Voilà pourquoi vous entendez peu de chanteuses sur les plateformes de streaming

Publié le Jeudi 29 Avril 2021
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Quand streaming musical rime avec sexisme. La faute aux algorithmes ?
Quand streaming musical rime avec sexisme. La faute aux algorithmes ?
Quand streaming rime avec sexisme. Un article du journal britannique "The Independent" nous en apprend plus sur la "logique" des algorithmes des applications de streaming musical. Et notamment, sur le pourquoi de l'omniprésence des voix masculines.
À lire aussi

Moins d'artistes féminines écoutées, mais également moins d'artistes féminines en suggestions... C'est un triste constat que tire une nouvelle enquête du quotidien britannique The Independent. En s'attardant sur la mécanique des applications de plateformes de streaming (Apple Music, Spotify, Deezer), le média s'est rendu compte que leur fonctionnement ne valorisait pas vraiment l'égalité des sexes. C'est même le contraire.

Ainsi, la suggestion d'artistes faite aux auditeurs et auditrices (mise en place selon vos écoutes récurrentes d'albums) laisserait généralement entrevoir une sous-représentation des femmes. Curieux, alors qu'aucun genre musical n'est exclusivement masculin. Selon une étude scientifique de l'université barcelonaise Pompeu Fabra sur laquelle s'appuie The Independent, la première chanson recommandée par l'algorithme, mais aussi les six suivantes, seraient systématiquement l'oeuvre d'un artiste masculin. Des algos pas très féministes donc.

Tant et si bien que selon le média britannique toujours, ces seuls algorithmes "augmenteraient les inégalités de genre" au sein d'une industrie musicale déjà problématique. Mais comment l'expliquer au juste ?

"Il est difficile d'être entendue"

Par un phénomène de "boucle", détaille l'étude. Effectivement, l'écoute des recommandations (masculines) par les auditeurs et auditrices encouragerait une mise en avant perpétuelle desdites recommandations, par un phénomène dit de "boucle de rétroaction" - négatif, pour le coup. Il ne faut pas non plus négliger l'influence de l'historique des utilisateurs et utilisatrices : si celui-ci se compose en majorité d'artistes masculins, ce sont des artistes masculins qui seront en majorité recommandés. Comme une sorte de bulle filtrante et excluante.

Mais les chercheurs ne sont pas les seuls à l'avoir remarqué. Cela fait des années que le sexisme des algorithmes des plateformes de streaming musical fait débat. L'an dernier encore, relate le média spécialisé Jack, la chanteuse pop Rosalia le déplorait : "J'ai constaté que lorsqu'une femme participe à un morceau avec des hommes, même si elle a le plus de temps dans cette chanson, son nom se retrouve généralement à la deuxième ou troisième place. Cela fait que l'algorithme ne le prend pas en compte, et il est plus difficile pour elle d'être entendue par de nouveaux auditeurs". En somme, le masculin l'emporterait automatiquement sur le féminin.

Un système insidieux qui explique en partie pourquoi il y a deux ans de cela, seulement un cinquième des artistes les plus écoutés sur Spotify étaient des femmes, poursuit le média digital. Mais comment défaire ce mécanisme ? En tant que programmateur, repenser le classement interne de ces recommandations permettrait de rétablir un certain équilibre. Privilégier les playlists, et notamment les playlists mettant en avant des artistes féminines, serait également une bonne idée - ces playlists, valorisées, sont centrales sur des plateformes comme Spotify.

De quoi bousculer quelque peu les algorithmes. Ou, comme le suggère le titre de l'étude : briser la boucle.