Société
Le confinement fatal aux travailleuses du sexe ?
Publié le 10 novembre 2020 à 12:55
Par Pauline Machado | Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
En plein reconfinement, les travailleuses et travailleurs du sexe se retrouvent de nouveau en grande précarité, et ce sans beaucoup d'aides. Les associations alertent : leur situation est dramatique.
Le confinement fatal aux travailleuses du sexe ? Le confinement fatal aux travailleuses du sexe ?© Adobe Stock
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Lundi 2 novembre au matin, une vingtaine de collectifs signait un communiqué appelant le gouvernement à enfin agir pour protéger les travailleur·se·s du sexe (TDS) durant ce deuxième confinement. Le texte, publié par la Fédération Parapluie rouge, dénonce : "Avec la mise en place du confinement, l'ensemble des travailleurs et travailleuses du sexe se retrouvent, comme au printemps dernier, sans ressources. Malgré nos alertes, le gouvernement n'aura rien appris de l'expérience du précédent confinement, pendant lequel nos associations ont dû faire appel à la générosité du public, ayant reçu une fin de non-recevoir à nos demandes de la part de Marlène Schiappa."

Elles et ils exigent ainsi la création d'un fonds d'urgence pour compenser la perte de revenus, un soutien financier aux associations, la régularisation des TDS sans-papiers et un moratoire sur les amendes, la pénalisation des clients et les arrêtés anti-prostitution. Sans quoi, ils et elles seront "de fait très exposé·e·s au coronavirus par l'obligation de continuer à travailler et de prendre des risques pour survivre." Et les témoignages des premier·e·s concerné·e·s le prouvent.

"Comment vais-je payer mon loyer ? Comment vais-je nourrir mes enfants ?"

"[Les TDS] ont peur du virus, comme tout le monde. Mais quand on ne sait pas ce qu'on va manger et où on va dormir le soir, il y a des priorités", lance à l'Agence France-Presse June Charlot, médiateur santé à Grisélidis, l'une des associations signataires. Il évoque "la panique" qui règne parmi elles et eux depuis l'annonce des dernières mesures de sécurité. "Comment vais-je payer mon loyer ? Comment vais-je nourrir mes enfants ?" sont des interrogations récurrentes, dont la seule réponse, en l'absence d'aides concrètes, semble de continuer à voir leurs clients.

C'est le cas de Shaynez, escort en région parisienne, qui confie à Libération : "J'ai pleuré en apprenant le reconfinement. On va mourir de faim." Elle poursuit : "Je n'ai pas du tout travaillé entre mars et juin, j'avais très peur du virus. Là, je pense essayer de bosser un peu quand même, sinon ça va être trop difficile...".

"[Elles] aimeraient pouvoir ne pas travailler, se protéger, protéger la santé publique, mais elles sont difficilement en mesure de le faire. C'est une population exsangue", déplore Sarah-Marie Maffesoli, coordinatrice à Médecins du Monde, auprès de l'AFP. "La situation est désastreuse, y compris au niveau de la santé mentale", alerte-t-elle. Et les chiffres sont effrayants : 90 % des travailleuses et travailleurs du sexe sont précaires, selon Sarah-Marie Maffesoli.

Un constat encore plus sévère auprès des minorités. "On est à bout de souffle, surtout les personnes trans, racisées, ou celles qui travaillent dehors", témoigne à son tour Amar Protesta, escort de 29 ans, au quotidien de gauche.

"Il faut sauver ces personnes de la misère"

Lundi 2 novembre au soir, une petite lueur d'espoir. L'amendement du député de Charente-Maritime Raphaël Gérard (LREM) visant à augmenter les aides des travailleur·se·s du sexe a été adopté par l'Assemblée nationale. 90 000 euros seront donc normalement alloués aux associations de santé communautaire qui les accompagnent, dès janvier.

Une "goutte d'eau" qui, espère l'élu, aidera l'Etat et le public à prendre en compte "l'urgence de la situation", commentait-il dans la foulée à Libération. Seulement, il implore aussi de "mettre entre parenthèses l'idéologie", la ligne abolitionniste du travail du sexe, qui prédomine depuis la loi sur le système prostitutionnel de 2016, rapporte l'AFP. "Le bénéfice d'une aide reste conditionné à l'engagement dans un parcours de sortie de la prostitution", poursuit Raphaël Gérard. "Cela ne répond pas à l'urgence !"

Et de marteler avec gravité : "Il faut sauver ces personnes de la misère, et sans doute dans certains cas de la mort."

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