Société
Colombie : "Le viol est devenu une arme systématique et invisible"
Publié le 4 octobre 2012 à 10:18
Par Marine Deffrennes | Rédacteur
Marine Deffrennes, rédactrice spécialisée dans les sujets de société sur le site terrafemina.com
Plombée par une guérilla qui s'enlise depuis plus de 20 ans, la Colombie cherche la voie pour endiguer les violations des droits humains dans les conflits entre groupes armés. Amnesty International publie aujourd'hui un deuxième rapport sur le viol et les violences sexuelles et dénonce l'impunité des agresseurs. Explications de Régis Bar, responsable de la coordination Colombie pour Amnesty France.
Colombie : "Le viol est devenu une arme systématique et invisible" Colombie : "Le viol est devenu une arme systématique et invisible"© Amnesty International
La suite après la publicité
Terrafemina : Ce rapport sur l’impunité des violences sexuelles en Colombie fait suite à un premier constat daté de 2011. Comment les choses ont-elles évolué depuis cette première enquête sur le terrain ?

Régis Bar : Le rapport de 2011 est né d’une mission de terrain de nos chercheurs pour mettre en lumière ces violations des droits de l’homme. Les violences sexuelles étaient ignorées en Colombie et au niveau international. Ce premier rapport a donc fait du bruit et donné naissance à quelques initiatives législatives. Une loi sur les victimes et la restitution des terres a été votée en juin 2011. En effet, la question de la terre est au cœur du conflit qui agite la Colombie depuis 1985, entre les différents groupes armés et le pouvoir. Mais cette loi est difficile à appliquer et les victimes sont globalement peu soutenues. En 2012, notre nouvelle enquête conclut qu’il n’y a pas d’amélioration ressentie du côté des victimes de violences sexuelles.

Tf : Quel visage prennent les violences sexuelles contre les femmes en Colombie ?

R. B. : L’ampleur des violations des droits humains est considérable. Depuis le début du conflit, entre 3 et 5 millions de personnes ont dû se déplacer, les homicides, les disparitions forcées, la torture et le viol sont courants. La Cour constitutionnelle du pays a même reconnu que la violence sexuelle était systématique, invisible et pratiquée par toutes les parties du conflit…

Tf : Pourquoi ce fléau est-il si difficile à endiguer ?

R. B. : Les victimes ne dénoncent pas leurs agresseurs car elles ont peur des représailles. Bien souvent, les groupes armés qui les ont attaquées sont présents dans les environs de leur lieu d’habitation. Il faut aussi noter que la Colombie est un pays très machiste, et les femmes qui osent dire qu’elles ont été violées sont stigmatisées. En outre, elles ne croient pas au système judiciaire, car elles constatent que la plupart des enquêtes sur des viols n’aboutissent pas. Du côté de la justice, il n’y a aucune protection des plaignantes, les fonctionnaires les dissuadent même de porter plainte ! Il faut dire aussi que l’appareil judiciaire est infiltré par des combattants de groupes armés qui jouent les informateurs…

Tf : Que reste-t-il à faire pour que la politique de lutte contre les violences sexuelles porte ses fruits ?

R. B. : Je dirais que le gouvernement manque d’une stratégie globale pour lutter contre les violences sexuelles. Dans ce deuxième rapport, Amnesty recommande trois choses. D’abord, de faire de la lutte contre l’impunité une priorité, c’est un facteur clé pour faire baisser les violations des droits humains. L’impunité envoie aux agresseurs l’idée qu’il ne leur arrivera rien. Ensuite il faut que les lois soient mieux utilisées, et si les résultats ne sont pas là, il faut envisager l’intervention de la Cour pénale internationale. En ce moment, la Colombie fait l’objet d’un examen préliminaire. Enfin, Amnesty veut inscrire dans le code pénal colombien un projet de loi déposé cet été par deux députés de l’opposition, Iván Cepeda et Ángela María Robledo. Il s’agit de faire reconnaître les violences sexuelles comme des crimes de guerre internationaux.

Crédit photo : Amnesty International

VOIR AUSSI

Une femme contre les criminels de guerre, entretien avec Céline Bardet
Crimes contre l'humanité : 50 ans de prison pour Charles Taylor
Libye : Kadhafi invente la répression au viol et au viagra

Mots clés
Société Monde femmes
Sur le même thème
"Menaces de viol envers moi et ma fille" : Judith Godrèche menacée jusqu'à chez elle par des misogynes, elle témoigne en images
Culture
"Menaces de viol envers moi et ma fille" : Judith Godrèche menacée jusqu'à chez elle par des misogynes, elle témoigne en images
27 novembre 2025
Accusé de viols, Cauet porte plainte et dénonce les "fantasmes sexuels" de l'une de ses accusatrices, les féministes scandalisées
#MeToo
Accusé de viols, Cauet porte plainte et dénonce les "fantasmes sexuels" de l'une de ses accusatrices, les féministes scandalisées
18 novembre 2025
Les articles similaires
"C'est aussi le champion du harcèlement sexuel" : cet athlète mondialement reconnu est accusé de violences, les féministes indignées sur Instagram
Société
"C'est aussi le champion du harcèlement sexuel" : cet athlète mondialement reconnu est accusé de violences, les féministes indignées sur Instagram
17 septembre 2025
"C'est très alarmant", "elle est décharnée" : l'extrême maigreur de cette actrice d'Emily in Paris inquiète les fans
News essentielles
"C'est très alarmant", "elle est décharnée" : l'extrême maigreur de cette actrice d'Emily in Paris inquiète les fans
21 septembre 2025
Dernières actualités
"Si tu es raciste et sexiste, ne viens pas à mes concerts", dénonce cette rockstar légendaire qui fait hurler les réacs
Culture
"Si tu es raciste et sexiste, ne viens pas à mes concerts", dénonce cette rockstar légendaire qui fait hurler les réacs
12 décembre 2025
"B*iser des meufs un peu sal*pes", "Culture du viol" : les BB Brunes, un groupe hyper misogyne ? Son chanteur réagit 20 ans plus tard
Culture
"B*iser des meufs un peu sal*pes", "Culture du viol" : les BB Brunes, un groupe hyper misogyne ? Son chanteur réagit 20 ans plus tard
12 décembre 2025
Dernières news