" - Qu'est-ce qui vous manque de votre pays ? - Tout".
Impossible de rester de marbre face à cette séquence radiophonique matinale. Sur les ondes de France Inter, le cinéaste iranien en exil Mohammad Rasoulof a échangé avec Sonia Devillers. Venu présenter son nouveau film de près de trois heures, Les graines du figuier sauvage, chronique profondément politique à voir en salles le 18 septembre, le metteur en scène n'a pas caché son émotion.
"Le monde a beaucoup changé. Tout me manque dans mon pays", a avoué le réalisateur. Avant de porter la main sur son visage, les larmes aux yeux. Il faut dire qu'auréolé de son Prix au dernier Festival de Cannes, ce grand défenseur de la révolte féministe de ses concitoyennes est bouleversé quand il aborde la situation actuelle de l'Iran...
Et on comprend tout à fait pourquoi. Il développe...
Mohammad Rasoulof est ému et c'est bien normal : Les graines du figuier sauvage est son premier film depuis son arrestation à l’été 2022.
"C'est en prison que j'ai réfléchi en me disant que je devais choisir entre un statut de victime, de cinéaste victime, et m'y plier. Et je me suis rendu compte que ça ne me convenait pas. Car je déteste être une victime. Donc j'ai décidé que si les conditions se présentaient, il fallait que je quitte l'Iran pour pouvoir continuer de travailler. J'ai encore beaucoup d'histoires à raconter et qui me tiennent à cœur", témoigne le cinéaste.
“Plus que tout, ça a été pour moi la prison, une occasion de réfléchir à la vie”, raconte-t-il sur France Inter. "En prison, il n'y a pas de contact avec l'extérieur. Mais en sortant de prison, j'étais complètement abasourdie. Il m'a fallu aller à la rencontre des jeunes filles iraniennes pour savoir ce qui se passait dans leurs têtes. Et ma réaction, ça a été la réalisation de ce film".
Les graines..., relate effectivement l'histoire de soeurs étudiantes soutenant le mouvement féministe Femme, Vie, Liberté. Elles vont entrer en conflit avec leur père, juge d'instruction, lorsque celui-ci va perdre la trace de son arme de service... Avec cette œuvre, Rasoulof se réfère de manière évidente à la mort suspecte de Mahsa Amini, 22 ans, disparue en 2022 suite à son arrestation par la police des moeurs iranienne. Un événement qui avait engendré une grande mobilisation, dans les rues et sur les réseaux sociaux, émanant du peuple iranien.
Equipe technique restreinte, crainte permanente d'une intervention des autorités, difficulté à constituer un casting... Ce film ne s'est pas fait sans mal. On attend forcément de ce long-métrage une intensité qui caractérise bien le cinéma iranien, riche en portraits complexes et en éloquence. Un cinéma qui marche à la survie. Les graines du figuier sauvage bénéficie qui plus est de la force de ses jeunes comédiennes principales, Soheila Golestan et Missagh Zareh.