Oscars et César : le jeu des 5 différences

Publié le Vendredi 28 Février 2014
Oscars et César : le jeu des 5 différences
Oscars et César : le jeu des 5 différences
Ce soir, au théâtre du Châtelet à Paris, puis dimanche 22 février, au Dolby Theatre à Los Angeles, une fois de plus, César et Oscars se succèdent. Les deux grandes cérémonies du cinéma dans un énième face à face, l’occasion idoine de se prêter au jeu – un brin sadique – des comparaisons.
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« Je pense que les César sont aussi sexy que les Oscars. » Belle manière de porter sur les fonts baptismaux la première édition française de la grand-messe française du 7e art. Certes, cette phrase, prononcée le 3 avril 1976, par une Diana Ross honorée par la toute jeune académie était de circonstance. La dame était polie et surtout reconnaissante de recevoir en France un hommage qu’on lui refusait dans son pays. Pour autant, ce compliment a-t-il une quelconque pertinence ? S’est-il irrémédiablement infirmé au fil du temps ? Hollywood a-t-il autant de swag que ça ? Tentative de réponse en cinq points.

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Jean-Jacques Aillagon plutôt que Georges W. Bush

Si les Oscars ne sont pas insensibles à la controverse, la cérémonie a peu de goût pour le discours politique. Question de priorités, de culture comme de… timing. Et oui, un speech pour l’heureux détenteur d’une statuette, c’est 45 secondes en tout et pour tout. Après le temps imparti, l’orchestre est censé envoyer la musique, à l’instar des musiciens de saloon qui couvriraient une bagarre trop bruyante. Et quand ce ne sont pas les trompettes et autres cymbales, c’est l’auditoire qui se charge de mettre au pas le séditieux qui aurait l’impudence de transformer ce beau moment d’entre-soi en tribune politique. On pense notamment à la statuette déclinée pat Marlon Brando en 1973 pour Le Parrain. Ce soir-là, en lieu et place de l’acteur, une militante amérindienne, vêtue d’un habit traditionnel monte sur scène, afin de dénoncer, avec calme et dignité, « le traitement des Amérindiens par l’industrie du cinéma ». Si des applaudissements se font entendre, les cris de réprobations aussi au point que cette dernière se sente obligée de s’excuser. Trente ans plus tard, l’agacement de la salle sera bien plus bruyante et agressive à l’adresse d’un Michael Moore venu chercher sa récompense pour Bowling for Columbine et pas vraiment fan des escapades militaires de George W. Bush en Irak.
De l’autre côté de l’Atlantique, en revanche, le happening militant en plein direct, ou du moins la petite phrase pleine de sous-entendus politiques, est mieux accueilli. Et presque attendu pour pimenter un peu ces cérémonies trop académiques. A ce jeu-là, mention spéciale du jury, pour la réalisatrice Pascal Ferran et son plaidoyer pour le cinéma d’auteur en 2007, Isabelle Adjani qui lit un extrait des Versets sataniques de Salman Rushdie en 1989 ou Agnès Jaoui en 2004, sa défense farouche du régime des intermittents et ses critiques acerbes envers le ministre de la Culture de l’époque, l’infortuné Jean-Jacques Aillagon…



Quand Marion Cotillard passe du côté obscur de la force…

Depuis 2002, les Oscars ont lieu au Dolby Theatre (anciennement Kodak Theatre) conçu spécialement pour la cérémonie et situé sur le légendaire Hollywood Boulevard à Los Angeles. C’est devant ce hall flanqué de colonnes - légèrement kitsch il faut bien le dire - qu’est déroulé chaque année l’interminable tapis rouge sur lequel les acteurs les plus célèbres du monde prennent la pose pendant de longues minutes sous le soleil californien. Autrement plus classe que le Théâtre du Châtelet et son entrée riquiqui devant laquelle se pressent nos acteurs français à peine débarqués de leurs voitures - et oui, on est en France, et fin février, généralement, il pleut.
Mais si les Oscars en mettent plein la vue aux César du point de vue du décor, en revanche, les actrices françaises écrasent leurs consoeurs américaines question robes. Traînes à rallonge, couleurs tarte, froufrous, les Ricaines n’hésitent pas à mettre le paquet. Même notre Marion Cotillard nationale n’a pas résisté à cette tendance, passant du côté obscur avec sa robe blanche aux motifs écailles de poisson aux Oscars en 2008, l’année de La Môme. On en a encore mal aux yeux.

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Don’t fuck with Harvey Weinstein !

Si les lauréats des César peuvent s’épancher pendant de longues - et parfois douloureuses - minutes au micro, les discours de remerciements aux Oscars sont ultra-calibrés. Pas question d’énumérer des noms inconnus au bataillon pendant trois plombes sur scène. Chaque gagnant dispose donc des fameuses 45 secondes pour remercier tout le monde, hamster compris. Et attention à ne pas oublier les pontes d’Hollywood, comme Jennifer Lawrence, qui, sous le coup de l’émotion, négligea en 2013 de remercier David O. Russell et Harvey Weinstein, respectivement réalisateur et producteur de son film Happiness Therapy. Dès le lendemain, la jeune actrice tentait de rattraper sa bévue auprès du magazine Entertainment Weekly. Aux Oscars, mieux vaut zapper sa femme que son producteur ou son agent. Business is business.


L’humour juif, façon Ted

Ah, l’humour, sacré défi dans un cadre aussi académique. Amuser la galerie, faire s’esclaffer les « professionnels de la profession » tout en distrayant des millions de téléspectateurs avides de sensations fortes et pourtant, persuadés qu’ils vont s’ennuyer ferme. Il faut dire que ces cérémonies d’autocélébration sont, par essence, rébarbatives. Raison pour laquelle le grand frère américain fit appel, dès les années 1940, à des acteurs dits comiques pour officier en tant que maître de cérémonie.
Copie conforme assumée depuis sa création en 1976, les César ont pourtant mis bien plus de temps à se dérider. Le 7e art, du côté de chez nous, c’est du sérieux, messieurs ! Enfin moins maintenant… Passée la période des Pierre Tchernia, Michel Drucker et Eve Ruggieri, et sous l’impulsion enthousiaste des Valérie Lemercier, Antoine De Caunes, Edouard Baer ou Alain Chabat, l’événement a pris enfin le parti pris d’en rire. Avec, il est vrai, un tantinet moins de réussite. A l’instar du rap, la comparaison est même parfois cruelle. « Aux Oscars, ils s'autorisent des vannes qu'on ne fait pas », se justifiait ainsi récemment Renaud Le Van Kim, producteur de la cérémonie, dans les colonnes de Telerama. Et de revoir à plaisir le sketch de Ted et Mark Wahlberg aux derniers Oscars où l’ado attardé en peluche provoque l’hilarité de l’assemblée en évoquant l’influence des juifs à Hollywood et les bacchanales d’après cérémonie dans la maison de Jack Nicholson… Là dessus, difficile de leur renvoyer la pareille.


Les Oscars, c’est mieux et pis, c’est tout

On aura beau chercher, les César resteront toujours un mauvais remake des Oscars. Trop sérieux, trop nombrilistes, trop petits... La grand-messe du cinéma français a des airs de réunion guindée entre VIP comparée à l’original hollywoodien. Peut-être cette impression a-t-elle à voir avec le côté incestueux du cinéma français - faut-il rappeler que, l’an dernier, dans la catégorie du meilleur espoir féminin, trois des actrices nominées sur cinq étaient des filles de…
Et puis, c’est tout simplement culturel. Le cinéma français aime tant se prendre la tête. Pour preuve, cette incapacité notoire à récompenser des films fédérateurs - autrement dit des succès commerciaux. Du côté de Hollywood Boulevard, en revanche, on n’oublie jamais que le cinéma est avant tout un divertissement. Et que les Oscars, tout sérieux qu’ils soient, doivent vendre du rêve… américain.


Ariane Hermelin et Vincent Berthe