Loi sur la prostitution : que pourrait changer la proposition de loi socialiste ?

Publié le Jeudi 28 Novembre 2013
Antoine Lagadec
Par Antoine Lagadec Journaliste
Loi sur la prostitution : que pourrait changer la proposition de loi socialiste ?
Loi sur la prostitution : que pourrait changer la proposition de loi socialiste ?
Dans cette photo : François Hollande
L'Assemblée nationale débute cette semaine les discussions autour de la proposition de loi visant à sanctionner les clients de prostituées, en leur infligeant une amende allant jusqu'à 1500 euros. Dans la société comme dans le monde politique, le texte suscite un vif débat. Que pourrait changer la proposition de loi ? Terrafemina revient sur les principaux articles du texte.
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Pénaliser le client pour lutter contre la prostitution. La proposition de loi, déposée le 10 octobre dernier par les députés Bruno Le Roux et Maud Olivier, sera discutée dans les heures qui viennent à l'Assemblée Nationale. Le texte, soutenu par la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, prévoit notamment d'instaurer une contravention sanctionnant le recours à la prostitution ainsi que l'abrogation du délit de racolage.

La proposition, dont Maud Olivier est le rapporteur, fait l'objet d'un débat passionné qui oppose partisans d'une lutte accrue contre le système prostitutionnel, et tenants d'une position plus nuancée, qui émet des doutes sur l'utilité de sanctionner les clients par une amende, et pointe le risque d'une précarisation des prostituées.

Prostitution : que dit la loi aujourd'hui ?

La loi aujourd'hui en vigueur est celle du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure. Ce texte punit le racolage de deux mois d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende. Est ainsi considéré comme du racolage « le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération ». Une situation floue touche désormais le racolage puisque, si le Sénat a abrogé cette loi en mars 2013, sous l'impulsion de la sénatrice EELV Esther Benbassa, elle n'a toujours pas été abolie par les députés.

Du côté des clients, la loi n'interdit pas les relation tarifées avec un(e) prostitué(e), à la condition toutefois que celles-ci se fassent hors du champ du proxénétisme et que le ou la prostitué(e) soit majeur(e). A l'inverse, toute relation tarifée avec un(e) prostitué(e) de moins de 18 ans est illégale et passible d'amende et de prison par le code pénal.


Ce que changera le texte de la proposition de loi

La proposition de loi qui va être discutée à l'Assemblée fait écho à l'un des engagements de François Hollande durant la campagne présidentielle de 2012. L'actuel chef d'Etat avait alors affirmé vouloir abroger le délit de racolage. Dès juin 2012, Najat Vallaud-Belkacem avait réaffirmé la volonté du gouvernement d'éradiquer la prostitution.


Parmi les nouvelles mesures de lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humain que prévoit ce texte, l'instauration d'une « contravention de cinquième classe sanctionnant le recours à la prostitution ». En clair, cette mesure phare punirait d'une amende allant jusqu'à 1500 euros le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations sexuelles d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération.

Si le débat se cristallise aujourd'hui autour de cette mesure, accusée de faire l'amalgame entre toutes les formes de prostitution et de précariser la situation des prostituées qui seront, selon les mots du Strass (Syndicat du travail sexuel), « obligées de se cacher », la proposition de loi va plus loin.

Elle affirme en effet l'abrogation du délit de racolage passif, créé par Nicolas Sarkozy en 2003 avec l'objectif de diminuer les troubles à l'ordre public, tout en permettant à la police, à l'occasion de la garde à vue des prostituées interpellées, de recueillir des informations sur les réseaux de proxénétisme. Là encore, la mesure suscite des débats passionnés. L'ancienne candidate PS à l'élection présidentielle Ségolène Royal est ainsi montée en première ligne sur cette question mardi 5 novembre. Hostile à la suppression d'un tel délit, elle avait affirmé craindre que l'adoption d'une telle mesure conduise les prostituées à « revenir dans les rues. Et qui va en profiter ? Les proxénètes ».

Sensibiliser les clients et réinsérer les prostituées

La proposition de loi portée par Maud Olivier prévoit enfin deux autres points notables. Elle plaide d'une part en faveur de la création d'une peine complémentaire : « un stage de sensibilisation aux conditions d'exercice de la prostitution » (qui n'est pas sans rappeler le stage de sensibilisation à la sécurité routière). D'autre part, le texte prévoit un plan de réinsertion pour les prostituées. Une initiative vivement critiquée par les détracteurs de la proposition de loi qui soulignent que la situation économique actuelle et le niveau de chômage ne permettent pas de garantir à ces femmes un projet professionnel viable. « Est-ce qu'on va trouver des emplois pour toutes ces personnes, et quels emplois, quelles formations? », s'est ainsi interrogée la sociologue Françoise Gil en septembre dernier.

Si le gouvernement veut faire passer ce texte, il devra d'abord tenter de concilier les parlementaires, très divisés sur la question de la prostitution, au-delà des clivages politiques. Selon un sondage CSA diffusé mercredi 27 novembre, seulement 32% des Français sont favorables à la condamnation des clients de prostituées.

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