprendre à faire des économies pour leur permettre, peut-être, d'acquérir quelque chose de plus onéreux qui leur fait envie. Que lorsque c'est cher, il faut attendre pour l'obtenir, trépigner, désirer, faire des choix car on ne peut pas tout acheter. On vit dans une société où les enfants ont tout, tout de suite, et ça les empêche de rêver, de convoiter quelque chose et de ressentir ensuite un réel plaisir en l'obtenant, d'autant que de manière générale, les enfants se désintéressent très vite des objets.
F.M : Oui, si les sommes sont petites et que l'enfant ne peut pas s'acheter tout dans l'immédiateté. Cela sera bénéfique également dans la mesure où les parents n'achètent pas déjà tout à leur enfant car le hic, c'est qu'aujourd'hui, on remplit tous les besoins matériels de nos enfants, voire même plus encore et en parallèle, on leur donne de l'argent de poche. Le mot-clé, c'est vraiment le 'désir' et l'attente de son accomplissement.
F.M : Si le parent fait le choix de donner de l'argent de poche, l'important, c'est de ne pas en varier le montant et sa régularité. Evidemment, lorsque l'enfant bascule dans une nouvelle tranche d'âge, le montant peut augmenter, mais il ne faut pas le changer régulièrement, d'un mois sur l'autre.
La somme allouée dépend bien sûr de l'envie et des revenus des parents. Dans tous les cas, il ne faut pas donner trop. C'est d'ailleurs parfois ce qui se produit dans les familles moins aisées. Elles s'inscrivent plus volontiers dans un désir immédiat, et veulent faire plaisir à leurs enfants en essayant de combler ce que eux n'ont pas. Le problème, c'est qu'après, les enfants n'ont pas la notion de l'argent, ils possèdent des choses de marques, des jeux vidéo onéreux... et adoptent un train de vie plutôt confortable jusqu'à leur majorité puis, lorsqu'ils décrochent un emploi, ils ne peuvent plus forcément se permettre d'assouvir tous leurs besoins ce qui engendre une grande déception.
De manière générale, disons qu'entre 4 et 6 ans, quand ils ne savent pas encore compter, on peut leur donner un petit sou symbolique. Ce sera juste pour qu'ils puissent s'acheter des bonbons et leur accorder le plaisir d'imiter les adultes et leurs transactions quotidiennes.
Une somme comprise entre 2 et 5 euros par mois suffira ensuite amplement pour les élèves de primaire.
A l'entrée au collège, on peut augmenter le montant à 10 euros par mois par exemple.