"La Consolation" : un téléfilm remarquable sur l'enfance violée de Flavie Flament

Publié le Mardi 07 Novembre 2017
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
La Consolation : un téléfilm remarquable sur l'enfance violée de Flavie Flament
La Consolation : un téléfilm remarquable sur l'enfance violée de Flavie Flament
France 3 diffuse ce soir "La Consolation", l'adaptation du témoignage bouleversant de Flavie Flament dans lequel elle raconte son viol à 13 ans par le photographe David Hamilton. Choc et nécessaire, le téléfilm relance le débat sur l'allongement des délais de prescription quand les victimes de violences sexuelles sont mineures.
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Il y a un an, en octobre 2016, Flavie Flament publiait La Consolation, un livre-témoignage éprouvant dans lequel elle racontait, avec beaucoup de courage, le viol qu'elle avait subi alors qu'elle avait 13 ans par un photographe mondialement connu. Si au moment de la parution de son livre, Flavie Flament n'a pas voulu donner le nom du prédateur qui a abusé d'elle et lui a volé son enfance, c'est parce que les faits qu'elle décrit sont prescrits : trop de temps a passé entre le viol qu'elle a subi et le moment où elle les a dénoncés.

Mais Flavie Flament n'a pas pu les dénoncer avant. Victime durant des années d'une amnésie traumatique, l'animatrice ne s'est rappelée avoir été violée qu'en 2009 après avoir entamé une thérapie. À ce jour, la loi française laisse 20 ans à compter de leur majorité aux victimes mineures de viol pour porter plainte. Un délai jugé bien trop court quand on sait que nombre de victimes enfouissent le traumatisme au plus profond de leur mémoire et que ce souvenir douloureux ne peut resurgir que des décennies plus tard. "Lorsqu'on vit un événement traumatisant qui met sa santé psychique en danger, l'esprit range ces souvenirs dans une partie méconnue du cerveau. Du coup, on oublie ce qu'on a vécu. Cela étant, on a toujours des signaux qui se traduisent par des états de déprime et de souffrance inexplicables. Puis, un jour, la boîte à souvenirs s'ouvre, souvent à la faveur d'un événement dramatique. Et là, le passé nous revient en pleine face, vingt, trente ou quarante ans après. C'est particulièrement violent car vous vivez une seconde fois l'événement destructeur", explique Flavie Flament dans le communiqué accompagnant La Consolation.

Parler pour se reconstruire

Aujourd'hui pourtant, Flavie Flament se sent "en paix". Le fait de dénoncer son violeur et de mettre des mots sur le traumatisme qu'elle a subi y sont pour beaucoup. Car ce n'est plus un secret pour personne : ce grand photographe qui a abusé de Flavie Flament quand elle était enfant, c'est David Hamilton. Quatre autres femmes se sont jointes à elle pour accuser l'artiste de viol alors qu'elles étaient enfants. Les faits sont prescrits dans trois des cas. La quatrième jeune femme, Élodie, raconte dans L'Obs avoir été violée en 2007. Elle aurait donc pu encore obtenir justice, si David Hamilton ne s'était pas donné la mort le 25 novembre 2016 dans son appartement parisien.

Lou Gable interprète Flavie Flament adolescente
Lou Gable interprète Flavie Flament adolescente

Le téléfilm La Consolation que diffuse France 3 ce soir participe aussi au processus de guérison de Flavie Flament. Porté à l'écran par Magaly Richard-Serrano et portée par la magistrale Lou Gable, qui campe Flavie adolescente, le téléfilm coproduit par l'animatrice a été récompensé au Festival de La Rochelle. On y découvre la rencontre Au Cap d'Agde entre une jeune fille de 13 ans, à peine sortie de l'enfance, et un homme qui, sous prétexte de lui faire faire des photos, va profiter de sa position pour abuser d'elle.

Mais La Consolation, ce n'est pas seulement l'histoire d'un viol. C'est aussi celui de l'emprise psychologique malsaine qu'exerce une mère sur sa fille. Femme au foyer malheureuse et frustrée, en mal de reconnaissance, la mère de Flavie (jouée par l'impeccable Léa Drucker) vampirise sa fille, l'hypersexualise et n'hésite pas à la jeter dans la gueule de prédateurs pour casser la vie routinière et vivre le grand frisson.

Pour se souvenir de son viol, Flavie, devenue adulte (interprétée par Emilie Dequenne) va devoir se remémorer son adolescence douloureuse, faite de remarques mesquines sur son physique et d'intrusions dans sa vie privée. "Lorsqu'une personne va jusqu'à commettre des choses aussi graves, elle peut, je pense, difficilement se remettre en question. Cela fait désormais partie d'un passé avec lequel je suis heureusement en paix. Après de nombreuses nuits blanches, je suis tournée vers l'avenir, avec un regard sans haine et parfaitement lucide, sur ma mère comme sur mes bourreaux", explique Flavie Flament.

Léa Drucker et Lou Gable
Léa Drucker et Lou Gable

Le téléfilm La Consolation sera suivi de la diffusion d'un débat animé par Carole Gaessler en présence de Flavie Flament et, à 23h45, de celle du documentaire "Victimes d'un pédophile, le combat d'une vie". France 5 diffusera quant-à-elle "Viols sur mineurs" un documentaire co-écrit par Flavie Flament et Karine Dusfour le mercredi 15 novembre.

De son côté, Flavie Flament poursuit son combat pour que la parole des victimes de viols ne tombe pas dans l'oubli. À la demande de Laurence Rossignol, l'ancienne ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes, elle s'est chargée d'une mission interministérielle chargée de lutter contre les violences sexuelles sur mineurs. "Nous avons remis un rapport le 10 avril dernier. Nous avons surtout recommandé le rallongement du délai de prescription de 20 à 30 ans après la majorité. C'est aujourd'hui applicable dans le droit français. Nous attendons du nouveau gouvernement qu'il s'empare de cette question."