Les "vols de foetus", ces crimes odieux qui traumatisent l'Amérique

Publié le Vendredi 18 Décembre 2020
Louise  Col
Par Louise Col Journaliste
Les "vols de foetus", ces crimes odieux qui effraient l'Amérique
Les "vols de foetus", ces crimes odieux qui effraient l'Amérique
Lisa Montgomery avait 36 ans au moment des faits, en 2004. Elle sera bientôt exécutée pour avoir éventré une mère et volé son foetus. Un crime "particulièrement odieux" qui n'est pas isolé. Depuis 1964, 21 "vols de foetus" ont ainsi été répertoriés, dont 18 depuis 2004.
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Tout avait été minutieusement prémédité. En 2004, alors âgée de 36 ans, Lisa Montgomery a un nouveau compagnon avec lequel elle souhaite un bébé. Seulement, cette mère de quatre enfants a subi une ligature des trompes quelques années plus tôt. Une grossesse naturelle étant inconcevable, elle décide de commettre l'irréparable : "voler" le foetus d'une inconnue.

Pour cela, elle repère d'abord sa proie sur un forum de discussions, une femme enceinte de huit mois qui possède un élevage de chiens, et prétexte vouloir lui acheter un animal de compagnie. Une fois sur le palier, elle étrangle sa victime, lui découpe l'utérus avec un couteau et l'abandonne, inerte, emmenant la nouvelle-née avec elle. De retour chez elle, elle présente le bébé à son partenaire comme le leur. Il la croit, jusqu'à l'intervention de la police le lendemain.

En 2007, trois ans après ce crime "particulièrement odieux" comme l'a qualifié le ministre de la Justice américaine, Lisa Montgomery est condamnée à la peine capitale. Elle devrait être exécutée le 12 janvier prochain. Ses avocats tentent de lui épargner l'injection létale en plaidant, sans nier la gravité des faits, son lourd passé : la cinquantenaire a été victime de violences et de viols en réunion dans son enfance, et souffre de troubles psychotiques, rapporte l'Agence France Presse.

18 "vols de foetus" depuis 2004

Ce type de meurtre s'est tragiquement multiplié ces dernières années. Depuis 1964, on en compte ainsi 21 aux Etats-Unis. "Voler un bébé en éventrant sa mère" reste très rare, assure John Rabun à l'AFP, fondateur du Centre national pour les enfants disparus et exploités, mais le nombre de ces "enlèvements" a "augmenté depuis une quinzaine d'années", observe l'expert. Depuis 2004 en effet, 18 ont été recensés par son organisation, le dernier datant d'octobre dernier, au Texas.

Ann Burgess, professeure en psychiatrie à Boston, analyse le profil des meurtrières auprès de l'agence française. Souvent, estime-t-elle, il s'agit de femmes qui ont perdu un enfant ou ne peuvent pas en avoir. Des femmes en couple. "[Elle] veut un bébé pour améliorer une relation mal en point avec un partenaire", explique la spécialiste. "Elle a un homme dans sa vie et c'est la seule raison pour laquelle elle vole un enfant", ajoute à son tour John Rabun.

Des femmes qui se livrent aussi à une préparation intensive. Entre autres, elles épluchent des textes médicaux qui leur apprennent à faire une césarienne, simulent une grossesse (prise de poids, décoration de chambre d'enfant, voire même organisation d'une baby shower) et s'occupent du bébé volé comme si elles l'avaient elles-mêmes mis au monde. Pour ce qui est du sort des mères en revanche, elles ne lui accordent guère d'importance. "Elles ne semblent pas comprendre, qu'avec un ventre ouvert, on peut mourir", affirme l'expert.

Sur 21 victimes, 19 sont décédées et 13 nourrissons ont survécu.

Informer les femmes enceintes

Pour enrayer ce phénomène inquiétant, l'éducatrice et ancienne directrice de la sécurité d'un hôpital Elizabeth Petrucelli explique la nécessité de sensibiliser davantage les futures mères. "C'est important d'en parler car les victimes sont souvent attirées par la promesse de nourriture ou de vêtements gratuits pour le bébé". Même si, elle l'admet, le sujet est difficile à aborder "pour des raisons évidentes". Et le crime compliqué à anticiper. "Comment empêcher quelque chose d'aussi rare ? Je ne pense pas que ce soit possible", concède-t-elle.

En 2015 pourtant, Elizabeth Petrucelli avait alerté sur le potentiel danger représenté par une femme qui, lui avait-on expliqué, était toujours enceinte en janvier quand elle aurait dû accoucher en novembre. "Si elle est désespérée, elle pourrait commettre le pire", prévenait l'éducatrice en vain. Deux mois plus tard, la personne en question, nommée Dynel Lane, "volait" le foetus d'une autre. Cette fois, la mère a survécu mais pas l'enfant.