Souffrez-vous de chérophobie, la peur d'être heureux ?

Publié le Lundi 11 Avril 2022
Avez-vous peur d'être heureuse ?
Avez-vous peur d'être heureuse ?
Alors que le bonheur semble être une aspiration universelle, certaines personnes ressentiraient une peur panique à l'idée d'être heureuse. Explications de la psychologue Betty Jereczek.
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Vous êtes-vous déjà levé·e avec cette drôle d'idée : "Aujourd'hui, ça va trop bien, ce n'est pas normal" ? Il y a ces moments de vie où l'on a la sensation que tout va bien, et cela semble presque irréel. Ces phases de vie peuvent être un enfer pour les chérophobes, qui ont peur d'être heureux. La joie leur génère une anxiété extrême. Mais, comment peut-on avoir peur d'être heureux, alors que dans notre société, tout le monde semble courir après le bonheur ?

Qu'est-ce que la chérophobie ?

Selon la Classification Internationale des Maladies, 10e révision (CIM-10), les phobies sont limitées à des situations très spécifiques comme la proximité de certains animaux, les endroits élevés, les orages, l'obscurité, les voyages en avion, les espaces clos, l'utilisation des toilettes publiques, la prise de certains aliments, les soins dentaires, le sang ou les blessures. Exposée à la situation phobogène ou à l'objet de la peur, la personne peut présenter un état de panique et une anxiété intense.

Bien que la chérophobie, la peur du bonheur, ne figure pas au DSM-5 (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux et des troubles psychiatriques), un des référentiels des maladies et troubles mentaux, elle représente néanmoins un enfer pour les personnes qui la vivent.

Mais alors, d'où vient la peur d'être heureux ?

Souvent, il ne s'agit pas vraiment de la peur d'être heureux, mais plutôt des conséquences du bonheur. Les personnes souffrant de chérophobie sont persuadés que s'ils vivent de la joie ou du bonheur, ils vivront forcément ensuite un grand malheur. Cette construction mentale a pu se faire au fil du temps et des expériences de vie.

Souvent, les chérophobes ont vécu des moments où tout allait bien dans leur vie, puis tout s'est écroulé et ils ont vécu une descente aux enfers. Inconsciemment, ils associent deux idées : "Si je suis trop heureux·se maintenant, alors je serai malheureux·se après". Pour ne pas souffrir, elles et ils vont naturellement éviter toutes les situations qui pourraient leur apporter de la joie. Ce qui va, pourtant, entretenir leur mal-être.

Avant même de vivre une émotion agréable (joie, contentement, satisfaction, partage...), les chérophobes s'imaginent ce qu'il va se passer ensuite de mauvais. Il s'agit de l'anticipation anxieuse. L'anticipation anxieuse se construit par expérience : "A chaque fois que j'ai été heureux·se, il y a eu un malheur". Les personnes chérophobes ont souvent vécu des traumatismes et blessures dans leur passé. Au fil du temps, elles ont appris à se méfier des moments où ils se sentent bien.

Au fil du temps, elles développent un discours intérieur auxquels elles croient fermement : "Si je suis heureux·se, plus tard, je vais être malheureux·se et plus je serai heureux·se, plus je serai malheureux·se", "Si je suis trop heureux·se, il va forcément m'arriver quelque chose derrière", "Je ne dois pas être heureux·se sinon il va m'arriver un malheur", "Je n'ai pas le droit au bonheur". Ce sont des croyances limitantes, qui empêchent les personnes de s'exposer à des situations qui pourraient les rendre heureuse.

Les personnes chérophobes vont éviter leurs pensées positives, les situations qui peuvent générer de la joie ou encore éviter de célébrer des succès. "Il vaut mieux ne pas trop se réjouir, cela pourrait être pire après".

Dans son livre Le grand saut, Gay Hendricks, psychologue et auteur, décrit que nous nous empêchons trop souvent de vivre la joie et la satisfaction que nous méritons avec des pensées du type : "C'est trop beau pour être vrai", "Je ne le mérite pas". C'est ce qu'il appelle le "problème de la limite supérieure". Non seulement cette réaction émotionnelle négative fait obstacle à notre bonheur, mais elle nous empêche d'avancer.

Les chérophobes ne peuvent plus avancer et ressentir de joie car l'anxiété peut prendre toute la place dans leur vie.

Avez-vous peur du bonheur ?
Avez-vous peur du bonheur ?

Comment guérir de la chérophobie ?

Il est important d'évaluer l'impact que la chérophobie a sur le fonctionnement et la vie de tous les jours. Avec le temps, on peut observer un repli sur soi et un refus de vivre toutes les situations qui pourraient potentiellement amener de la joie. Ce cercle vicieux peut amener à un trouble anxio-dépressif.

Aussi, il est toujours bon de rappeler que ces difficultés peuvent être évoquées avec un médecin ou un psychologue.

Une psychothérapie de type TCC (Thérapie Cognitive et Comportementale) peut permettre un apaisement rapide. Le travail sur l'anxiété et la restructuration cognitive (reprogrammer ses pensées qui empêchent de s'exposer et de ressentir la joie), serait central. Cette reprogrammation peut amener de nouvelles pensées et aider les personnes chérophobes à revivre des moments heureux et des émotions agréables.

Les blessures émotionnelles qui ont amené à cette peur pourront être apaisées. Le travail sur la confiance en soi, sur ses ressources pour rebondir, pourra être un axe de travail très important. Progressivement, la personne sera amenée à accueillir son anxiété et à retrouver confiance en elle pour traverser tous les moments de vie, confortables ou non.

La méditation pleine conscience et l'hypnothérapie pourraient aussi être des approches complémentaires.

Avec le temps, la personne chérophobe pourra vivre de nouveau des moments de joie sans anxiété et sans peur.

Par Betty Jereczek, psychologue membre du comité Psychologue.net

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