Transsexualité : changer de sexe, mais à quel prix ?

Publié le Mercredi 14 Novembre 2012
Transsexualité : changer de sexe, mais à quel prix ?
Transsexualité : changer de sexe, mais à quel prix ?
Fille ou garçon ? Homme ou femme ? Notre identité sexuelle nous définit dès la naissance et tout au long de notre vie. Mais pour certains, persuadés d'être nés dans le mauvais corps, répondre à ces questions n'est pas simple. Longtemps ignorée, la transsexualité n'est plus taboue dans les médias. M6 s'en empare d'ailleurs ce mercredi soir en diffusant, à 22h30, le documentaire « Changer de sexe à tout prix ». Terrafemina s'est également penché sur le sujet. Éclairage.
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Entre 40 000 et 60 000, c’est le nombre de transsexuels que compterait la France. Un chiffre très approximatif, communiqué par les associations, car aucune donnée officielle n’existe sur le sujet. Ces dernières estiment par ailleurs que deux tiers des transsexuels le seraient dans le sens « garçon vers fille » (on parle alors de « MtoF », male to female en opposition à « FtoM » pour « female to male ». Mais qu’elles soient MtoF ou FtoM, ces personnes sont toutes persuadées, parfois depuis leur plus tendre enfance, d’être nées dans le mauvais corps.

Très taboue, la transsexualité a ainsi longtemps été considérée comme une maladie mentale. Pour l’Organisation mondiale de la santé, c’est toujours le cas. Mais depuis un décret paru en mars 2010, à l’initiative de l’ancienne ministre de la Santé Roselyne Bachelot, le transsexualisme est, en  France,  une affection de longue durée prise en charge par la Sécurité sociale.

De l’hormonothérapie à la chirurgie

Ils sont nombreux les traitements et les interventions auxquels doivent se soumettre les transsexuels pour avoir le sentiment de vivre dans le bon corps. « Selon que l’on parle d’une transformation MtoF ou FtoM, l’hormonothérapie diffère, explique Edwige Julliard, présidente et cofondatrice de l’association ORTrans (Objectif Respect Trans). Il s’agit d’un traitement hormonal à base d’œstrogènes et d’anti-androgènes pour les premiers, de testostérone pour les seconds. »

De plus, afin de faire disparaître leurs attributs masculins, il est courant que des MtoF, aient recours à la chirurgie pour se faire réduire la pomme d’Adam, affiner le visage ou implanter des seins (mammoplastie). « Dans les deux sens, il peut également y avoir de la rééducation des cordes vocales ou encore, s’agissant des FtoM, une mastectomie (ablation des seins) », détaille Edwige Julliard. Pour certains, ces changements apparents suffiront, mais d’autres auront besoin d’aller jusqu’à la chirurgie génitale (phalloplastie ou vaginoplastie). Autant d’interventions qui nécessitent du temps. « La période de transition, comme on l’appelle, peut ainsi s’étaler sur cinq à sept ans, voire dix à quinze ans ».

« Dans le domaine de l’emploi, les transsexuels sont souvent stigmatisés »

À ces opérations plus ou moins lourdes, s’ajoute l’aspect administratif de la transsexualité et plus particulièrement le changement, strictement réglementé, d’état civil. La rectification de l’état civil, avec mention du nouveau sexe et du prénom choisi n’est autorisé qu’après le changement médical. Là encore, il s’agit d’une procédure longue exigeant, de surcroît, la présence d’un avocat. « Dans les meilleurs des cas, l’audience est planifiée dans les six mois mais il faut bien souvent attendre plus d’un an ; sachant que le juge peut demander des expertises, rallongeant ainsi la procédure. Il arrive également que la demande soit purement et simplement rejetée », précise Edwige Julliard.  

Si la longueur de cette étape judiciaire n’est pas un frein à une activité sociale et professionnelle, elle est toutefois source de complications. « Il y a souvent un décalage entre la fonction sociale et identitaire », témoigne la présidente d’ORTrans. Et d’ajouter : « Dans le domaine de l’emploi, les transsexuels sont souvent stigmatisés, rejetés par leurs collègues ou mis au placard par leur hiérarchie. Il y a parfois un déni de la personne en s’obstinant à l’appeler par son prénom de naissance plutôt que par celui qu’elle s’est choisie, et un harcèlement moral pouvant conduire à la démission. »

Changer de sexe à tout prix

Des difficultés et une réalité qui sera mise en lumière ce mercredi soir, dans le documentaire « Changer de sexe à tout prix », diffusé à partir de 22h30 sur M6. Qu’est-ce qu’être un transsexuel de nos jours, en France ? Comment vivent-ils au quotidien ? Comment passent-ils d’homme à femme, ou à l’inverse, de femme à homme ? Pour répondre à ces questions, la réalisatrice Hélène Mourot et ses équipes ont suivi pendant près d’un an le quotidien de cinq personnalités, filmant pas à pas les différentes étapes de leur transition jusqu’à leur passage définitif dans le sexe opposé.

Nul doute que ce documentaire trouvera un public mais quelle sera la motivation de ces téléspectateurs : curiosité, voyeurisme ou réel intérêt ? Car comme le regrette Edwige Julliard, le traitement médiatique de la transsexualité a longtemps davantage versé dans le sensationnalisme que dans l’informatif. « Les médias ont souvent eu tendance à lier transsexualité, prostitution et perversion, véhiculant une image erronée et stéréotypée des transsexuels, comme si tous se prostituaient », déplore la fondatrice d’ORTrans, qui affirme que « si certains le font pour subvenir à leurs besoins, il ne faut pas pour autant en faire une généralité ».

Malgré tout, Edwige félicite la réalisation d’un tel documentaire et plus encore sa diffusion sur une grande chaîne nationale. « Ce type de programme peut aider à informer un public non-averti sur notre problématique et lever des tabous. En effet, aujourd’hui, les choses commencent à évoluer : les reportages sont de plus en plus respectueux de la personne. » Un premier pas vers la tolérance ?

Crédit photo : M6

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