Quand boire du thé devient un acte de rébellion pour les Pakistanaises

Publié le Mardi 15 Septembre 2015
Jack Parker
Par Jack Parker Rédadtrice
En Asie du Sud, des femmes ont lancé le mouvement #GirlsAtDhabas pour se réapproprier l'espace public, et plus précisément les buvettes appelées dhabas.
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Si en France le fait de sortir prendre le thé en terrasse avec des copines n'a strictement rien de révolutionnaire, ce n'est pas le cas dans tous les pays. En Asie du Sud, par exemple, la place des femmes dans les espaces publics n'est pas la même. La majorité des espaces publics est fréquentée essentiellement par des hommes, ou des femmes accompagnées par des hommes, mais rarement par des femmes seules ou en groupe.

Pour lutter contre ces inégalités, la Pakistanaise Sadia Khatri a décidé de lancer le mouvement Girls At Dhabas. Les dhabas sont des petites buvettes itinérantes où les gens (principalement les hommes, donc) viennent manger et boire du chai tea. Tout a commencé lorsque Sadia a posté une photo d'elle avec ses amies dans un dhaba avec le hashtag #GirlsAtDhabas, et qu'on lui a soufflé l'idée de lancer un mouvement sur ce thème, en propageant le hashtag et les idéaux qui se cachent derrière.

Contactée par BuzzFeed , Sadia a expliqué sa démarche :

"L'idée, c'est de réapparaître dans les rues. L'accès aux espaces publics est principalement restreint sur des critères de classe sociale et de genre. Les dhabas ne sont qu'un endroit parmi d'autres. On aimerait voir plus de femmes dans les rues et dans des espaces que nous ne sommes pas traditionnellement censées occuper. Ça concerne que ces espaces, mais surtout la façon dont on les occupe, et les réseaux sociaux sont une extension à ces espaces publics."

Selon elle, les femmes ne vont généralement pas dans les dhabas parce qu'elles n'y voient pas d'autres femmes - c'est un cercle vicieux qu'elle entend bien briser une bonne fois pour toutes en plaçant un maximum de femmes dans ces espaces, incitant ainsi d'autres à suivre cet exemple et à se joindre à elles.

"Les femmes ne sont pas censées flâner. Ce n'est pas une chose que nous pensons pouvoir faire, et quand quelqu'un le fait, ça met les gens mal à l'aise. Il y a également la question de la sécurité, et nous insistons pour qu'elle soit considérée avant toute chose, mais il y a des façons de gérer tout ça. Il faut y aller en groupe, ou commencer par des coins familiers. Ne pas se démarquer."

Un mouvement révolutionnaire ?

Ce mouvement pourrait marquer le début d'une révolution, selon elle :

"Mais comment pouvons-nous passer de la prise de conscience et des discussions (que je vois se développer dans les cercles féministes d'Asie du Sud, ce qui est très bien) à la lutte contre les pouvoirs existants ? En agissant concrètement près de chez soi, comme par exemple en se montrant dans des espaces auxquels nous pouvons accéder. Cela permet d'augmenter la visibilité des femmes dans de nouveaux espaces, ou dans des espaces familiers, mais d'une façon différente. Ça pousse les femmes à remettre en question ce qu'elles peuvent et ne peuvent pas faire, ça aide les féministes desi (d'Asie du Sud, ndlr) à se rapprocher de leur but principal : mobiliser les femmes."

Il s'agit pour elle d'une étape, petite certes, mais néanmoins essentielle à la lutte contre le patriarcat en Asie du Sud. Pour suivre ce mouvement et voir toutes les photos du hashtag, rendez-vous sur le Tumblr Girls At Dhabas .