Et si on arrêtait la pilule ? Le guide pour aborder cette transition sereinement

Publié le Mardi 26 Octobre 2021
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Comment arrêter la pilule en toute sérénité ?
Comment arrêter la pilule en toute sérénité ?
Dans leur ouvrage "Génération no pilule", Maëlle Kaddah et Florette Le-Brech décortique les alternatives au contraceptif hormonal et apporte des clés pour aborder cette transition sereinement, et reprendre, finalement, possession de son corps.
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Maëlle Kaddah est naturopathe, Florette Le-Brech est coach formée à la méthode symptothermique, une contraception qui passe par la surveillance de sa température et des caractéristiques des glaires cervicales pour détecter la phase de notre cycle dans laquelle on se trouve. Ensemble, elles ont créé, il y a 3 ans, le blog Ma vie après.

Elles y racontent comment s'est déroulé leur quotidien - d'un point de vue physique comme psychologique - après qu'elles aient pris une décision majeure : arrêter la pilule qu'elles prenaient depuis l'adolescence.

Aujourd'hui expertes dans le domaine, les deux amies de lycée ont placé leur savoir dans un livre-guide, Génération No Pilule, aussi pédagogique que complet. "Le commencement d'un formidable voyage intérieur pour mieux se connaître et accueillir son cycle, vivre sa féminité en pleine conscience et s'épanouir", signent-elles.

L'ouvrage s'articule en trois parties pratiques : "Comment fonctionne mon corps avec et sans pilule", "Je passe à l'action" et "Mon hygiène de vie post-pilule". Au fil des pages, des témoignages, des conseils pour aborder le sujet avec les professionnel·le·s de santé, des quiz qui peuvent indiquer si oui ou non, notre méthode nous convient.

Autant d'éléments qui nous convainquent qu'une transition paisible est possible. Ou du moins, que la pilule n'est certainement pas la seule option envisageable. Echange.

"Génération no pilule", de Maëlle Kaddah et Florette Le-Brech
"Génération no pilule", de Maëlle Kaddah et Florette Le-Brech

Terrafemina : Pourquoi vous être penchées sur le sujet de la pilule et en l'occurrence, d'une vie sans ?

Maëlle Kaddah et Florette Le-Brech : Le projet de "Ma vie après" est né de notre propre expérience. On a toutes les deux arrêté la pilule il y a 3 ans et on s'est rendu compte que c'était beaucoup plus compliqué que prévu. En soit, on pensait qu'il s'agissait simplement de supprimer une charge mentale, donc que ce serait facile, mais non. Cela fait appel à autre chose, à certaines peurs notamment : celle de l'inconnu que représente notre corps sans contraceptif hormonal, celle de devoir trouver une autre contraception...

On s'est dit qu'on allait aider d'autres personnes qui ressentaient la même chose. Car malheureusement, il y a peu d'accompagnement ou d'écoute sur ce point-là par les services médicaux.

Le but de votre livre est-il donc d'accompagner les femmes là où les structures médicales semblent faire défaut ?

M. K. et F. L-B. : Dans une certaine mesure. On ne remplacera jamais le corps médical et c'est très important de le dire. Mais oui, les femmes ne se sentent pas écoutées par nombreux·se·s soignant·e·s. Par le biais de notre blog et de notre livre, on va donc être l'oreille, le relais de témoignages, on va rediriger les personnes qui en ont besoin vers des praticien·ne·s qui peuvent leur être utiles (des ostéopathes, notamment).

On permet également une meilleure prise en charge de leur hygiène de vie ; les médecins, gynécologues, sages-femmes ne sont pas forcément formés à ce domaine. Ce qui fait défaut la plupart du temps, au-delà de ne pas trouver l'écoute que l'on recherche, c'est de ne pas savoir quoi mettre en place pour accompagner son corps pendant ce bouleversement. Et là, la prise en charge de l'hygiène de vie a son importance.

Que voulez-vous dire par "prise en charge de l'hygiène de vie", exactement ?

M. K. et F. L-B. : C'est faire de la rééducation sur l'impact de nos actions quotidiennes sur notre fertilité. Souvent, on a pris la pilule assez jeune, à l'adolescence, sans avoir été sensibilisée au fonctionnement de notre corps de femme et à notre fertilité. L'idée, et le travail du naturopathe, est d'expliquer comment le corps fonctionne sur différents points, et comment on va pouvoir agir face à différents déséquilibres. Il faut montrer aux femmes que les clés sont entre leurs mains, à leur niveau.

On peut apprendre soi-même à comprendre son corps, et à mettre en place des choses qui vont nous aider à avoir un cycle menstruel plus serein, une transition de la pilule à un contraceptif sans hormone plus sereine. Et ça n'annule pas l'importance de l'expertise et des actions du corps médical, c'est un complément d'éducation sur ce sujet.

Que répondre à celles et ceux qui brandissent l'argument que remettre en question les effets de la pilule est contraire aux valeurs féministes, puisqu'il s'agit d'un outil d'émancipation féminine ?

M. K. et F. L-B. : Le réel outil d'émancipation féminine n'est pas de prendre quelque chose qui vient freiner un processus physiologique naturel, mais plutôt d'apprendre à avoir les outils nécessaires qui permettent à notre corps de mieux l'observer et donc de mieux vivre avec. Après, on ne remet jamais en cause l'émancipation que la pilule a permis. On dit juste qu'on veut aller plus loin.

C'est normal qu'avec les nouvelles générations, les attentes soient différentes, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, on demande à jouir d'une contraception qui ne nous empêche pas de vivre correctement, qui ne nous nuit pas, et à avoir le droit d'apprendre à connaître notre corps. Quand une personne ne souffre pas de sa contraception, il n'y a pas de problème. Mais quand une personne ressent des migraines constantes et de vrais effets secondaires, la pilule représente une émancipation relative. Et on peut demander plus.

Reprendre possession et contrôle sur sa contraception, est-ce reprendre possession de son corps ?

M. K. et F. L-B. : Tout à fait, et c'est justement reprendre possession de son corps qui est le réel outil d'émancipation. C'est être actrice de sa vie, de sa santé (sans, encore une fois, mettre de côté l'aspect médical). C'est savoir comment on fonctionne, avoir moins peur de certains effets secondaires.

Par exemple, l'arrêt de la pilule signe souvent le retour des règles et on a l'impression qu'elles arrivent n'importe comment. Alors qu'avec les bonnes données, on peut les anticiper, ne pas être surprise, être rassurée sur ce qui arrive, sur certaines douleurs, sans se dire qu'il se passe quelque chose de grave. Cela peut juste être le mécanisme du cycle qui reprend. Être informée est essentiel pour vivre cette transition plus sereinement.

Parler d'arrêter la pilule n'est pas toujours facile.
Parler d'arrêter la pilule n'est pas toujours facile.

Concrètement, y-a-t-il des effets indésirables à l'arrêt de la pilule ? Lesquels ?

M. K. et F. L-B. : C'est ce qu'on regroupe sous le terme "syndrome post-pilule", soit les effets secondaires potentiels que l'on peut ressentir - qui ne concernent toutefois pas toutes les femmes. Généralement, il y a : le retour de règles abondantes, douloureuses, les cycles irréguliers, l'acné, la perte de cheveux...

Ils sont liés au chamboulement hormonal qui a lieu entre le moment où l'on va arrêter la contraception et celui où le corps retrouve un équilibre. C'est transitoire, mais ce n'est pas pour autant qu'on doit subir ces conséquences de plein fouet. Et c'est justement à ce moment-là, on insiste, que se pencher sur son hygiène de vie va avoir un grand intérêt, pour comprendre comment on peut impacter positivement cet arrêt de contraception.

Est-il important que chaque femme se penche sur la question de la pilule ?

M. K. et F. L-B. : Nous ne disons pas que chaque femme doit s'y pencher. Ce qui est important en tout cas, c'est que chaque femme sache que la pilule n'est pas la seule solution. Si elle la prend, il faut que ce soit en ayant conscience qu'il y a d'autres moyens de se protéger, que ce n'est pas la seule chose disponible.

Quelle est la contraception que vous jugez la plus sûre aujourd'hui ?

M. K. et F. L-B. : Cela va vraiment dépendre de la personne. On dit souvent que la meilleure contraception est celle que l'on choisit et qui nous convient. La pilule peut être celle-ci, dès qu'elle est consciemment choisie. Il faut toutefois déconstruire cette pensée selon laquelle elle est la seule contraception fiable.

La symptothermie (le fait de surveiller sa température et l'aspect des glaires cervicales pour déterminer la phase de son cycle dans laquelle on se trouve) est fiable à 98 %, selon l'OMS. Mais cela peut aussi ne pas convenir à tout le monde : c'est un apprentissage et beaucoup d'informations à enregistrer.

Dans ce cas-là, on peut se diriger vers le stérilet en cuivre, pour celles qui ne souhaitent pas s'occuper quotidiennement de leur contraception, ou le préservatif, pour partager la charge. C'est une contraception et il serait temps de la considérer comme telle. Ou encore la contraception masculine thermique (comme le slip chauffant ou l'anneau thermique, ndlr) qui tend aussi à se développer.

Relancer la conversation autour de la pilule permet-il par la même occasion de rappeler que le poids de la charge de la contraception ne devrait pas uniquement incomber aux femmes ?

M. K. et F. L-B. : Oui, tout à fait. Ce qui est un grand sujet. Si une femme a besoin d'une contraception, c'est qu'il y a un homme dans le processus. Donc pourquoi serait-elle le "problème" que d'une seule personne sur deux, sans que l'autre n'ait à se poser de questions ?

Le préservatif est rapidement mis de côté parce que ça "gêne" principalement le partenaire masculin. Mais à côté de ça, il ne va pas se demander à quel point la pilule va impacter le corps de la femme. Ce sont des généralités, mais c'est encore assez rare qu'un homme s'interroge concrètement sur la contraception féminine. Après, avec la sortie du livre, nous avons davantage de retours d'hommes que de femmes - qui ont tendance à se sentir agressée et à penser qu'on est anti-pilule.

Aujourd'hui, la pilule fait presque partie de ce qui fait de nous une femme. On peut finir par se demander "qui suis-je sans et sous pilule ?" Cela impacte également nos taux hormonaux jusque-là toujours stables, et l'arrêter engendre parfois de grands questionnements sur soi... voire jusque dans son couple. Rien que d'initier la conversation avec notre partenaire, et de voir comment il y répond peut mener à des bouleversements.

A ce sujet, vous diriez-vous "anti-pilule" ?

M. K. et F. L-B. : Non, pas du tout. Remettre en question la pilule n'est pas être "anti-pilule". On ne va jamais pointer du doigt celles qui la prennent. Dans le respect de chacune, cela n'a pas de sens pour nous d'être anti-pilule. Il y a des femmes qui font le choix de la prendre et ce serait contre-productif que de s'afficher comme tel. On a fait et on continue de faire avec les informations qui sont à notre disposition au moment où on le dit. Tout est OK : la prendre ou non.

Ce qui est important, on le répète, c'est d'être consciente, informée, d'ouvrir les yeux... mais jamais en ayant un discours clivant.

 

Génération no pilule, de Maëlle Kaddah et Florette Le-Brech. Editions Larousse.