Faire suivre son trajet par une caméra de surveillance, une bonne idée ?

Publié le Mardi 12 Octobre 2021
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Faire suivre son trajet par une caméra de surveillance, une bonne idée ?
Faire suivre son trajet par une caméra de surveillance, une bonne idée ?
Face à au sentiment d'insécurité que ressentent de plus en plus les femmes au Royaume-Uni, la municipalité de Lincoln, dans le centre du pays, a décidé de développer une application qui suivrait le trajet des utilisatrices par vidéosurveillance.
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C'est le projet de la ville de Lincoln, située dans la région des Midlands, non loin de Nottingham. La municipalité a lancé le développement d'une application, financée par le gouvernement britannique, qui permettra aux femmes de demander aux opérateurs de vidéosurveillance d'une ville de les surveiller lorsqu'elles rentrent chez elles.

Un outil disponible sur smartphone pensé pour lutter contre l'insécurité que ressentent nombreuses Britanniques, et qui s'est particulièrement accrue ces derniers temps avec les meurtres de Sarah Everard et de Sabina Nessa, assassinées alors qu'elles marchaient dans les rues de Londres.

D'après Marc Jones, commissaire de police de la ville, cette invention "est conçue pour s'attaquer [à ce fléau] par l'éducation, la technologie, la formation, la sensibilisation et le travail en collaboration". "Ce n'est qu'une étape sur le chemin qui mène à la sécurité des femmes et des jeunes filles, mais je pense que c'est une étape très importante", espère-t-il auprès de la BBC.

Seulement, pour l'association Big Brother Watch, il s'agit ni plus ni moins d'une "initiative terriblement déplacée".

"La vidéosurveillance n'empêche pas les hommes de harceler les femmes"

Silkie Carlo, directrice des libertés civiles à Big Brother Watch, rappelle ainsi, recherches à l'appui, que "la vidéosurveillance ne prévient pas la criminalité et n'empêche certainement pas les hommes d'attaquer ou de harceler les femmes".

Ce que la conseillère Sue Burke, responsable de la réduction des inégalités au sein du conseil municipal, décrit dans les colonnes du média comme une "couche supplémentaire de sécurité en soirée afin que les riveraines et aux visiteuses aient l'esprit tranquille lorsqu'elles se promènent seuls la nuit", la militante et responsable associative, elle, épingle : "En substance, [cela] pose comme solution à la violence masculine le fait que les femmes soient suivies et surveillées par des inconnus." Elle ajoute : "En fait, cette décision est propice aux abus et pourrait mettre les femmes vulnérables en danger."

Et de conclure en accusant le gouvernement britannique - qui récemment présenté ses excuses pour avoir "laissé tomber" les victimes de viols - de ne pas vouloir comprendre le fond du problème. Soit, les comportements masculins. "Des politiques absurdes comme celles-ci montrent que la police et les autorités sont bonnes pour construire un État de surveillance mais mauvaises pour protéger les femmes", signe-t-elle.

Le ministère de l'Intérieur a par ailleurs annoncé financer des formations aux barmans, portiers, chauffeurs "concernant la vulnérabilité et la lutte contre les prédateurs". La campagne Ask for Angela, qui invite les consommatrices à "demandez à parler à Angela" au bar lorsqu'elles se sentent en danger, afin que les serveur·se·s lui commandent un taxi où lui permettent de sortir du lieu en toute discrétion, sera également relancée.