Société
L'ONU alerte sur la "pandémie fantôme" des violences faites aux femmes
Publié le 7 avril 2020 à 12:42
Par Clément Arbrun | Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Au temps du coronavirus, les violences faites aux femmes et aux filles perdurent et s'exacerbent. L'Organisation des Nations Unies tire la sonette d'alarme.
L'ONU alerte contre les violences faites aux femmes pendant l'épidémie de Covid-19 L'ONU alerte contre les violences faites aux femmes pendant l'épidémie de Covid-19© Adobe Stock
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"La pandémie de COVID-19 nous met à l'épreuve d'une façon que la plupart d'entre nous n'ont jamais connue auparavant, provoquant des chocs émotionnels et économiques que nous aurons du mal à surmonter. Et la violence qui en émerge est une lourde conséquence, mais aussi un miroir, un défi pour nos valeurs, notre résilience et notre humanité partagée". L'espace d'un puissant communiqué, Phumzile Mlambo-Ngcuka, la directrice exécutive de l'agence de l'Organisation des Nations unies ONU Femmes, met l'accent sur cette "violence" trop ignorée : celle que subissent bien des femmes à travers le monde au temps du coronavirus. Chiffres à l'appui.

Cette violence, dit-elle, est une véritable "pandémie fantôme". Non seulement le nombre de cas de violences conjugales est en augmentation aux quatre coins du globe, de la France à l'Argentine en passant par le Royaume-Uni et l'Espagne, tout comme le nombre d'appels d'urgence des victimes, mais cette situation exceptionnelle révèle aussi les failles de nos sociétés, des limites des centres d'hébergement et refuges aux insuffisances de la loi. Un bilan qui fait froid dans le dos.

Une pandémie fantôme

"Avant même l'apparition du Covid-19, la violence domestique était déjà l'une des plus grandes violations des droits humains. Désormais, il est temps de briser le silence et de montrer comment cette "pandémie fantôme" affecte les femmes et les filles", fustige encore la directrice. Libérer la parole donc, pour rappeler qu'à l'heure où quatre milliards de personnes sont priées de "rester chez elles", les lignes d'assistance aux femmes violentées de Singapour et de Chypre ont enregistré ces dernières semaines une augmentation des appels de plus de 30% (comme en France).

Mais aussi que le confinement, par-delà le respect des mesures sanitaires, exacerbe l'isolement des victimes et les tensions alentours. Et que les ressources présentes pour les aider semblent elles aussi à bout : Phumzile Mlambo-Ngcuka observe un "déficit des services", notamment du côté des refuges qui auraient déjà atteint "leur capacité maximale". Libérer la parole, encore, en rappelant qu'un pays sur quatre n'a pas de lois "protégeant spécifiquement" les femmes contre les violences conjugales. Que la perturbation globale des services sanitaires et sociaux rend d'autant plus compliqué l'accès aux soins et au soutien psychologique des victimes d'abus.

Pourtant, l'heure n'est pas à l'incertitude : pas moins de 243 millions de femmes et de filles (âgées de 15 à 49 ans) à travers le monde ont été victimes ces douze derniers mois "de violences sexuelles ou physiques" de la part de leurs partenaires, rappelle la directrice d'ONU Femmes. Effrayant. Et l'état de crise ne fait "que renforcer l'impunité des auteurs", déplore-t-elle. Une appréhension d'autant plus forte qu'elle est actuelle.

Si le confinement peut faire naître des violences (conjugales, mais aussi envers soi-même), il exacerbe déjà celles qui préexistent : violences physiques, psychologiques, craintes universelles et phénomènes d'emprise. A travers le monde, moins de 40% des femmes victimes d'abus domestiques "cherchent de l'aide", s'attriste la directrice de l'ONU Femmes.

Aujourd'hui et plus que jamais, insiste Phumzile Mlambo-Ngcuka, c'est aux gouvernements d'agir. Les solutions ? Établir des plans d'urgence nationaux, renforcer les ressources préexistantes, proposer un soutien économique accru aux centres d'accueil, associations et autres "services essentiels" en temps de pandémie. Ou encore, mobiliser les forces de l'ordre et l'appareil judiciaire.

Bref, se rappeler que les femmes sont les premières victimes des crises, tel que l'énonce l'ONG Care, et mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour changer la donne. "Nous devons non seulement survivre au coronavirus, mais en ressortir renouvelé·e·s", espère la directrice. Car "survivre" n'est pas possible sans ces millions de femmes du secteur social et sanitaire qui "travaillent sans relâche chaque jour pour prendre soin de nous tous", abonde l'ONU Femmes. Des anonymes en première ligne qui nous rappellent que le "monde d'après" ne peut s'envisager sans une considération aiguë des discriminations sociales, des violences domestiques, sexistes et sexuelles, bref, de cette "pandémie fantôme" que subissent les femmes.

Dans une vidéo diffusée ce 6 avril, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, alertait également face à la flambée des violences domestiques : "De nombreuses femmes et jeunes filles se retrouvent particulièrement exposées à la violence précisément là où elles devraient en être protégées. Dans leurs propres foyers. C'est la raison pour laquelle je lance aujourd'hui un nouvel appel pour la paix à la maison, dans les foyers, à travers le monde entier", souligne-t-il.

"J'engage tous les gouvernements à prendre des mesures de prévention de la violence contre les femmes et à prévoir des recours pour les victimes dans le cadre de leur plan d'action national face au Covid-19.

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