"Des filles souffrent en silence" : la handballeuse Estelle Nze Minko dénonce le tabou des règles

Publié le Jeudi 20 Octobre 2022
Maïlis Rey-Bethbeder
Par Maïlis Rey-Bethbeder Rédactrice
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Estelle Nze Minko, la capitaine de l'équipe de France de handball, monte au créneau pour dénoncer le tabou des règles dans le milieu sportif. Dans un entretien au "Monde", elle déplore l'inaction des clubs sur ce sujet.
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C'est un sujet qui lui tient à coeur. En 2020, la handballeuse Estelle Nze Minko, demi-centre du club hongrois de Györ, signait une tribune sur le site de l'association Règles élémentaires pour pointer du doigt le tabou des menstruations dans le milieu sportif. Dans un entretien au Monde, publié ce jeudi 20 octobre, la sportive de 31 ans revient sur cet engagement.

C'est une remarque d'un membre de son club de handball en 2019, qui a déclenché sa réflexion sur le sujet, raconte Estelle Nze Minko. La jeune femme évoluait alors dans le club de Siofok, en Hongrie. "Un jour, le préparateur physique du club m'a demandé de le prévenir de mes dates de menstruation afin d'adapter ses séances de musculation. A l'époque, j'avais trouvé ça déplacé, intrusif", se souvient-elle. Elle réalise que si une telle demande lui semble aussi incongrue, c'est parce que personne d'autre n'a pris soin de lui poser cette question avant.

"J'ai alors compris à quel point c'était un tabou dans le sport de haut niveau", confie-t-elle au Monde.

Elle écrit donc une tribune en 2020. "Mon appel a provoqué une prise de conscience. J'ai reçu beaucoup de messages, très positifs pour la plupart. De jeunes entraîneurs masculins m'ont même remerciée d'avoir attiré leur attention sur un problème qui leur avait échappé", se rappelle la joueuse.

"Beaucoup de filles souffrent en silence"

De nombreuses joueuses souffrent en silence
De nombreuses joueuses souffrent en silence

Mais dans les faits "rien n'a bougé", résume celle qui vient d'être nommée capitaine de l'équipe de France de hand.

Selon elle, en Hongrie comme en France, aucun dispositif particulier n'a été mis en place pour le moment dans son sport. Elles propose plusieurs mesures concrètes. "On pourrait, par exemple, prévoir des séances d'échauffement plus progressives ou des entraînements moins intenses pour les filles qui ont leurs règles. On pourrait aussi prendre en compte les dates des règles dans la mesure des performances", suggère-t-elle. Le fait de réaliser des études sur le sujet, afin de quantifier l'impact des menstruations sur la pratique du sport, est aussi primordial pour la joueuse de haut niveau.

Selon Estelle Nze Minko, "les entraîneurs et la fédération [...] sont décisionnaires", même si elle estime que les joueuses peuvent agir à leur niveau. "La balle est dans notre camp. C'est aux joueuses de prendre des initiatives pour faire bouger les choses", encourage-t-elle.

Et pour lever en tabou, il faut déjà en parler. Malheureusement, "la plupart des filles qui n'ont pas eu de blessures ou de problèmes psychologiques liés aux règles n'en parlent pas. Beaucoup de filles souffrent en silence."

Nonobstant, les choses semblent évoluer ces derniers temps : ainsi, lors de la Coupe du monde de rugby féminin, qui se déroule actuellement en Nouvelle-Zélande, plusieurs équipes ont décidé d'adapter leurs entraînements en fonction du cycle menstruel de leurs joueuses. Par ailleurs, de plus en plus de sportives, à l'instar de la joueuse de tennis chinoise Qinwen Zheng ou la footballeuse Wendie Renard, osent briser le tabou des règles dans le sport.

"La question des règles peut aussi être une porte d'entrée pour aborder d'autres sujets connexes dont on ne parle jamais, comme l'aménorrhée (absence de règles), l'endométriose ou les fuites urinaires. Au-delà du sport de haut niveau, c'est le bien-être des femmes qui est en jeu", rappelle Estelle Nze Minko.