L'affaire Nicolas Hulot classée sans suite : faudrait-il allonger le délai de prescription ?

Publié le Lundi 12 Septembre 2022
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
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L'enquête pour viol et agression sexuelle sur mineure visant l'ex-ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot vient d'être classée sans suite ce 12 septembre. La raison : les faits présumés, datant de 1989 lorsque la victime avait 16 ans, sont prescrits.
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Sylvia avait 16 ans lorsqu'en 1989, elle aurait été violée et agressée sexuellement par Nicolas Hulot. A l'époque, elle participait à un concours organisé par l'émission Antipodes, le magazine de l'impossible, présentée par celui la star d'Ushuaïa.

Après un passage aux studios, celui-ci lui aurait proposé un déjeuner, puis l'aurait raccompagnée en voiture. Dans un parking, un peu plus tard, il l'aurait embrassée, puis baissé son pantalon et sorti son sexe, avant de lui forcer à lui faire une fellation. "Pour que ça s'arrête, je lui ai embrassé le bas du ventre (...) J'ai gardé le silence 22 ans car personne ne m'aurait crue. Je ne m'attaque pas à n'importe qui", racontait en 2021 Sylvia, dans un reportage d'Envoyé Spécial qui faisait état de quatre autres témoignages contre Nicolas Hulot.

"Ce classement sans suite ne fait pas disparaître les faits"

Ce lundi 12 septembre, la justice a classé l'enquête sans suite. Pour l'avocate de la plaignante, Me Maud Sobel, s'il fallait s'y attendre, il est surtout essentiel de comprendre d'où vient cette décision. "Ce classement sans suite ne fait pas disparaître les faits clairement décrits par Sylvia qui avait 16 ans en 1989 : il intervient pour des raisons de prescription dont ma cliente était parfaitement consciente", rappelle-t-elle.

Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti avait par ailleurs demandé, dans une circulaire de 2021, qu'à l'issue des enquêtes préliminaires, le classement pour cause de "prescription" survienne "uniquement (...) lorsque les faits révélés ou dénoncés dans la procédure constituent bien une infraction, mais que le délai fixé par la loi pour les juger est dépassé", souligne l'AFP.

"Si le parquet avait estimé que les accusations de la jeune femme ne tenaient pas, il aurait classé pour cause 'd'absence d'infraction' ou 'pour infraction insuffisamment caractérisée'", traduit à son tour le grand reporter Vincent Vantighem.

Faut-il rendre les crimes sexuels sur mineurs imprescriptibles ?

L'affaire fait écho à un combat que mènent plusieurs associations : celui de rendre imprescriptibles les crimes sexuels sur mineurs. Avec la loi actuelle, la prescription intervient 30 ans après que la victime a atteint sa majorité. Le gouvernement a toutefois refusé cette option, préférant une "prescription glissante", souligne La Dépêche. "Au deuxième crime commis sur un mineur par un même auteur, le délai de prescription du premier est interrompu et tous les crimes pourront ainsi être jugés", a expliqué l'exécutif.

Pour Suzy Rojtman, du Collectif national pour les droits des femmes, qui évoquait au journal son incompréhension quant à l'application de l'imprescriptibilité seulement en cas de récidives, "on sent la gêne du gouvernement" à ce sujet. Isabelle Aubry, la présidente de Face à l'inceste, estimait quant à elle que si la prescription glissante "est un plus", "l'imprescriptibilité aurait été préférable" car elle peut être vue comme un "outil de prévention" qui empêcherait de faire d'autres victimes.

Et dans le cas de Nicolas Hulot, de laisser libres des agresseurs présumés sous prétexte que leurs actes remontent à trop loin. L'ancien ministre, 67 ans, continuera donc sa petite vie paisible dans la commune de Saint-Lunaire, en Ille-et-Vilaine.

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