"La consultation à 50 euros n'est pas l'unique moyen de revaloriser la profession médicale"

Publié le Lundi 16 Janvier 2023
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Si les jeunes médecins généralistes de ReAGJIR (syndicat représentatif des jeunes généralistes) partagent le ras-le-bol de la profession face au cruel manque de moyens en santé et à la dégradation de la situation, ils ne soutiennent pas le passage de la consultation à 50 euros. Voici leur tribune.
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Face à la forte dégradation de l'accès aux soins et de leurs conditions de travail, nombre de médecins sont en grève ou dans la rue. Cette situation n'est pas nouvelle : les syndicats et les professionnels avaient depuis longtemps déjà tiré la sonnette d'alarme, et la situation n'a fait que s'aggraver. L'hôpital comme la médecine de ville sont à bout de souffle aujourd'hui et, alors que les professionnels de santé ont tenu et géré la crise Covid dans de mauvaises conditions, ils sont pointés du doigt par certains élus, qui leur reprochent de ne pas vouloir s'installer dans des territoires désertés.

Si le ras-le-bol est partagé par l'ensemble de la profession, les moyens d'action sont variés et la question qui doit être posée est : comment revaloriser la profession médicale ? Comment rendre le métier à nouveau attractif ?

Médecins généralistes jeunes installés ou remplaçants, nous partageons de nombreux constats avec nos confrères : pénibilité de l'exercice notamment à cause d'un abus de demandes administratives contre lesquelles nous luttons, difficultés d'adapter nos locaux et notre personnel à une activité qui ne cesse de se complexifier faute d'espace et d'une rémunération adéquate, inquiétude pour l'attractivité de notre métier qui ne cesse de baisser, inquiétude quant aux mesures coercitives prônées par des élus alors que la santé et le soin n'ont pas bénéficié de l'investissement et des moyens nécessaires depuis des décennies.

"Il n'y en a pas qu'une solution pour améliorer l'accès aux soins"

Nous pensons que l'attractivité de notre profession de médecin généraliste passe avant tout par l'amélioration des conditions de travail. Diminution des charges administratives en supprimant les certificats inutiles, mise en place d'un procédé auto-déclaratif pour les patients pour les arrêts de travail de courte durée, ou encore informatisation des Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH, pour un accès unifié aux droits et prestations prévus pour les personnes handicapées) et des services dédiés à la personne âgée sont autant de moyens pour faciliter l'exercice médical. Il faut aussi insister sur le besoin de revalorisation de la psychiatrie, la pédopsychiatrie et l'ensemble des services dont les patients ont besoin au quotidien.

Quant à la forme de l'exercice, que l'on soit médecin libéral, salarié ou en activité mixte, nous pensons qu'il n'y a pas une forme à privilégier. Pour nous, le salariat n'est pas "la" solution car il n'y en a pas qu'une pour améliorer l'accès aux soins de la population. Nous réfléchissons et devons continuer à réfléchir ensemble, de concert, à l'amélioration de nos conditions de travail et à maintenir la possibilité de s'engager de façon épanouie dans l'exercice qui nous correspond le mieux : exclusivement libéral, mixte ou salarié. Il faut aussi défendre l'exercice des médecins remplaçants, si précieux aux médecins installés pour pouvoir leur donner du temps pour se former, prendre des congés ou pallier une absence tout en assurant une continuité des soins pour les patients.

Comment revalosirser la profession de médecin généraliste ?
Comment revalosirser la profession de médecin généraliste ?

Si nous pensons, comme l'ensemble des généralistes, qu'une revalorisation de notre profession est nécessaire et incontournable, nous ne pensons pas en revanche que l'acte soit l'unique moyen. Plutôt qu'un doublement de la consultation de base à 50 euros, nous prônons une revalorisation de celle-ci indexée sur l'inflation, associé à la création d'un ou deux niveaux supplémentaires de consultations complexes lorsque nous prenons davantage de temps pour un patient à cause par exemple d'un burn-out, d'un syndrome dépressif, d'un problème lié au travail, parce qu'il s'agit d'un nouveau patient, parce que nous sommes obligés de l'adresser vers un ou plusieurs spécialistes et de prendre le temps de refaire le point sur le dossier...

Mais la rémunération des médecins n'étant pas limitée au paiement à l'acte, nous pensons qu'il est aussi important de revaloriser le forfait patientèle médecin traitant (un forfait annuel versé au médecin pour le suivi de patients dont il est le médecin traitant), celui-ci valorisant notamment tout le temps passé à s'occuper des patients qu'il suit, y compris en dehors des temps de consultation.

Il est nécessaire à nos yeux d'exercer en équipe, de travailler en étroite coopération avec les autres professionnels de santé d'un territoire, de concert autour des patients pour leur assurer la meilleure prise en soins possible. En ce moment il est également question de l'accès direct à certains professionnels (infirmiers en pratique avancée, kinésithérapeute, orthophoniste) : nous sommes très attentifs à ce sujet car, pour nous, l'urgence à améliorer l'accès aux soins ne doit pas justifier la dérégulation du parcours de soin. La concertation entre professionnels est indispensable pour déterminer, au sein d'une équipe, les actes médicaux pouvant être délégués et ainsi formaliser un parcours de soin cohérent et adapté pour les patients.

Les généralistes partagent un sentiment de colère et de dépit sur l'ensemble du territoire. Les conditions de travail sont de plus en plus dégradées alors que la population vieillit et est souvent atteinte de plusieurs pathologies associées, majorant les besoins de santé. Il est donc urgent d'agir à court, moyen et long terme pour revaloriser la profession de médecin généraliste et la rendre à nouveau attractive.