PMA, GPA : l'épineux débat en cinq questions

Publié le Jeudi 21 Mars 2013
PMA, GPA : l'épineux débat en cinq questions
PMA, GPA : l'épineux débat en cinq questions
Elle s'est invitée à l'Assemblée nationale lors des débats concernant le mariage pour tous, mais c'est bel et bien dans le cadre du projet de loi sur la famille que l'épineuse question de la PMA sera abordée. Mais aujourd'hui, que dit la législation française concernant les techniques de procréation artificielle ? Éclairage.
À lire aussi


La loi sur le mariage pour tous à peine votée à l’Assemblée nationale, un nouveau sujet, au moins aussi épineux, divise les Français : l’élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de même sexe. Alors que la question devrait être abordée avant la fin 2013 dans le cadre du projet de loi sur la famille, la polémique de la circulaire Taubira (demandant aux magistrats de faciliter l’octroi de la nationalité française aux enfants nés d’une gestation pour autrui à l’étranger) a propulsé le problème du recours aux mères porteuses au centre des débats.

Que dit la loi aujourd’hui ?

Car en France, les techniques de PMA autorisées sont l’insémination artificielle, la fécondation in vitro ou l’accueil d’embryons. Celles-ci sont réservées aux couples hétérosexuels, confrontés à un problème d’infertilité médicalement constaté, à une incapacité à la procréation ou qui risqueraient de transmettre une maladie grave à l’enfant à naître.

Autre technique d’aide à la procréation, la gestation pour autrui (GPA). Elle est généralement pratiquée lorsqu’une femme ne peut enfanter en raison d'une absence ou d'une malformation de l'utérus. Une mère dite « porteuse » va donc accueillir un embryon issu d'une fécondation et mener la grossesse, donnant ainsi naissance à un enfant qui n'est pas génétiquement le sien. En France, cette pratique est interdite. « L’article 16-7 du Code civil stipule que "toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour autrui est nulle", explique Maître Virginie Ricaud-Murat, avocate spécialisée en droit de la famille. Cet article réaffirme l’interdiction que le corps fasse l’objet d’un marché, qu’il soit exploité dans un but lucratif. »

Des couples qui contournent la loi

Un encadrement strict qui pousse les Français, en mal d’enfants, à transgresser la loi. Chaque année, des femmes célibataires, homosexuelles ou ayant dépassé l’âge de prise en charge par la Sécurité sociale (46 ans) se rendent à l’étranger pour pouvoir procréer.

De même, plusieurs centaines de couples n’hésitent pas à traverser la frontière à la recherche d’une mère porteuse, s’exposant à une peine d’emprisonnement et à 15 000 euros d’amendes. Mais outre le délit pénal que constitue cette transgression, le retour en France réserve son lot de difficultés. En effet, dans la plupart des cas, la justice refuse la transcription à l’état civil de l’acte de naissance d’enfants nés de mères porteuses à l’étranger, faisant de ces derniers des « fantômes de la République ».

Pourquoi élargir l’accès à la PMA ?

L’éventuelle adoption du projet de loi sur le mariage pour tous redistribuera-t-elle les cartes ? « Dès lors que l’on donne aux couples homosexuels le droit de se marier, on ne peut décemment leur refuser la possibilité d’avoir un enfant », estime maître Ricaud-Murat. C’est d’ailleurs dans ce cadre que la PMA devrait être traitée dans le projet de loi sur la famille. Une bonne nouvelle pour Israël Nisand, gynécologue-obstétricien et professeur des Universités. « Ouvrir la PMA aux couples de lesbiennes nous honorerait », assure le leader d’opinion, jugeant qu’un pays ne peut pas, purement et simplement, refuser à toute une partie de la population la possibilité d’être parent. « Nous avons, en France, une position bioéthique qui n’est pas raisonnable. Cette culture du "tout-interdit" n’est plus acceptable. Sans être de ceux qui veulent tout autoriser, je penche davantage pour des décisions prises au cas par cas par une commission nationale de la parentalité », avance-t-il. Et d’ajouter : « Pour chaque demande, cette dernière prendrait en compte la situation familiale du couple et la légitimité de sa requête. » 

Valérie Sébag, docteur en droit et spécialiste de bioéthique, ne partage pas tout à fait ce point de vue. Comprenant le désir des couples de femmes de recourir à l’assistance médicale à la procréation pour concevoir, elle s’interroge toutefois sur l’intérêt de l’enfant. « Aujourd’hui, les enfants nés par dons de gamètes, et élevés par des couples hétérosexuels, souffrent », confie-t-elle, avant de nuancer : « Pas tous, bien sûr, mais certains ». La source de cette souffrance selon elle, l’anonymat qu’implique la PMA « qui, si elle est autorisée aux couples de lesbiennes, devra nécessairement être levé afin que l’enfant puisse avoir accès à ses origines biologiques».

La GPA, pour mettre gays et lesbiennes sur un pied d’égalité

Mais il est un point sur lequel tous se rejoignent : la nécessité de mettre gays et lesbiennes sur un pied d’égalité. « Si la PMA venait à être ouverte aux couples de lesbiennes, il faudra alors dans la foulée permettre aux couples d’hommes de devenir parents. Or, l’unique solution qui s’offre à eux est la gestation pour autrui », analyse Maître Ricaud-Murat. « Afin d’écarter toute discrimination, on ne peut pas ne pas ouvrir la GPA aux couples de gays après avoir élargi la PMA aux couples de lesbiennes », insiste Valérie Sébag.

Pour Israël Nisand, « une commission nationale de la parentalité aurait également la responsabilité de trancher sur le recours à une mère porteuse pour les couples d’hommes ». Partisan de la GPA, le professeur compare son interdiction en France à celle de la contraception et de l’avortement, il y a encore quelques années. « Nous vivons dans un état paternaliste et autoritaire. La France est coutumière du fait d’envoyer sa souffrance à l’étranger », déplore-t-il. « Cette interdiction dont les conséquences doivent être portées par les enfants est d’une hypocrisie sans nom », juge-t-il. D’autant que, comme le rappelle Virginie Ricaud-Murat « elle alimente un marché parallèle à l’étranger ». 

La procréation médicalement assistée en Europe

Car chez nos voisins européens, la législation concernant l’assistance médicale à la procréation est loin d’être harmonisée. S’il reste interdit en Espagne, au Danemark, au Portugal ou en Suède, le recours à une mère porteuse est autorisé en Belgique sans disposition légale particulière. La Grande-Bretagne et les Pays-Bas le tolèrent également, si la GPA n’est pas pratiquée à titre onéreux.

S’agissant de la PMA, elle est ouverte, en Allemagne, aux femmes mariées ou non, à condition qu’un médecin atteste qu’elles forment un couple stable avec un homme. De fait, elle est donc interdite aux lesbiennes et aux célibataires. La législation est toutefois plus souple en Belgique, la PMA étant ouverte aux femmes mariées ou célibataires, aux hétérosexuelles comme aux lesbiennes. C’est d’ailleurs le point de chute de nombreuses françaises cherchant à procréer, d’où l’appellation de « bébés Thalys ». « De même, en Espagne, la PMA est ouverte aux femmes indépendamment de leur état civil ou de leur orientation sexuelle. C’est la raison pour laquelle le pays est aussi plébiscité que la Belgique  dans ce cadre », conclut Virginie Ricaud-Murat.