Women's March : "Il y a clairement un ras-le-bol des femmes"

Publié le Vendredi 18 Janvier 2019
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
Manifestantes lors de la Women's March à Paris en janvier 2017
Manifestantes lors de la Women's March à Paris en janvier 2017
Pour la troisième année consécutive, les femmes descendront dans la rue ce week-end à l'occasion de la Women's March. Deux rassemblements sont prévus en France, ces samedi 19 janvier à Montpellier et dimanche 20 janvier à Paris.
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Il y a deux ans, des centaines de milliers de femmes déferlaient dans les rues de Washington quelques jours après la l'inauguration de Donald Trump. Une marche exceptionnelle et massive pour promouvoir les droits des femmes, la réforme de l'immigration ou encore défendre les droits LGBTI. Un signal d'alerte nécessaire tant ces droits sont systématiquement fragilisés et menacés par l'administration Trump.

Depuis cette première mobilisation historique du 21 janvier 2017, ce rendez-vous annuel s'est institutionnalisé et globalisé (408 marches aux États-Unis et 168 partout dans le monde). Mais pour cette troisième édition, l'organisation de la marche américaine a été entachée par plusieurs polémiques. Des soupçons d'antisémitisme ont surgi dans les colonnes du New York Times, nourris par le refus de la co-présidente de l'organisation, Tamika Mallory, de prendre ses distances avec les déclarations antisémites du leader de l'organisation politico-religieuse Nation of Islam, Louis Farrakhan.

Si la cohésion du mouvement semble se fissurer outre-Atlantique (on attend tout de même un demi-million de personnes dans une centaine de villes américaines ce samedi 19 janvier), les "antennes soeurs" de la Women's March Global restent soudées et comptent bien créer une nouvelle déferlante féministe ce week-end.

Deux Women's March auront lieu à Montpellier le 19 et à Paris le 20 janvier. L'occasion de rappeler, quelques semaines après le succès de la marche #NousToutes du 24 novembre, que la lutte contre les violences sexistes et sexuelles continue. Eclairage de l'une des porte-paroles de la branche française de la Women's March, Honorine Boudzoumou.

Terrafemina : Quel est l'objectif de cette nouvelle Women's March ?

Honorine Boudzoumou : Elles sont toutes différentes car la Women's March s'adapte à chaque pays et à chaque ville dans lesquels elle se déroule. En France, le thème de cette année sera la lutte contre les violences faites aux femmes.

Pourquoi avoir choisi ce "thème" en particulier ?

H.B. : Les violences ne sont pas simplement physiques, elles sont aussi psychologiques, verbales, quotidiennes. Elles sont diverses et atteignent tous les types de femmes, qu'elles soient âgées, dans la trentaine ou adolescentes. C'est un sujet qui est très peu médiatisé. Par exemple, la marche du 24 novembre a été complètement silenciée face au mouvement des Gilets jaunes. Les femmes sont toujours reléguées au second plan. Le fait que l'on soit silenciées est en soit une violence.

Pourquoi organiser cette nouvelle mobilisation après la marche #NousToutes du 24 novembre ?

H.B. : Nous nous sommes posées la question cette année : on ne voulait pas qu'il y ait un sentiment de répétition. Mais la Women's March existe depuis trois ans, c'est un mouvement qui est historique, qui a profondément marqué l'Amérique de Trump, étant une réaction à son début de mandat, mais aussi le monde entier car cela a été une façon pour les femmes à travers le monde de dire "Non" aux violences patriarcales.

Finalement, la Women's March est une très bonne chose car la marche #NousToutes a réuni 50 000 personnes dans toute la France. Il y clairement un ras-le-bol des femmes. Les deux événements sont complémentaires, ces mobilisations sont toujours nécessaires. Il faut continuer les actions.

Pourquoi n'y a-t-il pas de convergence avec la marche de riposte du collectif féministe Witch Bloc contre la marche anti-avortement de ce dimanche à Paris ?

H.B. : Lorsque nous avons commencé à organiser l'événement il y a longtemps, nous ne savions pas du tout qu'il y allait avoir cette manifestation du Witch Bloc. Nous l'avons appris très tardivement, nous sommes en contact avec elles et on les soutient pleinement dans leur action et leurs valeurs. C'est bien qu'il y ait deux actions différentes.

Plus de 2000 personnes rassemblées à Paris pour la Women's March en 2017
Plus de 2000 personnes rassemblées à Paris pour la Women's March en 2017

La France apparaît à la traîne au regard de la mobilisation très importante post-#MeToo aux Etats-Unis. Comment faire davantage faire bouger les choses ?

H.B. : Les choses sont en train de changer tout doucement. Les #MeToo ont toujours été là et ont toujours parlé mais on ne tendait pas l'oreille. Pas besoin de parler plus fort, il faut juste être plus attentif à ce qu'elles vont dire. Il faut que la société soit plus à l'écoute des femmes et d'agir. C'est ce qu'elles demandent très longtemps. La parole est déjà là, elle est libérée et le sera encore plus si on l'écoute attentivement.

Que reste-t-il à changer ?

H.B. : Il y a tant de choses ! Mais je pense surtout aux femmes les plus silenciées et invisibilisées. Donc les femmes issues des minorités, les femmes non-valides. On ne donne pas non plus assez la parole aux jeunes femmes, dont on n'entend pas assez les expériences. Il faut mettre en avant les femmes-là. Si on commence par ça, ça sera déjà bien.

Combien de personnes attendez-vous pour cette nouvelle Women's March française ?

Ça va être une grosse surprise. La Women's March Paris a beaucoup évolué. Au tout début, elle était centrée autour des expatriées américaines. Depuis, nous avons tenté de la rendre plus locale, plus intersectionnelle et plus inclusive.



Le rassemblement de la Women's March est prévu à Paris dimanche 20 janvier à 14h devant le Palais Royal et à 13h le samedi 19 janvier à Montpellier.