Loi contre les violences sexistes et sexuelles au Sénat : des avancées et des failles

Publié le Vendredi 06 Juillet 2018
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Marlène Schiappa à l'Assemblée Nationale
Marlène Schiappa à l'Assemblée Nationale
Dans cette photo : Marlène Schiappa
Le projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes de la secrétaire d'État Marlène Schiappa est passé cette semaine au Sénat, après un premier passage en mai à l'Assemblée nationale. Un texte qui ne fait toujours pas l'unanimité.
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Le texte du projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes a été adopté par 224 voix contre 22 abstentions ce jeudi (5 juillet) au Sénat. Les sénateurs et sénatrice du Parti Socialiste font partie des abstentionnistes. Ils et elles dénoncent une loi qui "ne règle finalement rien et ne permet pas de garantir aux enfants un bloc de protection pénale à la hauteur". Ce passage au Sénat marque quelques avancées dans le texte, mais des faiblesses perdurent.

Abandon de la formulation "atteinte sexuelle avec pénétration"

A l'occasion du passage de la loi à l'Assemblée nationale, les associations féministes s'étaient émues de l'article 2 de la loi qui créait le délit "d'atteinte sexuelle avec pénétration". Le mouvement "Groupe F" créé par Caroline de Haas lui reprochait notamment de transformer le crime de viol sur mineur en simple délit. Mercredi soir, lors de l'examen du texte au Sénat, Marlène Schiappa, la secrétaire d'Etat à l'égalité entre les hommes et les femmes, a annoncé l'abandon de cette formulation. Le Groupe F qui avait été à l'origine d'une pétition réunissant 185 000 signatures s'est félicité de la nouvelle.

Un article 2 toujours problématique

Si la formulation d'"atteinte sexuelle avec pénétration" a été abandonnée, l'article 2 pose toujours problème pour les sénateurs et sénatrices socialistes. La commission des lois présidée par un sénateur LR, Philippe Bas, s'est opposée à la création d'un seuil d'âge pour pénaliser les abus sexuels sur mineur·e·s. La délégation aux droits des femmes du Sénat avait pourtant présenté un amendement créant un crime de violence sexuelle sur enfant pour que "tout acte de pénétration sexuelle entre un majeur et un mineur de treize ans soit puni de 20 ans de réclusion criminelle."

Alors que la majorité sexuelle est toujours fixée à l'âge de quinze ans, le juge disposera seulement pour les mineur·e·s de moins de quinze ans de la surprise ou de la contrainte morale qui pourront être caractérisées par un abus de vulnérabilité de la victime si elle ne dispose pas du discernement nécessaire.


Sanction de l'utilisation de la drogue du violeur

La loi sanctionne "le fait d'administrer ou de tenter d'administrer à son insu à une personne une substance de nature à altérer son discernement afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle." On pense notamment au GHB, la drogue du violeur. Les personnes condamnées pour ces faits encourront cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende, et quinze ans et 100 000 euros si les faits sont commis sur un·e mineur·e.

La prévention des violences sexuelles au niveau régional

Sur le volet des violences sexuelles, la loi nouvellement votée au Sénat prévoit d'intégrer dans tous les projets régionaux de santé, un "volet obligatoire concernant la prévention des violences sexuelles, l'accès aux soins et au suivi médical des victimes de violences sexuelles". On se permettra d'indiquer que l'État, par le biais de la préfecture, vient d'annoncer la fin de ses aides aux femmes battues dans le département du Loiret.


Sensibilisation dans l'Éducation nationale

Dans l'Education nationale, les enseignant·e·s seront mieux formé·e·s aux problématiques des violences sexistes et sexuelles. Ils et elles devront également sensibiliser leurs élèves au harcèlement en ligne. Sur ce point, la loi punit désormais le cyber-harcèlement.


Sanction de l'upskirting


Alors que la Corée du Sud vit une véritable épidémie à ce sujet et que le Royaume-Uni vient de légiférer, l'upskirting sera désormais punit également en France. Ce nouveau délit de "captation d'images impudiques" (comme photographier ou filmer sous les jupes à l'insu des femmes) sera puni d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende. Auparavant, en l'absence de contact physique, la pratique ne pouvait pas être considérée comme une agression sexuelle.


Allongement de la prescription

Outre l'allongement de la prescription pour les crimes sexuels commis sur mineur·e de vingt ans à trente ans après la majorité. La commission de nouveaux crimes interrompra également la prescription des crimes plus anciens "afin d'éviter l'impunité des personnes qui commettent, pendant de très longues périodes, des crimes sexuels de façon répétée sur des mineurs".


Peines aggravées pour les viols ou agression sexuelles sur des personnes en détresse économique


Cette disposition vise à mieux protéger les personnes sans domicile fixe.


L'outrage sexiste devient un délit

L'outrage sexiste sera puni de 3750 euros d'amende. Le fait de ne pas serrer la main à une femme en raison de son sexe sera également considéré comme outrage sexiste. L'outrage sexiste divise, beaucoup doute de la possibilité de sa mise en application concrète.

Par ailleurs, les Socialistes ont obtenu la commande d'un rapport sur les liens entre violences sexuelles et suicide mais aussi le fait de filmer les victimes de viols pour ne pas les faire répéter plusieurs fois ce qu'elles ont vécu.


La loi contre les violences sexuelles et sexistes portée par Malène Schiappa doit maintenant passer en commission mixte paritaire avant un vote définitif.